Musique à voir
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Cela s’appelle une pièce de théâtre musical et n’est pas, loin de là, une forme hybride, sans queue ni tête, mi-monstrueuse, mi-ovni. C’est une création d’une haute exigence artistique sur le plan à la fois théâtral et musical, un petit bijou de cinquante minutes qui vous en met plein la vue et les oreilles.
Impossible de faire plus sobre : en guise de plateau, une table tendue de noir derrière laquelle apparaissent six masques blancs. Comme des notes de musique sur une portée ou des spectateurs qui vous regardent. Où êtes-vous ? Cette mise en espace variera très peu et, bizarrement, elle est très efficace, car elle va concentrer toute notre attention sur les similitudes et les infimes variations qui vont composer le spectacle, créer une chorégraphie et une symphonie, construire un discours et un jeu. Elle est aidée en cela par les lumières : chaque interprète est éclairé en dessous par une lampe qu’il actionne lui-même. Ainsi, il apparaît ou disparaît.
Derrière les masques vont apparaître-disparaître six vrais visages, cinq hommes et une femme, des personnes réelles réduites à leur tête – puisque leur corps, recouvert lui aussi d’un drap noir, n’apparaît pas –, avec une physionomie et donc un caractère et des émotions. Ceux‑ci vont transparaître à travers les expressions, les mimiques, qui de manière simultanée, répétitive ou par réactions en chaîne (X regarde Y qui regarde Z, ou X qui tourne les yeux vers la droite, Y vers la gauche, etc.), par jeu des oppositions ou des ressemblances, vont composer un rythme et une chorégraphie. En actionnant leurs petites lumières, les visages s’allument ou s’éteignent, vivent ou meurent. Leur bouche qui s’ouvre et se ferme, s’arrondit ou fait la moue, cette bouche d’où sortent toutes sortes de sons amusants, quotidiens, banals ou musicaux, parfois même des mots, est au centre de la lumière. Leurs mouvements, tantôt mécaniques, tantôt apparemment improvisés et donc plus personnels, sont doublés par des sons, parfois des mots, dont le sens toutefois échappe : l’homme est une drôle de machine, plutôt rigolote, assez absurde, parfois mauvaise et en rébellion.
Jubilatoire
Pour nous, spectateurs, c’est à la fois passionnant, diablement beau, parfois poétique et souvent extrêmement drôle. Car Quentin Dubois, sans en avoir l’air, dit beaucoup de choses sur la nature humaine, sur notre propension à imiter, à répéter, à nous fâcher sans raison. Il y a quelque chose aussi de l’art de la marionnette dans son travail. Et nous nous y reconnaissons.
Évidemment, rien n’est dû au hasard et rien de moins improvisé que ce spectacle-là, qui est d’une incroyable précision millimétrée et démontre un remarquable travail absolument maîtrisé sur les voix. Bravo donc au metteur en scène-musicien, aux interprètes-acteurs-percussionnistes-régisseurs lumière ! Ce spectacle est intensément jubilatoire ! ¶
Trina Mounier
Visages, de Quentin Dubois
Pièce de théâtre musical pour six percussionnistes
Dans le cadre de la Biennale musiques en scène (www.bmes-lyon.fr)
Ensemble Tactus
http://www.tactuspercussion.com/
Composition : Quentin Dubois
Interprètes : Raphaël Aggery, Ying‑Yu Chang, Paul Changarnier, Jérémy Daillet, Pierre Olympieff, Thibaut Weber
Photo : © D.R.
Production Grame / Biennale musiques en scène
Avec le soutien de la Spedidam et du Grand Lyon
Équipe technique Grame :
- Jean‑Cyrille Burdet : direction technique
- Thierry Fortune : adjoint direction technique
- Thierry Cabécas : assistant direction technique
- Christophe Doucet : régisseur général délégué Ville de Lyon
- Éric Dutrievoz : régisseur général son Biennale
- Philippe Roiron : régisseur matériel Grame / Studio
- Olivier Higelin : régisseur général R.E.F. / Grame
- Stéphanie Gouzil : régisseur lumière
Remerciements à l’équipe du théâtre et à tous les bénévoles de la Biennale musiques en scène
Théâtre les Ateliers • 5, rue du Petit‑David • 69002 Lyon
Le 29 mars 2014 à 14 heures
Durée : 40 min
Les prochaines échéances de l’Ensemble Tactus sont :
- 3 et 4 mai 2014 : Democracy, Museum of Contemporary Art, Chicago, États‑Unis
- 8 et 9 mai 2014 : Democracy, New York Live Art, New York City, États‑Unis
- 7 juin 2014 : Democracy, festival June Events, Atelier de Paris-Carolyn Carlson, Paris
- 13 juin 2014 : Visages, festival Percu’temps, Théâtre du Marais, Challans (85)
- 14 juin 2014 : Variations Golberg avec Jean Geoffroy, festival Percu’temps, salle J.‑C. Roux, Challans (85)
- 21 au 25 juillet 2014 : enregistrement C.D. des Variations Golberg avec Jean Geoffroy
- 19 et 20 septembre 2014 : Democracy, Biennale de la danse, Toboggan, Décines (69)