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« Ici‑bas, ici même », concert, Miossec et invités, festival Mythos à Rennes

Miossec © Aurore Krol

Miossec ouvre le bal

Par Aurore Krol
Les Trois Coups

À l’heure pour la soirée d’ouverture du festival Mythos, bière en main et impatience retenue, je m’apprête à retrouver Miossec après dix ans d’absence. J’y vais un peu fébrile, comme à un rendez-vous repoussé trop de fois. Pourtant, aucune raison d’être déçue : des premières notes aux ultimes mots du dernier rappel, une poésie rude et toute finistérienne irradie le Cabaret botanique.

La discographie de Miossec est un voyage chaotique d’une valeur inestimable. Si les récits d’amours cabossées ne m’ont jamais quittée, j’avais perdu le fil des lives souvent alcoolisés, parfois peu glorieux. Trop l’impression de devoir jouer à pile ou face, même si l’imprévisibilité de ses tournées fait aussi partie de la complexité du personnage. Ce soir cependant, aucun rendez-vous manqué. L’homme est sobre et ne fait plus dans le massacre, bien au contraire.

Comme beaucoup de figures du rock, Miossec pointe dans la catégorie de ceux qui ne se sont pas préservés. Un lieu commun peut-être, mais l’inverse d’une posture tant le musicien porte sur le visage, dans la voix et dans la dégaine, ce supplément d’âme torturée qui donne du lest à ses textes. Le chanteur est de ceux qui ont appris à transformer leurs échecs en beauté, leurs ratés en poésie. À Rennes, tout de noir vêtu et un chapeau vissé sur la tête, il s’impose sans transition ni apprêt, et fait défiler vingt ans de répertoire en deux généreuses heures de concert.

Mélancolie rugueuse

Plusieurs titres récents composent le début de la set-list, histoire de piocher dans le dernier opus, Ici-bas, ici même. Ici-bas et pourtant si haut, cet album a le don d’être plus dompté et aérien que les précédents, alors qu’il est forgé à la même mélancolie rugueuse. Le cadre posé s’étoffe vite d’arrangements raffinés, violoncelle et contrebasse apportant de la chaleur aux guitares électriques et claviers. Progressivement, les chansons plus anciennes font leur entrée, et c’est toujours la même histoire : poèmes amoureux, déclarations de rupture éternelle, revendications et idéaux blessés.

Du grand Miossec, ce serait donc cela : de la sueur, des larmes et de la tendresse sans affectation. Une ironie goguenarde aussi, avec la vie et ses ivresses, quand l’artiste ne fait plus que murmurer les chutes de textes connus par la quasi-totalité de la salle. Ici, la voix perd parfois le fil ; là, elle est peut-être un peu trop basse, quelques mots manquent à l’appel. Qu’importe. Portée par l’orchestration, par des musiciens qui ne lui laissent pas la possibilité de flancher, elle est littéralement sublimée par les chœurs, cette voix qui parcourt un chemin juste et émouvant.

Pour l’occasion, quelques invités de marque viennent enrichir le show. Ils s’appellent Dominic Sonic, Christian Dargelos ou Philippe Maujard, sont issus de la cuvée 81 des Transmusicales et balancent un son rock des plus à propos. L’amitié est belle à voir et permet une transition vers les rappels de fin. On n’y coupera pas et on ne le souhaiterait pas, Miossec, c’est Brest : un territoire à l’identité bien trempée pour une chanson devenue tube.

Tous ceux qui s’étaient sentis trahis quand l’auteur s’était fendu d’un duo trémolo avec Nolwenn Leroy peuvent d’ores et déjà se rassurer. Si ce joyeux brut ne méritait pas d’être déguisé en ballade polie, il a retrouvé depuis son potentiel nerveux. Peu avant 23 heures, Brest reprend son sens, son souffle et sa texture. Ce n’est pas un manifeste, c’est un hymne erratique et un peu gueule cassée, une ode bouleversante qui ne marche pas bien droit, mais qui esquisse avec génie l’essence même de cette ville.

Voilà, on sait que c’est bientôt fini et on a eu plus que l’on n’osait espérer. Que devient ton poing quand tu tends les doigts ? susurre Miossec avant de retourner en coulisses. Je resterai sur cette interrogation suspendue, mélodie pour causes perdues et tendresses consumées.

Oui, définitivement, on a eu du grand Miossec ce soir. 

Aurore Krol


Ici-bas, ici même, concert, Miossec et invités

Dans le cadre du festival Mythos

Renseignements / billetterie : 02 99 79 00 11

www.festival-mythos.com

Cabaret botanique • jardins du Thabor, entrée Saint-Melaine • 35000 Rennes

Mardi 7 avril 2015, 20 h 30

Tarifs : de 30 € à 15 €

Photo de Miossec : © Aurore Krol

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