Terminal : tout le monde descend
Pour sortir de l’impasse où l’on se trouve face à la fin du monde, la compagnie Formiga atómica emprunte les chemins du récit et du théâtre. Mais ce récit est si pauvre et ampoulé, ce théâtre si convenu, qu’on pourrait éprouver envie de prendre soi-même la sortie.
Que faire ? Que faire quand la maison brûle, quand les chemins empruntés nous ont conduits à une catastrophe tant humaine qu’écologique ? De nombreux spectacles du In comme du Off posent à juste titre la question, avec plus ou moins de bonheur et de pertinence. Terminal de la compagnie portugaise Formiga atómica est de ceux-là. On nous y propose un récit mythique qui semble cousiner avec les allégories de la Renaissance. Cinq figures (la femme sans racines, l’homme valise etc…) se retrouvent dans un lieu improbable. Il y a urgence, elles doivent trouver une sortie avant la fin du monde. Et chacun propose une voie liée à ce qu’il a découvert lors de mystérieuses disparitions.
Alors qu’elle est nourrie de rencontres faites à Lyon, Avignon et au Portugal, la pièce fait donc le choix d’effacer cet ancrage. Dommage car, de la collecte, il ne reste que l’aspect trop composite du récit. On a souvent l’impression que ses articulations, rebondissements ne tiennent pas. Et redondances et invraisemblances ne sont pas compensées par des interventions musicales, dont la pertinence elle-même serait contestable. De plus, prétendant peut-être s’émanciper des discours contemporains, l’écriture ne fait que les transfigurer de manière pataude. Le travail est trop peu abouti pour que les métaphores ne soient pas cousues de fil blanc.
N’est pas Beckett qui veut
Comme Qui som ? de la compagnie Baro d’Evel, Terminal évoque le parrainage de Beckett, mais la barre est haute. Et c’est bien avant tout l’écriture qui pèche dans Terminal. On regrette par exemple l’artifice de la boucle créée entre le début et la fin, l’absence de caractérisation par le langage des personnages. On a souvent envie de pouffer face aux recours aux mystères qui ponctuent le texte sans raison. Le récit mythologique initial est par ailleurs très mal articulé au reste de la pièce et l’entrelac entre récit et dialogue ne fonctionne pas. À la décharge de l’équipe, on dira cependant que passer son temps à déchiffrer les surtitres n’aide pas à la compréhension d’un récit alambiqué. Oui, les histoires sont des viatiques pour les humains. Encore faut-il qu’elles leur parlent !
Pauvres acteurs empêtrés dans cette narration indigente, attifés dans des costumes improbables qui évoquent peut-être une sorte de Moyen-âge (mis en regard de notre époque ?). Tiraillés qu’ils sont entre récit et incarnation, ils font ce qu’ils peuvent Même la scénographie n’échappe pas au naufrage. On a admiré pourtant les racines minérales qui parcourent le sol du cloître, le contraste qu’elles offrent avec les végétaux du cloître ou les sièges de théâtre placés en avant-scène. Mais pourquoi faut-il que cette scénographie soit finalement si décorative, trop peu exploitée ? Le bon travail de lumière n’y change rien. Alors plutôt que de redouter la fin, on l’attend. 🔴
Laura Plas
Terminal, de la cie Formiga atómica
Site de la compagnie
Texte : Inés Barahona
Mise en scène : Miguel Fragata
Avec : Anabela Almeida, Vasco Barroso, Miguel Fragata, Carla Galvão et les musiciens Manuela Azevedo, Hélder Gonçalves
Durée : 1 h 30
Dès 15 ans
spectacle en portugais, surtitré en anglais et en français
Cloître des Célestins • Place des Corps Saints • 84000 Avignon
Du 14 au 21 juillet 2024 (relâche le 17), à 22 heures
30 €
Réservations : 04 90 14 14 14 ou en ligne
Dans le cadre du Festival d’Avignon, 78e édition du 29 juin au 21 juillet 2024
Plus d’infos ici
Photos : Christophe Raynaud de Lage