« Au‑delà », de DeLaVallet Bidiefono, cloître des Célestins à Avignon

« Au-dela » © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

La mort au cœur du spectacle

Par Aurore Krol
Les Trois Coups

Crée sur la scène du cloître des Célestins à l’occasion de ce Festival d’Avignon, « Au-delà » convoque dix interprètes sous la direction du chorégraphe congolais DeLaVallet Bidiefono. Une danse vibrante et pluridisciplinaire, où la violence le dispute avec brio à la fougue.

La Cie Baninga a été fondée à Brazzaville en 2005. Une compagnie pour qui les mots « combat » et « engagement » ne sont pas vides de sens et sont même des enjeux essentiels. Dans un pays qui, il y a peu, a connu la guerre civile et la famine, la mort fait partie du quotidien. Cette mort se trouve au cœur du spectacle et l’irrigue d’une aura crépusculaire.

C’est une voix d’outre-tombe, celle d’Athaya Mokonzi, qui vient d’abord percuter le spectateur. Ce timbre à la texture si particulière, grave et rauque, étend sur tout l’espace sa mystérieuse puissance évocatrice. Puis les corps se découpent dans un éclairage sculptural, sur un plateau où flotte une atmosphère floue et brumeuse. C’est la nuit, et il y a des choses qui se devinent plus qu’elles ne se distinguent nettement. Des choses qui ne peuvent peut-être s’exprimer pleinement que dans le clair-obscur.

Des tableaux fiévreux

Les danseurs – sept au total – offrent des tableaux fiévreux, où des spasmes parcourent la peau comme en urgence. Les mouvements, entre ondulations et nervosité, se teintent de luttes, de rythmes percutants. C’est une chorégraphie où les corps se rencontrent, se percutent, jonchent le sol, dans une suite de scènes à forte teneur narrative. Il y a de l’incrédulité dans les propos, de la désillusion et de la colère dans le chant litanique d’Athaya Mokonzi, mais aussi de l’humour.

On retient ce solo de guitare électrique proche du numéro comique, quand un des interprètes s’amuse à débrancher le câble et que le musicien ne s’en aperçoit qu’avec un temps de décalage. On retient aussi le rouge sang sur le visage d’un des danseurs, quand l’allégorie ne suffit plus et que les blessures sont explicitées. On retient aussi, en filigrane, l’autre lutte de cette compagnie, celle pour sa propre survie artistique dans un pays où aucune aide d’État n’est prévue. Et l’énergie extrêmement stimulante de l’ensemble de cette proposition, comme si l’omniprésence du deuil accentuait par la même occasion les désirs de vie.

Titre aux évocations polysémiques, Au-delà est une œuvre plurielle où chorégraphie, chant et théâtralité s’harmonisent avec grâce. Une œuvre qui nous place dans une dimension floue, entre les vivants et les morts, l’ancrage et la transcendance. Beau comme l’ailleurs. 

Aurore Krol


Au-delà, chorégraphie de DeLaVallet Bidiefono

Musique : Morgan Banguissa, DeLaVallet Bidiefono, Armel Malonga

Texte : Dieudonné Niangouna

Assistanat à la chorégraphie : Destin Bidiefono

Création lumière : Stéphane Babi Aubert

Création sonore : Jean-Noël Françoise

Régie lumière : Cléophas Konongo

Régie son : Francky Milandou

Administration production et diffusion : Antoine Blesson, Émilie Leloup, Claire Nollez, assistés de Léa Serror

Avec les danseurs : Jude Malone Bayimissa, DeLaVallet Bidiefono, Bestin Bidiefono, Ingrid Estarque, Ella Ganga, Nicolas Moumbounou, Igor Nlemvo Massamba

Le chanteur : Athaya Mokonzi

Et les musiciens : Morgan Banguissa, Armel Malonga

Photo : © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Cloître des Célestins • place des Corps-Saints • 84000 Avignon

Site internet : www.festival-avignon.com

Du 19 juillet au 25 juillet 2013 (relâche le 21 juillet), à 22 heures

Durée : 1 h 20

28 € | 22 € | 14 €

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