Ballade à trois voix à travers l’Europe et les époques
Par Léna Martinelli
Les Trois Coups
Parmi nos découvertes au Chaînon manquant (bilan ici), le Trio Musica Humana explore le répertoire passionnant de la musique à trois voix de la Renaissance. Avec une rare intensité, il redonne vie à des œuvres peu connues grâce à une interprétation truculente, passionnante et non dénuée d’humour.
À l’heure de la messe, dans la sublime Chapelle du Lycée Ambroise Paré, ceux qui attendaient un concert classique ont peut-être été déconcertés. Diantre, rien de classique ! Certes le répertoire est ancien, mais la proposition est pour le moins inattendue. Et tant mieux ! Fini les concerts où l’on attend la fin du morceau pour tousser, au risque de s’étouffer. Enfin, l’heure passe à la vitesse de l’éclair, quitte à faire oublier la notion d’éternité.
Décalés
Bien que formés au sein de la très sérieuse Maîtrise de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, Yann Rolland (contre-ténor), Martial Pauliat (ténor) et Igor Bouin (baryton), s’autorisent digressions et pieds de nez. Ils ont quitté leur perfecto et se tiennent droit, rasés de près (quoique !). Mais leurs yeux sont pleins de malice. Fichtre, ils ont quand même une technique irréprochable. Comme quoi l’excellence peut s’autoriser la légèreté. L’humour n’est-il pas un signe d’intelligence ?
Ainsi, en digne héritier du célèbre ensemble Clément Janequin, voyageant dans le temps et les époques, le trio met en lumière la modernité des thèmes et des compositions des grands musiciens de la Renaissance, dont William Byrd (vers 1543-1623) qui a particulièrement retenu notre attention. Les chants de Thomas Weelkes (1576-1623), organiste titulaire très connu, licencié pour cause d’ivrognerie, nous précise Igor Bouin, sont aussi très poignants.
Pour peu qu’on les comprenne, les textes sont actuels : tourments ancestraux autour de l’amour trahi, odes au suicide et autres joies partagées… Tout est très clair avec Je ne mange pas de porc ou Hommage aux tétins. Pour les autres morceaux, les explications d’Igor Bouin sont d’autant plus précieuses qu’elles sont drolatiques. À l’époque, profane et sacré se mélangeaient sans problème et le trio en joue allègrement. Pour les puristes, et ceux qui aiment les clins d’œil, il finit quand même par Amen !
Ces trublions s’amusent, et nous avec ! Ils secouent le cocotier. Mais ces polyphonies caressent tellement l’oreille, qu’en montrer les facettes méconnues, avec maestria et finesse, est la meilleure des choses pour valoriser ce répertoire d’un temps ancien. Alleluia ! ¶
Léna Martinelli
Production : La femme et l’homme debout
Baryton : Igor Bouin
Ténor : Martial Pauliat
Contre-ténor : Yann Rolland
Chapelle du Lycée Ambroise Paré, dimanche 16 septembre 2018
Durée : 40 min
Tout public
Dans le cadre de la 27e édition du Chaînon manquant
Du 11 au 16 septembre 2018 à Laval et Changé
Billetterie / Bar du festival / Bals Parquets / Point infos / Magic Miror • Square de Boston • 53000 Laval