Duo surréaliste
Par Léna Martinelli
Les Trois Coups
Célia Casagrande-Pouchet et Sarah Devaux nous mènent aux confins des contes pour adultes. Entre rêve et réalité, absurde et angoisse, un spectacle remarquable présenté dans le cadre du Festival Up ! 2018.
Ambiance. Tombée du ciel, une jeune femme gît sur le sol. Gloria se lève et s’en approche. La première ressuscite alors. Et s’il s’agissait de la même personne ? Une entité et qu’on ne voit pas. Une part invisible, comme une présence fantomatique qui jamais ne quitte l’être de chair. Ce sont les agrès qui vont relier ces deux personnages à la ressemblance frappante. Une corde à laquelle se raccrocher.
Célèbre chanteuse suédoise, championne de patinage artistique, actrice de théâtre, boxeuse hors pair, sirène… En fait, Gloria voudrait être tout ça. Obsédée par le désir d’assouvir sa soif d’idéal, elle cherche à vivre l’extraordinaire, à revivre des souvenirs qui la hantent. Pour fuir le quotidien, sa réalité se dédouble.
En quête d’amour et de gloire
Elles sont bien deux sur scène : Célia Cassagrande-Pouchet et Sarah Devaux. L’une fait de la corde volante et l’autre de la corde lisse. Elles se sont rencontrées à l’ESAC. Depuis qu’elles se sont découvert une complicité artistique évidente, elles explorent un langage circassien teinté d’absurde et d’onirisme, qui emprunte à l’esthétique du théâtre comme du cinéma. Le metteur en scène est d’ailleurs féru de 7e art : Tom Boccara. Il a travaillé ici autour du film d’angoisse, du suspens et du surréalisme.
Taillé dans l’étoffe des songes, ce spectacle donne à voir plusieurs séquences, sans transition. Du plan serré au panorama, les trouvailles visuelles foisonnent : clichés ou plans de films montrent un détail, font le zoom sur un diadème, une expression. La corde se fait tantôt cordon ombilical, boucle, échelle, serpent. Car les archétypes virent souvent au cauchemar.
Répétitions et ralentis laissent largement place aux fantasmes. Dans ce montage alterné, l’effroi et le merveilleux font bon ménage. Les flash-backs nous mènent dans d’autres espaces temps, un hors champ pour sonder le mystère, un ailleurs propice à exciter l’imaginaire. Et l’on passe volontiers de l’autre côté du miroir.
Moments suspendus
Les tableaux se succèdent, cadrés au plus près d’un travail du son et des éclairages. Habillées d’une bande-son éloquente, les jeunes femmes s’élancent, frôlent le sol, enlacent l’éternité et nous happent. À la limite de l’envol, elles explorent cet état fugitif de flottement, inépuisable espace de recherche. Tout en grâce. Ce cirque-là est un ballet cinématographique hallucinant de beauté.
Davantage que les numéros, c’est le découpage de la lumière et la puissance évocatrice des images, qui contribuent à la magie du spectacle. Mais jeux de jambes aériens, ascensions, chutes, envols, tous ces éléments procurent aussi de fortes sensations. Les agrès sont réinventés, au service du propos : le pouvoir des rêves.
Ce spectacle, non dénué de lyrisme, est décidément à voir, à vivre même. Longtemps, il vous habite, il vous hante. Amour, gloire et beauté : rien de tel pour se sentir vivant ! ¶
Léna Martinelli
À nos fantômes, de Célia Cassagrande-Pouchet et Sarah Devaux
Mise en scène : Tom Boccara
Avec : Célia Cassagrande-Pouchet et Sarah Devaux
Collaborateur artistique : Mélissa Von Vépy
Scénographie : Delphine Coërs, Théodore Brisset
Création sonore : Noé Voisard
Création lumière, régie : Thibault Condy
Costumes : Julie Antipine
Photo : © Fabrice Mertens © Laure Vilain
Théâtre Varia • 78, rue du Sceptre • 1050 Bruxelles
Dans le cadre du Festival Up ! 2018
Le 14 mars 2018, à 21 heures
Réservations : 02 640 35 50
Tournée 2018 (Italie) :
• Le 24 octobre, au Teatro Tagliavini, à Novellara
• Le 26 et 27 octobre, au Teatro Ragazzi e Giovani, à Turin
• Le 28 octobre, à la Residenza Mirabilia, à Busca