Plein la vue à L’Azimut
Léna Martinelli
Les Trois Coups
Déjouant les codes de la magie et les lois de la physique, Maxime Delforges, Jérôme Helfenstein et leurs complices, livrent une performance bluffante. Brut de décoffrage, leur spectacle découvert dans le cadre du Week-end Tous Azimuts en met plein la… vue, au sens propre du terme.
Pour cette Nuit du Cirque, L’Azimut a choisi d’axer la programmation sur la magie et trois compagnies emblématiques de la magie nouvelle : « Les magiciens d’aujourd’hui n’en finissent plus de nous épater. À la fois artisans de leurs disciplines et véritables artistes, ils nous proposent des expériences qui mettent à l’épreuve nos sens », expliquent Delphine Lagrandeur et Marc Jeancourt, à la codirection. En complément : une conférence de Céline Noulin, directrice des Magies de CirCé (Centre de rayonnement des arts magiques) et rédactrice de la revue de la Fédération française de Magie : Magie, histoire et merveilles.
Éveiller les consciences et réenchanter le réel
Dans tous ses états, la magie est montrée sous un angle original : ludiques, spectaculaires ou troublants, les trois spectacles à l’affiche amenaient d’abord les publics à se glisser dans les cabines à tours automatiques de la Cie Le Phalène : FauxFaire FauxVoir. Partisan d’une magie qui réveille les esprits, Thierry Collet conçoit des expériences singulières qui nous enchantent tout en nous incitant à voir autrement notre monde. Traçant les contours d’un « mentalisme 4.0 », un parcours avec illusions d’optique, hallucinations auditives, démonstrations numériques a été imaginé à travers le Théâtre La Piscine afin de modifier notre perception de la réalité.
Dans Soirée magique, la Cie 14:20 transforme le réel pour mieux le réenchanter. Tours de cartes, ombres mouvantes, objets facétieux ou flottants… Faiseurs d’histoires et d’illusions rivalisent d’adresse dans des tableaux souvent oniriques ponctués d’interludes musicaux joués en direct, leurs langages artistiques formant un patchwork de styles (lire la critique). Oui, le public a été ravi.
Montrer sans dévoiler
Tandis que cette compagnie, pionnière de la magie nouvelle, offrait un florilège de ses spécialités, la Cie 32 Novembre a revisité des numéros traditionnels (À vue, magie performative), dans une mise en scène théâtrale mais, là aussi, de façon contemporaine, non sans des techniques récentes.
Jeux de passe-passe avec bouteille, ombres portées et jeux d’équilibres dessillent le regard. Emballé sous cellophane, les mains scotchées, un duo enfermé dans une caisse suspendue réapparaît en haut de la grande salle du Théâtre Firmin Gémier. Comment est-ce possible ? Numéros d’escapologie (discipline qui consiste à se libérer des entraves pour s’évader) ou de lévitation, dont on voit (presque) toutes les ficelles s’échafaudent méthodiquement sous nos yeux. Pourtant le trouble s’installe.
Ici, pas de paillettes, ni de fanfreluche. Habillés simplement, les interprètes portent même des combinaisons de travail. D’ailleurs, les numéros vont se succéder sur un rectangle de palettes. La première image du spectacle est un gros plan sur un tas de matériaux. Dépourvu d’artifices, le décor est posé et le chantier peut commencer. Planches, tréteaux, bâches, tuyaux, poulies vont être utilisés à bon escient, comme dans une fabrique. De ce bric-à-brac, formidable réservoir à surprises, jaillit le merveilleux. Sans baguette ni poudre de perlimpinpin. Or, la magie opère.
De bout en bout, la prestation détonne. Déjà, parce que la Cie 32 Novembre se défait des archétypes : « Nous avons choisi d’exprimer pleinement notre art, la magie, comme une fin, non comme un moyen ou un effet spécial. Tout est là, sur le plateau, à vue (…) pour figer le temps, suspendre les corps, animer les âmes, distordre le souffle, transcender la matière, transposer les identités ».


Maxime Delforges et Jérôme Helfenstein expérimentent également « une magie à l’échelle des corps », avec des images fortes, où la bande-son live a son importance. Tous deux récompensés de prix internationaux, ils préfèrent montrer la fragilité et l’éphémère. Même si les complices s’affairent en bons manutentionnaires de l’illusion, les gestes sont (volontairement) plus ou moins précis, avec un flegmatique régisseur qui lance ses tops depuis la scène, souvent à contretemps. L’ensemble ne tient qu’à un fil, comme notre réalité. Tout peut advenir. En revanche, tous se mettent à l’épreuve dans un engagement total et un rapport direct à la discipline. C’est ce que la compagnie appelle la « magie performative ».
Décidément, À vue est… vraiment à voir.
Léna Martinelli
À vue, Maxime Delforges et Jérôme Helfenstein
Site de la Cie 32 Novembre
Interprétation, conception, écriture : Maxime Delforges et Jérôme Helfenstein
Co-écriture et mise en jeu : Fabien Palin
Création sonore en live : Marc Arrigoni
Création lumière : Samaële Steiner
Création costumes : Sigolène Petey
Techniciens interprètes : Marc Arrigoni, Marianne Carriau, Gaspard Mouillot et Aude Soyer
Régie générale : Adrien Wernert
Construction et suivi technique : Nicolas Picot, Victor Maillardet, Jeremie Hazael-Massieux
Durée : 1 heure
Dès 8 ans
Théâtre Firmin Gémier / Patrick Devedjian • L’Azimut PNC • 13, rue Maurice Labrousse • 92160 Antony
Les 14 et 15 novembre 2025
Tournée ici :
Les 22 et 23 novembre, Théâtre de Laval CNM
Le 13 janvier 2026, Scène de Territoire Bocage Bressuirais, à Bressuire
Le 16 janvier, L’Odyssée Théâtre de Périgueux
Les 5 et 6 février, Théâtre Saint Louis, à Cholet
Les 12 et 13 février, La Halle aux Grains, à Blois
Le 24 février, Pôle culturel Les Floralies, à La Tranche-sur-Mer
Le 27 février, L’Avant Scène, à Cognac
Les 5 et 6 mars, Scènes du Golfe, à Vannes
Dans le cadre du Week-end Tous Azimuts, du 11 au 16 novembre 2025
Offre groupée : 36 € les 3 spectacles (soit 12 € le spectacle)
Dans le cadre de La Nuit du Cirque, 7e édition, du 14 au 16 novembre 2025
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Nuit du Cirque 2025, annonce, par Léna Martinelli
Photos : © Émilie Zeizig © Blandine Soulage


