« la Demande d’emploi » de Michel Vinaver, Théâtre national populaire à Villeurbanne

« La Demande d’emploi » de Michel Vinaver © Photo Lot

Vinaver mal employé

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Michel Vinaver écrit « la Demande d’emploi » au début des années 1970, juste avant la fin des trente glorieuses. Avec une grande clairvoyance, il annonce les bouleversements du monde de l’entreprise, et le broiement progressif des individus. La démonstration, mise en scène par René Loyon, est brillante mais glacée, et surtout terriblement datée.

Lorsqu’il écrit, Michel Vinaver dirige la Gillette Company. Il connaît bien les rouages du monde de l’entreprise et il n’a rien oublié de sa formation de sociologue. L’humaniste en lui observe les hommes qui y travaillent. Dans la Demande d’emploi, il illustre les ravages des nouvelles méthodes de management en s’introduisant dans le microcosme d’un individu – un cadre au chômage d’une cinquantaine d’années.

En situant son histoire au plus près du personnage central de Farge, au sein de sa famille, il suit l’onde de choc qui s’y propage. Louise, son épouse, autrefois femme au foyer, trouve un travail, tandis que sa fille Nathalie leur annonce qu’elle est enceinte. Bref, tout concourt à faire vaciller Farge, dont le principal repère – son statut de chef de famille – est mis à mal. Il ne faut chercher dans la pièce nulle psychologie, cependant. Elle se contente d’exposer la brutalité des événements.

Une époque révolue

La grande habileté de Michel Vinaver réside dans sa capacité à entrelacer vie personnelle et vie professionnelle. Les quatre personnages sont en permanence présents sur le plateau parce qu’ils interagissent dans un domaine qui n’est pas le leur. Épouse et fille assistent impuissantes à un entretien d’embauche qui tourne à la mise en accusation, puis au fiasco. Parfois, elles interviennent, perçues seulement par Farge qui les porte en lui. De même, le recruteur s’immisce dans la vie familiale par des questions insidieuses et son intrusion invisible ajoute une touche de dangerosité à une situation pourtant purement privée. Ainsi, apparaissent au grand jour les répercussions mortifères de chaque parole et de chaque geste. Nonobstant, la nature prophétique de cette étude de cas sociologique, le texte reste daté : nous savons aujourd’hui à quoi nous en tenir.

La mise en scène de René Loyon, pourtant d’une grande rigueur, et son impeccable direction d’acteurs, s’appuyant notamment sur le jeu subtil de Julien Muller, capable de restituer la variété des sentiments qui traversent son personnage, renforce encore cette impression.

En choisissant d’installer la pièce dans un décor très froid, fait de grands panneaux blancs évoquant un open space et de meubles années 1970, en revêtant les personnages de costumes sortis d’une époque révolue, il respecte le cadre historique, mais y enferme aussi cette Demande d’emploi. Ce faisant, il lui fait perdre son universalité et sa qualité visionnaire.

Trina Mounier


La Demande d’emploi, de Michel Vinaver

Le texte est publié par les Éditions de l’Arche

Mise en scène : René Loyon

Avec : Valentine Galey, Côme Lesage, Olivia Kryger, Julien Muller

Dramaturgie : Laurence Campet

Décor : Nicolas Sire

Costumes : Nathalie Martella

Lumières : Laurent Castaing

Teaser vidéo

Photo © Laurence Lot

Théâtre national populaire • 8, place Lazare-Goujon • 69100 Villeurbanne

Du 1er au 17 mars 2018, du mardi au samedi à 20 h 30, le dimanche à 16 heures

De 9 € à 25 €

Réservations : 04 78 03 30 00

À découvrir sur Les Trois Coups :

☛ Parution de la Demande d’emploi à l’Arche

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