« Betty Colls », de Paul Jeanson, Ciné 13 Théâtre à Paris

« Betty Colls » © Anael Dang

Sous un « ciel violet »

Par Hélène Caune
Les Trois Coups

Au Ciné 13 Théâtre, jolie salle au style Arts déco, Paul Jeanson propose une mise en scène inégale d’un joli texte qu’il a lui-même écrit. Une pièce pour quatre personnages qui arpentent Paris. Que l’on suit d’abord bien volontiers, mais que l’on va bientôt vouloir quitter.

Arisky, joué par Bastien Bernini, comédien très en verve, est un jeune trentenaire parisien à l’étroit dans sa jeunesse dorée. Le personnage est pourtant profond, complexe plutôt que stéréotypé. Il est tiraillé, croit aux aléas, mais aussi en notre capacité à agir pour les influencer : « Ce qu’il faut comprendre, c’est que tout part du hasard. On est tiré au sort, et on arrive sur terre, “Pile”. On est tiré au sort, et paf, on dégage, “Face” » : ce sont ses premiers mots. Arisky a envie de jouer. Pour rencontrer les filles, il leur propose une partie de black jack à gratter, qu’il transforme en un véritable art auquel il fixe ses propres règles. Si elles gagnent, elles empochent le gain, et lui doivent un baiser. Pour gagner, il pense qu’il faut y croire.

De son côté, Henry (Paul de Launoy, très juste en jeune dandy un peu fantasque) fait une rencontre sur un pont de Paris, qu’il rend terriblement romantique. Pour empêcher Betty (Ophélie Clavie) de sauter dans la Seine, il lui parle notamment des personnages de Dostoïevski « qui font l’histoire ». Aux Deux Magots, Henry et Betty retrouvent Arisky qui doit rejoindre une infirmière (jouée par Sophie de Fürst, une comédienne à la voix grave qui nous emporte), rencontrée plus tôt aux urgences. Un soir d’été, la balade parisienne commence sous un « ciel violet ». Les personnages arpentent un Paris loin d’être aussi désert qu’ils ne le prévoient ; chaque rencontre les emmène un peu plus loin. Le texte est souvent drôle, parfois poétique et absurde, toujours juste.

Auteur de plusieurs pièces de théâtre, Paul Jeanson prouve, avec Betty Colls, qu’il a quelque chose à dire. Le texte, bien ciselé, d’une histoire de rencontres s’interroge sur l’ennui, l’envie d’aller voir plus loin, de découvrir d’autres personnes, de faire un bout de chemin avec elles pour s’enrichir.

Un spectacle inégal

Le texte et les comédiens ont tout pour plaire. On regrette que la tension dramatique qui monte vers la fin de l’histoire, et que nous ne pouvons dévoiler, ouvre sur un jeu un peu maniéré et trop bruyant. C’est le seul défaut de la représentation, qui n’est pas sans conséquences. Même s’ils sont souvent portés par les rires du public, il semble que les comédiens et le metteur en scène se laissent parfois déborder. Ces dérapages proviennent d’une recherche de liberté de jeu et d’une part d’improvisation. Ainsi, malgré la richesse de la pièce et la présence des comédiens, le manque de retenue finit par lasser un peu. D’ailleurs, l’un des personnages reconnaît que crier le texte ne permet pas au public de mieux le comprendre. Pourquoi alors ne pas avoir fait confiance à cette intuition ?

La force de Betty Colls est de montrer des personnages humains, qui doutent d’eux-mêmes, mais qui n’ont pas peur des autres. Betty pourrait certes sauter d’un pont, mais, en réalité, elle a essentiellement besoin que l’on s’intéresse à elle. De son côté, l’infirmière est prête, de nouveau, à donner sa confiance ; Arikis, lui, ne demande qu’à exaucer l’un de ses vœux, n’importe lequel, même lorsqu’il s’agit de voir Don Quichotte se battre contre des moulins à vent. Henry, enfin, veut repousser ses limites, se forcer à ne plus avoir peur.

Betty Colls est un spectacle inspiré. Le texte, bien écrit, s’empare des désirs de vivre des moments extraordinaires avec les personnes que l’on rencontre. Les comédiens, impliqués et justes, finissent pourtant par être un peu débordés par l’arrivée d’un drame à la fin de la pièce. Si l’on est un peu déçu par le spectacle, c’est qu’il promettait beaucoup. 

Hélène Caune


Betty Colls, de Paul Jeanson

Cie Les Sans Cou

Site : www.lessanscou.com

Texte et mise en scène : Paul Jeanson

Avec : Bastien Bernini, Sophie de Fürst, Paul de Launoy, Ophélie Clavie

Lumière : Stéphane Deschamps

Son : Manu Nappey

Costumes : May Katrem

Photo : © Anael Dang

Ciné 13 Théâtre • 1, avenue Junot • 75018 Paris

Site du théâtre : www.cine13-theatre.com

Réservations : 01 42 54 15 12

Du 18 avril 2012 au 19 mai 2012 à 21 h 30, dimanche à 17 h 30, relâche les lundi et mardi

Durée : 1 heure

12 € | 15 € | 20 €

À propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Du coup, vous aimerez aussi...

Pour en découvrir plus
Catégories