« Azimut », d’Aurélien Bory avec le Groupe acrobatique de Tanger, les Gémeaux à Sceaux

« Azimut » © Agnès Mellon

Spectacle de haute volée

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Voilà dix ans qu’Aurélien Bory a fondé le Groupe acrobatique de Tanger avec Sanae el‑Kamouni. Une aventure qui a donné lieu à trois spectacles. Le dernier, « Azimut », créé dans le cadre de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture, est actuellement en tournée en France. Du nouveau cirque graphique et planant.

Dérivé du mot arabe as-samt, « azimut » signifie direction. En argot, « azimuté » veut dire « fou ». Or, l’acrobatie marocaine, dont tous les mouvements sont fondés sur le cercle, comporte implicitement ces deux significations : suivre rigoureusement un chemin et pourtant tourner en rond indéfiniment. Dans leur tentative sans cesse répétée de lutter contre la gravité terrestre, ces acrobates sautent et s’envolent à qui mieux mieux. Jusqu’à en devenir fou ?

C’est sûr, ils ont la tête dans les étoiles, ces artistes-là. En somme, au zénith, littéralement le « chemin au-dessus de la tête », qui en plus d’illustrer l’idée de l’envol, propose une métaphore spirituelle. Aurélien Bory s’est librement inspiré de la figure de Sidi Ahmed Ou Moussa, un sage soufiste du xve siècle considéré comme le saint patron de l’acrobatie marocaine. L’auteur s’est intéressé aux racines de cet art ancestral né dans la rue. Des racines qui nous plongent au cœur des rites berbères.

Dans la légende, le sage parvient au ciel, mais regardant alors la terre et ses hommes, il préfère revenir. Son chemin, entre autres, a incité Aurélien Bory à prendre le motif du retour comme élément principal de l’écriture. Par ces temps azimutés, à cette période charnière où le Tanger d’aujourd’hui subit des transformations spectaculaires, comment ses habitants ne peuvent-ils pas se perdre ? Le metteur en scène rêve donc de ce retour vers la terre mère, retour là où naissance et mort se rejoignent.

Des acrobates au sommet de leur art

Virtuoses de l’équilibre, le Groupe acrobatique de Tanger a inspiré des tableaux de toute beauté. Si l’on retrouve des figures traditionnelles (pyramides à main et roues), ces acrobates des plages ont su remettre leur savoir en jeu. Les corps s’agrippent au décor, les hommes marchent sur les murs, même au plafond, quand ils ne flottent pas, telles des chrysalides, à l’aube du monde. Azimut offre des effets visuels efficaces grâce à une scénographie très réussie, comme toujours, chez la Cie 111. C’est renversant.

En apesanteur, et tout en lenteur aussi, comme le processus de la gestation, ces artistes nous invitent, avec eux, à nous interroger sur le sens à donner à l’existence. Vaut-il mieux avancer, tracer toujours plus avant, ou prendre le temps de regarder en arrière, en respectant l’héritage de nos ancêtres ? Et quoi de mieux que le théâtre physique d’Aurélien Bory pour répondre à cette quête métaphysique ? Même si le temps paraît parfois long, on sort du spectacle tourneboulé, comme les interprètes sans doute. On ne touche plus terre, car tenter ainsi de caresser le mystère de la vie, sans totalement le dévoiler, confine à l’envoûtement. 

Léna Martinelli


Azimut, d’Aurélien Bory avec le Groupe acrobatique de Tanger

Cie 111

http://www.cie111.com

Conception, scénographie et mise en scène : Aurélien Bory

Avec les artistes du Groupe acrobatique de Tanger : Mustapha Aït Ouarakmane, Mohammed Hammich, Amal Hammich, Yassine Srasi, Achraf Mohammed Châaban, Adel Châaban, Abdelaziz el‑Haddad, Samir Lâaroussi, Younès Yemlahi, Jamila Abdellaoui et les musiciens Najib el‑Maïmouni Idrissi, Raïs Mohand

Chef du Groupe acrobatique de Tanger : Younès Hammich

Directrice du Groupe acrobatique de Tanger : Sanae el‑Kamouni

Création lumières : Arno Veyrat

Composition musicale : Joan Cambon, Raïs Mohand

Régie générale : Sylvie Ananos, Arno Veyrat

Plateau et manipulation : Mickaël Godbille, Tristan Baudoin

Sonorisation : Stéphane Ley

Régie son : Édouard Heneman

Régie lumières : Olivier Dupré

Costumes : Sylvie Marcucci avec Clotilde Elne et Amélie Mistler

Recherche et adaptation : Taïcyr Fadel

Décor et machinerie : Pierre Dequivre et l’Atelier de la fiancée du pirate

Vol : Marc Bizet

Photo : © Agnès Mellon

Bureau d’études I.C.E. : Alain Abidbol

Les Gémeaux, scène nationale • 49, avenue Georges-Clemenceau • 92330 Sceaux

Réservations : 01 46 61 36 67

Site du théâtre : www.lesgemeaux.com

Du 17 octobre au 20 octobre 2013, du jeudi au samedi à 20 h 45, dimanche à 17 heures

Durée : 1 heure

27 € | 22 € | 18 €

Tournée :

  • Les 26 et 27 octobre 2013 : Circa, festival du cirque actuel, Auch
  • Les 29 et 30 novembre 2013 : La Comédie, scène nationale de Clermont-Ferrand
  • Du 4 au 8 décembre 2013 : La Filature, scène nationale de Mulhouse
  • Les 12 et 13 décembre 2013 : Les Théâtres de la Ville du Luxembourg, scène nationale de Mulhouse
  • Du 19 au 28 décembre 2013 : Théâtre national de Toulouse – Midi‑Pyrénées
  • Les 16 et 17 janvier 2014 : L’Archipel, scène nationale de Perpignan
  • Les 22 et 23 janvier 2014 : Théâtre de Cornouaille, scène nationale de Quimper
  • Les 13 et 14 février 2014 : Le Phénix, scène nationale de Valenciennes
  • Le 22 mars 2014 : M.A., scène nationale de Montbéliard
  • Les 29 et 30 mars 2014 : Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, scène nationale
  • Les 15 et 16 mai 2014 : La Coursive, scène nationale de La Rochelle
  • Du 22 mai au 29 juin 2014 : Théâtre du Rond-Point, Paris

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