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«  Dans la peau du monstre » d’après Lucie Depauw et Stéphanie Marchais, Les Célestins de Lyon

« Lilli/Heiner » et « Intégral dans ma peau » par Cécile Auxire-Marmouget et Christian Taponard © Émile Zeigzig

Monstres et compagnie

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Ils sont deux à signer la mise en scène de « Dans la peau du monstre » : Christian Taponard et Cécile Auxire-Marmouget réunissent deux textes qui n’ont pas grand chose en commun, si ce n’est d’explorer deux figures du monstre moderne.

Qui sont-ils, ces personnages d’exception qui fascinent et effraient ? Le premier dont le destin est relaté par Lucie Depauw dans Lilli / Heiner, est un / une de ces athlètes de l’ex-Allemagne de l’Est dont le corps a été transformé, métamorphosé, sacrifié sur l’autel du sport de haut niveau. Le texte suit Lili qui, à l’heure des premiers émois et des premières transformations de l’adolescence, voit son corps lui échapper et suivre une évolution incongrue et inquiétante : bourrée de testostérone pour devenir la meilleure, la jeune fille est en train de devenir Heiner.

Le second, Josh, le « héros » de Intégral dans ma peau, est un très jeune homme en rébellion contre le monde qui l’entoure, notamment : ses parents – caricaturaux à souhait – ainsi que les autres enfants, eux aussi envahis de poussées hormonales, ricaneurs et criards, et l’école, bien sûr. Dans le rôle de cet adolescent autiste, qui ne rêve que sexe et violence, Valentin Dilas est assez convaincant. Seule se démarque de ce monde extérieur vécu et montré comme intrusif, la professeure de physique, dont le corps semble vouloir s’échapper en permanence de vêtements trop serrés. Cécile Auxire-Marmouget incarne l’objet du désir.

Lilli / Heiner, comme Josh – c’est sans doute la raison pour laquelle les deux metteurs en scène ont choisi de les rassembler –, sont des produits et des victimes du système. Et Josh, lui-même, rêve de tirer dans le tas pour en faire des victimes.

Un diptyque tiré par les cheveux

Les thèmes – identité transgenre et violence adolescente – sont certes d’une actualité brûlante. Mais le lien ténu entre ces deux pièces mises bout-à-bout, séparées de surcroît par un entracte, rend fragile leur confrontation. En dehors d’une distribution partagée et d’un décor qui reste en place, elles ne renvoient pas l’une à l’autre. La monstruosité recouvre tant de problématiques que chaque pièce aurait dû se suffire à elle-même. Leur succession les affadit. Elle rend le propos confus, empêche tout approfondissement.

Il est vrai que le texte de Lilli / Heiner est souvent caricatural. Il semble fuir tout examen psychologique des personnages. Donnant la priorité à la réaction épidermique, il impose un tableau politique et sociologique très sombre de l’Allemagne de l’Est sur lequel tout le monde s’accorde. Quant à Intégral dans ma peau, la pièce bénéficie d’une écriture plus poétique, souvent énigmatique, ouvrant sur des possibles, mais la mise en scène paraît vouloir les refermer aussitôt.

Les jeunes comédiens, très engagés, mériteraient d’être mieux dirigés, notamment ceux qui singent les enfants plutôt qu’ils ne les jouent. Le surjeu est d’ailleurs une constante : l’hystérisation semble une priorité, même dans le cas de Lilli / Heiner, que Coralie Leblan incarne avec beaucoup de conviction, malgré tout. 

Trina Mounier


Dans la peau du monstre d’après Lilli / Heiner de Lucie Depauw et Intégral dans ma peau de Stéphanie Marchais

Mise en scène : Cécile Auxire-Marmouget et Christian Taponard

Avec : Cécile Auxire-Marmouget, Valentin Dilas, Coralie Leblan et Christian Taponard

Scénographie et costumes : Jane Joyet

Lumière : Olivier Modol

Son : Alain Lamarche

Maquillage : Raphaële Thiercelin

Les Célestins • 4 rue Charles Dullin • 69002 Lyon

04 72 77 40 00

Du 3 au 14 octobre 2017 à 20 h 30, le dimanche à 16 h 30

Durée : 2 h 15 avec entracte

De 12 € à 23 €

Production : Compagnie Gazoline, Groupe Décembre
Coproduction : Célestins – Théâtre de Lyon
Le texte Lilli / HEINER intra-muros est publié aux Éditions Koïnè (2013).
Le texte Intégral dans ma peau est publié aux Éditions Quartett (2010).
Avec le soutien de la Spedidam

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