Magie et poésie
Par Lea Torres
Les Trois Coups
On pense tous connaître Pinocchio et son histoire, mais lorsque Joël Pommerat se réapproprie l’œuvre, on se plaît à la redécouvrir. Un beau spectacle pour petits et grands, qui fait escale en ce moment au théâtre lyonnais de la Croix-Rousse.
Moult histoires sont tombées dans l’imaginaire commun, à l’image de celle de Pinocchio. Les tribulations de cette marionnette, née d’un tronc d’arbre grâce aux mains de Geppetto, ont été inventées à la fin du xixe siècle par Carlo Collodi. Depuis, elles sont lues à des générations d’enfants de par le monde. Elles sont également reprises au cinéma ou au théâtre, mais les metteurs en scène n’osent pas se réapproprier le texte. La cause est tout à fait honorable, puisque bien souvent cette décision est motivée par le respect qu’éprouvent ces derniers pour l’auteur ; un respect parfois qualifié de « morbide » par Joël Pommerat. Ce même Joël Pommerat qui outrepasse ce sacro-saint respect puisqu’il ose. Il ose réécrire les aventures de cette marionnette qui prend vie, et les réactualise.
Une réactualisation qui passe tout d’abord par le rôle du criquet, repris par une sorte de Monsieur Loyal. Il est sur scène dès le début de la pièce, torse nu et s’adresse directement au public. Il parle vite, les images derrière lui s’enchaînent, les personnages arrivent, parlent, repartent. Tout est rapide, mais le public n’est absolument pas perdu. Au contraire, cette façon de débuter la pièce oblige le spectateur à entrer directement dans l’univers de Pommerat.
Ce Monsieur Loyal nous présente la situation et rythme toute la pièce avec ses apparitions récurrentes. Avec son regard cynique et ses mots bien sentis, il dépeint un univers plutôt noir, très proche de la société actuelle. Les adultes sentent très bien cette critique incisive, tandis que les enfants n’y ont pas accès. Eux font plus attention aux jeux de mots, à la comédie qui transparaît parfois et à la beauté de la mise en scène. La magie et la poésie des contes sont là, bien présentes. Les jeux de lumières, de décors et de déplacements des comédiens enchantent petits et grands. Le son est aussi puissant que celui d’un cinéma et la qualité des images concourt à cette sensation de cinéma. De la fumée, des lasers bleus qui ondulent, et voilà Pinocchio sur les flots. La mer semble plus vraie que nature, il ne manquerait qu’un petit air iodé pour que l’illusion soit parfaite.
Afin d’honorer totalement l’œuvre de Collodi, Joël Pommerat respecte complètement le personnage de Pinocchio. Il reste ce jeune garçon, naïf, prêt à tout pour ne pas s’ennuyer et découvrir de nouvelles expériences : « Il ne veut pas ne pas s’amuser ». Mais ce Pinocchio-là est très en verve, n’hésite pas à répondre à son père. Il ne veut pas aller à l’école puisqu’il n’en voit pas l’intérêt. L’école est pour lui une grande source d’ennui. Et lorsqu’il daigne enfin s’y rendre, il préfère encore pousser la porte de la boîte de nuit se trouvant sur le chemin de l’école. Les ennuis commencent donc pour la marionnette. À chaque bêtise, il est puni, notamment par sa marraine, la fée. Il voit son nez grandir à chacun de ses mensonges.
Lorsqu’il retrouve enfin son père, dans le ventre d’un monstre marin, son apprentissage de petit garçon commence. Petit à petit, le bois devient chair et la marionnette disparaît au profit d’un petit garçon bien élevé et bien habillé, qui sort le soir avec son père. Un conte qui garde sa part moralisatrice et risque de tuer dans l’œuf les quelques illusions que pouvaient avoir les jeunes spectateurs, venus à la Croix-Rousse. ¶
Léa Torres
Pinocchio, de Joël Pommerat
Texte : Joël Pommerat, d’après Carlo Collodi
Mise en scène : Joël Pommerat
Avec : Pierre-Yves Chapalain, Jean‑Pierre Costanziello, Florence Perrin, Maya Vignando, Daniel Dubois ou Philippe Lehembre (en alternance)
Scénographie : Éric Soyer
Lumière : Éric Soyer, Renaud Fouquet
Creation costumes : Isabelle Deffin
Animaux, mannequins : Fabienne Killy
Son : François Leymarie, Grégoire Leymarie, Yann Priest
Musique : Antonin Leymarie
Photo : © Élisabeth Carecchio
Production : Cie Louis-Brouillard
Du 18 au 30 avril 2008, à 19 heures
20 € | 15 € | 8 €
Durée : 1 h 15 (environ)
Spectacle dès 8 ans
Une réponse