« Ça marchera jamais », de Nicolas Ramond, Théâtre de l’Élysée à Lyon

« Ça marchera jamais » de Nicolas Ramond © Yoann Tivoli

Échec réussi 

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

La Compagnie des Transformateurs crée « Ça marchera jamais », un spectacle réjouissant porté par l’ingéniosité de son metteur en scène, Nicolas Ramond, et par deux comédiens : Anne de Boissy et Jean-Philippe Salério.

L’échec n’est à priori pas matière à plaisanterie. Sauf peut-être pour ceux qui y assistent de l’extérieur. Nous savons tous qu’une banale chute, pour peu qu’on n’en soit pas la victime, nous arrache souvent un rire. Mais pour celui dont la vie est ponctuée d’échecs, l’existence peut vite devenir un enfer. Nicolas Ramond sait de quoi il parle. Il a tellement engrangé de défaites qu’il ose à peine sortir de l’ombre. Dans la peau du metteur en scène, il aborde ainsi l’échec de l’intérieur et de l’extérieur, par un savant aller-retour entre lui et les acteurs.

Au début du spectacle, Anne de Boissy et Jean-Philippe Salério (récompensés par le Prix spécial Célest’1, en juillet dernier) attendent, en manifestant quelque impatience, puis finissent par intervenir. Ils appellent Nicolas pour qu’il sorte du bois et que ça commence enfin. Après s’être fait longuement prier – il n’est pas prêt, il n’ose pas –, le voici qui s’exprime enfin, mais par la bouche des comédiens. Grand moment de drôlerie où Anne De Boissy et Jean-Philippe Salério disent les mots de Nicolas, à la manière de ventriloques. Occasion de se préparer dans les affres à des questions qui ne viendront jamais. De reculades en inventions géniales, cocasses, absurdes et désopilantes, le metteur en scène n’apparaîtra vraiment que sur un écran. On se croirait chez Devos.

« Ça marchera jamais » de Nicolas Ramond © Yoann Tivoli
« Ça marchera jamais » de Nicolas Ramond © Yoann Tivoli

Le combat du poisson contre le hameçon

La grande difficulté avec ce genre de spectacle est d’éviter l’enchaînement de sketchs ou de gags. Nicolas Ramond y parvient avec brio en mêlant les formes (théâtre, vidéo, chorégraphie, chanson), les univers  (mélo, trash, poésie) et en aboutissant à une véritable réflexion sur l’échec, ses causes, ses effets. Ça marchera jamais est parsemé de moments étranges et inquiétants. Car enfin, qui sont ces deux acteurs ? Les pensées du metteur en scène qui prennent vie ? Des souvenirs ? Nous n’en saurons rien. Ce sont des pistes qui font rire ou effraient parce qu’elles parlent de l’humiliation, celle de l’enfant dyslexique qui n’y arrive jamais, comme celle du chanteur dont la trille déraille, notamment.

La poésie aussi s’insinue ici et là sans crier gare, comme dans cet étonnant pas de deux dansé par les deux comédiens enveloppés dans un même pull, qui les réunit et les entrave. Mais cela ne dure pas. Rien ne pèse. Tout tourne au ridicule assumé, voire au cauchemar, rappelant Ionesco ou Beckett. Il faut dire enfin un mot de ces moments de bravoure où les deux acteurs, devenus chanteurs de charme, interprètent J’ai tellement rêvé d’elle, et surtout Jean-Philippe Salério mimant le combat (et la capitulation) d’un poisson contre le hameçon qui l’a ferré. Inoubliable ! 

Trina Mounier


Ça marchera jamais, de Nicolas Ramond

Avec : Anne de Boissy et Jean-Philippe Salério

Lumières et scénographie : Yoann Tivoli

Musique et son : Sylvain Ferlay

Collaboration dramaturgie : Claire Terral

Collaboration chorégraphique : Annette Labry

Collaboration orthophonique : Mariline Chef

Photo © Yoann Tivoli

Théâtre de l’Élysée • 14, rue Basse-Combalot • 69007 Lyon

Du 4 au 6 et du 27 au 29 novembre à 19h30. Matinale le 6 à 11 heures

Durée : 1 heure

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