Pièce forte
pour femme libre
Par Élise Ternat
Les Trois Coups
Parmi les textes qui jalonnent l’histoire du féminisme, figure « Une chambre à soi ». Publié en 1929, cet essai de Virginia Woolf traite du droit des femmes à l’égalité et à la liberté intellectuelle. Rien de surprenant donc à ce que la metteuse en scène Sylvie Mongin‑Algan, entre autres à l’origine du mouvement H./F., militant en faveur de la parité dans le milieu du spectacle vivant, se soit emparée de ce texte pour sa dernière mise en scène.
Dans son essai, Virginia Woolf traite des rapports entretenus entre les femmes et la littérature. Plus précisément encore, le texte révèle la disparité historique entre hommes et femmes, les contingences économiques privant les secondes de leur liberté d’écrire. Ainsi, la thèse de l’écrivain anglais consiste à montrer la nécessité pour une femme de disposer de son indépendance financière et d’un espace à soi pour pouvoir écrire et s’abstraire des obligations matérielles et triviales auxquelles elle est trop souvent condamnée. Au fil de multiples exemples, le texte énonce diverses limites matérielles et immatérielles barrant l’accès des femmes à l’écriture. À commencer par la vision hautement misogyne longtemps portée sur « le sexe faible ». Au-delà de son originalité et de son caractère passionnant, ce texte n’en demeure pas moins un monologue dense, voire ardu.
Il s’agit donc là d’un véritable défi que d’apporter vie et relief à une œuvre d’une telle exigence, jeu auquel Anne de Boissy excelle en endossant un rôle qu’elle maîtrise parfaitement. Espiègle, perspicace sans jamais cesser d’être drôle, par sa gestuelle et la qualité de sa présence, la comédienne ravive l’énergie du texte. L’extrême limpidité de sa diction est pareille à un éclairage, une mise en relief permanente du propos, témoignant par la même occasion d’une impeccable direction d’acteur et ce jusque dans les moindres détails.
Une scénographie subtile et précise
Côté décor, à l’instar de ses dernières créations, Sylvie Mongin‑Algan s’est entourée de Carmen Mariscal. La plasticienne livre ici une scénographie subtile, précise et évolutive. La lumière signée Yoann Tivoli laisse tout d’abord découvrir un parc à jeu pour enfant, entre les barreaux duquel la comédienne paraît tout d’abord minuscule. Çà et là, des livres sont disposés en tas. Entre infantilisation et émancipation, c’est bien là que se situe le cœur du propos scénographique en écho au sens du texte. De même, jusque dans sa tenue vestimentaire, la comédienne arbore culotte bouffante de petite fille et veste de tailleur d’une femme émancipée. Le parc à jeu laisse peu à peu place à un espace semblable à cette fameuse et si nécessaire chambre à soi…
Ainsi, l’essai de Virginia Woolf a trouvé une mise en scène à la hauteur de son propos. En exaltant la puissance du contenu, Sylvie Mongin‑Algan nous révèle une fois encore, son remarquable talent à choisir des textes forts, intemporels et à les magnifier par l’indéniable qualité de mise en scène qu’elle leur confère. ¶
Élise Ternat
Une chambre à soi, de Virginia Woolf
Traduction : Clara Malraux, éditions Denoël
Mise en scène : Sylvie Mongin-Algan
Avec : Anne de Boissy
Scénographie : Carmen Mariscal
Lumières : Yoann Tivoli
Son : Véronique Dubin
Costumes : Clara Ognibene
Photo : © Lorenzo Papace
Nouveau Théâtre du Huitième • 22, rue du Commandant-Pégout • 69008 Lyon
Site du théâtre : http://www.nth8.com/Accueil-nth8/pa2.html
Réservations : 01 78 78 33 30
Du 3 décembre au 18 décembre 2013 à 20 heures et samedi 14 décembre à 17 heures
Durée : 1 heure
Au choix 5 € | 10 € | 20 € | 50 € | 100 €