Plutôt rouille que paillettes
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Comme un manège bien huilé qui tourne et clignote, « Rouille et paillettes » nous en met plein la vue. Énergie, trouvailles dans le texte et la mise en scène abondent au point que, paradoxalement, on apprécie davantage le moment où, sous les paillettes, on découvre enfin la rouille.
C’est peut-être l’histoire d’une famille qui vit dans un lieu synonyme de joie : une fête foraine. Sauf que ladite famille se nomme « Clapier », et que pour elle comme pour Pinocchio, le pays des merveilles a des allures de chausse-trappe. La famille y est coincée à vie par une dette. Papa est hypocondriaque, maman hargneuse, pessimiste et hantée par l’existence qu’elle n’a pas eue. Quant à Camille, l’adolescente de la famille, elle ne rêve que de castagne et violence verbale : son idole est logiquement le Léon de Luc Besson. Aucun de ces trois personnages ne sait dire : « je t’aime ».
D’une certaine manière, la mise en scène de la pièce est à l’image de cette illusion dont a voulu se bercer la famille Clapier. La scénographie ingénieuse, colorée (une réussite et un atout du spectacle) nous époustoufle. Les acteurs jouent à cent à l’heure, poussent la voix, s’impliquent jusqu’à l’acrobatie ou à la grimace. Le texte leur offre une partition truffée de traits d’esprit, de pointes d’humour. On n’y va pas à l’économie.
Spectacle bourré de qualités
Mais justement, on aimerait souvent, comme Camille d’ailleurs, que les cris cessent. On a parfois « besoin de silences », de pauses en tout cas. Ces dernières permettraient en effet de mieux mettre en valeur les moments de tension. C’est le paradoxe de ce spectacle bourré de qualités : accumulées, elles finissent par se neutraliser. Heureusement que le théâtre n’a pas à être un film de Luc Besson. Alors, on attend les moments de rêves, les apartés où les comédiens peuvent mieux donner leur mesure, où isolés dans des douches, mis en beauté par le travail abouti des lumières, ils parviennent enfin à nous toucher.
Il est possible que ce que nous ressentons comme des travers soit une option méditée de mise en scène, une façon de nous faire comprendre le dégoût qu’éprouve Alice pour manèges et ménage. La dramaturgie du spectacle irait plutôt dans ce sens. Peu à peu, l’ombre gagne en effet le plateau, l’intérêt se déplace de Mathilde la rageuse à cette mère, précisément nommée Alice. Finalement, cette dernière s’avère être la protagoniste de ce pays sans merveilles, de ce plateau où le mobilier se métamorphose parfois génialement et est occupée par un grand miroir.
Quoi qu’il en soit ; la pièce prend une autre profondeur dans sa deuxième moitié : Plus du côté de La Strada que de Léon ou Beyoncé : plus rouille que paillettes. 🔴
Laura Plas
Rouille et paillettes, du Teatro La Fuffa
Site de la compagnie
Texte : Filippo Capparella
Mise en scène : Filippo Capparella et Saskia Simonet
Avec : Martin Durrmann, Audrey Launaz, Saskia Simonet
Durée : 1 h 20
Dès 12 ans
Le 11-Avignon • 11, boulevard Raspail • 84000 Avignon
Du 2 au 21 juillet 2024 (sauf les lundi 8 et 15), à 12 heures
De 10 € à 22 €
Réservations : en ligne
Dans le cadre du Festival Off Avignon, du 3 au 21 juillet 2024
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Photos : © Camilo Baquerre