« Freddy vs Freddie », de Myriam Boudenia, l’Élysée à Lyon

« Freddy vs Freddie » © La Volière

Plongée dans nos rêves les plus fous

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Avec « Freddy vs Freddie », Myriam Boudenia, dont « Wild Flowers » en 2013 avait suscité la curiosité, confirme un réel talent : écriture intelligente et nerveuse, vigueur de la mise en scène, cohérence de la direction d’acteurs. Et une personnalité attachante, originale qu’il serait dommage de ne pas découvrir.

Frédéric est assis sur son lit dans sa chambre d’enfant, qu’il n’a pas quittée et qui n’a pas changé d’aspect. En témoigne la frise de petits camions qui court au bord du plafond. Pourtant, Frédéric est largement adulte. Que fait-il donc (encore) là ? D’autant qu’il ne se sent pas chez lui dans cette famille, imaginant qu’il n’y est que par suite d’une erreur… Rêve ordinaire pour les petits, moins quand ils ont grandi… Frédéric serait-il un enfant attardé ? un autiste ? À y regarder de plus près, le lit de fer tendu de draps blancs immaculés pourrait bien le laisser croire… De même que le visage un peu figé, légèrement surpris, voire ahuri, de ce personnage énigmatique qui ne sait pas lui-même qui il est.

Jusqu’à ce que l’on entre, par effraction, dans l’imagination, dans les rêves et les cauchemars de Frédéric. L’espace minuscule de la chambre se déchire sous les griffes d’une affreuse main postiche, découvrant un décor mobile qui va se prêter aux multiples rebondissements de cette rocambolesque intrigue. Une jeune femme terrorisée et hurlante fait irruption dans sa chambre, se cache sous le lit et va donner vie au « vrai » Freddy, l’effrayant Freddy Krueger tueur d’enfants, créé par le cinéaste américain Wes Craven et figure qui erre parmi les fantômes de Myriam Boudenia. S’ensuivent plusieurs scènes plus horribles les unes que les autres avec gant aux griffes acérées destinées à lacérer les victimes innocentes. Anne Geay, en actrice jouant la femme qui crie, navigue d’une strate à l’autre de son rôle avec une incroyable facilité. Hurlements, courses-poursuites, yeux révulsés, hémoglobine et… théâtre, car souvent l’action s’arrête pour laisser aux personnages le soin d’analyser la scène avant de la reprendre, légèrement différente. Séquences particulièrement réjouissantes, on y rit beaucoup, la mise en scène parie sur l’intelligence du spectateur. D’autres détails décalés et terre-à-terre, comme le plat de spaghettis que se partagent assassin et victime renforcent cet humour noir. Tandis que la reprise de certains mots, le passage de souvenirs de l’un à l’autre, comme ces mains qui disparaissent chez la victime d’abord, puis chez le tueur, accentuent le glissement vers une sorte de science-fiction un peu gore mais très réussie.

Il y a un cauchemar dans mon théâtre

Mais Frédéric n’est pas que Freddy, il se sent autant Freddie Mercury, la rockstar illuminée et mégalo. Il rêve donc aussi de fans qui se jettent sur lui, il se voit chantant avec sa bande, il s’imagine préparant sa mort avec un gourou indien… Judicael Jermer incarne avec brio et subtilité ce Frédéric aux multiples visages. On croirait presque à ses élucubrations…

Il faut dire que ce deuxième aspect de sa personnalité donne lieu à quelques tours de chant réalisés en direct devant nous par des comédiens rompus aux techniques vocales. Tout cela est gai, réjouissant, drôle, pas prétentieux, et pourtant témoigne d’une direction d’acteurs sans faille. On salue une vraie cohérence, un art du rythme qui font qu’à aucun moment on ne perd le fil de cette histoire qui n’a ni queue ni tête et suit simplement les méandres d’une imagination malicieuse. Le spectateur qui lui aussi s’est parfois laissé aller à se rêver en haut de l’affiche et, peut-être, à quelques fantasmes plus pervers et horrifiques, prend manifestement un réel plaisir à s’abandonner dans un scénario où il se reconnaît. Bravo à cette jeune équipe pleine de talent et d’énergie. 

Trina Mounier

Lire aussi la critique de « Bouchouka », de Myriam Boudenia


Freddy vs Freddie, de Myriam Boudenia

Show entre chien et loup

La Volière

Écriture et mise en scène : Myriam Boudenia

Avec : Anne Geay, Marion Lubat, Judicaël Jermer, Florent Vivert, Louis Dulac

Scénographie : Quentin Lugnier

Création sonore : Louis Dulac

Création lumière : Benoît Brégeault

Costumes : Marie Lugnier

Assistante à la mise en scène et régie son : Leïla Mahi

Régie lumières : Arianna Thöni

Photo : © La Volière

Production : La Volière

Aide à la création et accueil en résidence : M.J.C. Villeurbanne

L’Élysée • 14, rue Basse-Combalot • 69007 Lyon

Tél. 04 78 58 88 25

theatre@lelysee.com

www.lelysee.com

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