Mâtin blanc
Par Laura Plas
Les Trois Coups
La compagnie Les Anges au plafond poursuit son exploration poétique des arts de la marionnette en portant à la scène « Chien blanc » de Romain Gary. Si cette adaptation polyphonique et luxuriante étourdit parfois, le propos humaniste résonne avec force.
C’est l’histoire d’un chien ? Pas seulement. L’histoire d’un homme et d’une femme qui s’aiment mais se blessent ? Pas tout à fait. Disons alors l’histoire des luttes menées aux États-Unis dans les années 1960 pour l’égalité des droits ? Il y a en fait tout cela dans White Dog : la violence des affrontements de rues se glisse dans le calme jardin de Jean Seberg et Romain Gary lorsqu’ils adoptent un chien sans savoir qu’il a été dressé pour attaquer les Noirs. Le récit autobiographique prend ainsi une dimension politique et même philosophique, en posant la question de savoir si l’on peut sortir du cycle de la haine.
Difficile d’adapter un tel roman sans oublier aucune de ses facettes. C’est pourtant la gageure que relèvent Les Anges au plafond. Pour évoquer le tumulte des luttes, ils travaillent des images d’actualité de manière surréaliste. Le plateau devient la lanterne magique sur laquelle elles sont projetées. Au centre, figure une maison, un espace intime de plus en plus clos et étouffant.
À une scénographie complexe et souvent ingénieuse, s’ajoutent les ressources de la musique et des supports : dessins, papiers coupés, magnifiques marionnettes portées. Que d’idées, que de dispositifs ! C’en est presque trop : les interprètes doivent accomplir de nombreuses manipulations alors que la seule poésie des marionnettes suffirait à faire imaginer le monde qui les entoure.
La belle et la bête
Toutes de noir et blanc, les immenses figures de White Dog nous entraînent du côté de la fable ou du cauchemar. Celle de Jean Seberg, transparente et longiligne, a un aspect tragique : elle incarne une belle isolée au milieu des hommes. Celle du chien, une immense peluche blanche, semble suggérer l’innocence d’une bête que les hommes seuls ont dévoyée.
On croirait toutes ces marionnettes vivantes tant l’observation des artistes est fine et leur interprétation talentueuse : grandeur de la manipulation marionnettique qui permet de dénoncer la misère de la manipulation idéologique !
Enfin, les choix de distribution et les costumes accentuent la force du propos : le blanc et le noir se mêlent comme pour interdire tout manichéisme. Cette tragique incertitude est sans nul doute l’une des réussites du spectacle. Une belle leçon humaniste. ¶
Laura Plas
White Dog
D’après le roman Chien Blanc de Romain Gary édité chez Gallimard
Adaptation : Brice Berthoud, Camille Trouvé
Mise en scène : Camille Trouvé, assistée de Jonas Coutancier
Avec : Brice Berthoud, Arnaud Biscay, Yvan Bernardet, Tadié Tuené
Durée : 1 h 20
À partir de 12 ans
Photo © Morgane Jehanin et Vincent Muteau
Théâtre Mouffetard • 73, rue Mouffetard • 75005 Paris
Du 30 janvier au 11 février 2018, du mardi au samedi à 20 heures, le dimanche à 17 heures, jeudi 8 février à 20 heures : séance en L.S.F, scolaires : jeudi 1er février et jeudi 8 février (en L.S.F) à 14 h 30, vendredi 9 février à 14 h 30
De 12 € à 18 € (billet couplé avec Millefeuilles à l’International Visual Theatre : 24 €)
Réservations : 01 84 79 44 44
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