Retour de UP, des (é)toiles plein les yeux
Léna Martinelli
Les Trois Coups
Après notre visite de CIRConstance, l’heure est au bilan. UP Festival s’est achevé le 1er avril, après 28 spectacles, pendant 12 jours, dans 15 lieux partenaires. De quoi faire de belles découvertes, avec des compagnies belges, bien sûr, mais aussi de toute l’Europe. Cette année encore, le cru était excellent. Découvrir nos coups de cœur dans les focus.
Voilà plus de trente ans que Catherine Magis et Benoît Litt propulsent le cirque en haut de la piste bruxelloise. S’ils contribuent à la reconnaissance du cirque belge hors de ses frontières, ils accueillent également des compagnies internationales, souvent inédites. Ancienne acrobate, la première conçoit la programmation comme elle envisageait la piste, avec une énergie débordante et sa part de risques : les artistes relèveront-ils les défis sans cesse plus nombreux qui rendent leurs conditions de travail difficiles (inflation, recul des politiques publiques, dérèglement climatique…) ? Le public sera-t-il au rendez-vous ? Les programmateurs seront-ils conquis par ces propositions souvent audacieuses ? Chaque nouvelle édition est un pari fou.
Bingo ! Rassembleur, le festival a accueilli de nombreuses familles, qui se sont déplacées, surtout le week-end. Les spectacles plus innovants ont attiré jeunes et connaisseurs. Soit 12.000 personnes au total. D’ailleurs, en plus des 150 artistes, plus de 300 professionnels étaient présents sur cette édition ; les uns afin de présenter leur travail, les autres pour faire leur marché. 140 programmateurs sont venus de 21 pays. UP Circus & Performing bouillonnait d’activités : une trentaine de projets pitchés, dont trois asiatiques en duplex (une quarantaine d’artistes accompagnés de leurs parrains / marraines et attachés de diffusion) ; 7 showcases (Québec, Catalogne, Japon, Belgique). Ces focus pros ont accueilli environ 200 participants en journée.
Avec trois chapiteaux et plusieurs salles sur site, ainsi que des structures partenaires dans l’agglomération bruxelloise, le jeu de pistes était passionnant. La programmation a offert un large panorama de la création, avec des spectacles fédérateurs et pointus, des « shows » qui ont fait vibrer, des propositions très intéressantes et des pépites, de celles qui font vriller l’âme. De nombreuses surprises ont émaillé notre séjour, avec en plus un accueil des plus chaleureux.
Le premier focus témoigne de la vitalité du cirque contemporain, avec deux expériences inoubliables à vivre, de très près. Dans Nathalie inside out, Natalie Reckert, spécialiste de l’équilibre sur cannes, unit ses forces à Mark Morreau, passionné de technologies, afin de dévoiler un point de vue inédit et passionnant. Le Théâtre d’un jour, lui, place l’art lyrique au centre de la piste, occupé magnifiquement par des acrobates virtuoses. Reclaim relève du sacré. Entre cirque 3.0 et retour aux origines, quel grand écart !
Vitrine du cirque européen
Pour la première fois à UP festival, la Catalogne était en force avec une délégation catalane (lire le focus catalan). L’occasion de découvrir plusieurs projets en cours, dont Akri de Manel Rosés Moretó, qui nous a convaincus par sa maîtrise du burlesque et le traitement de son sujet : l’adaptation aux changements de vie. Trois compagnies étaient aussi à l’affiche, dont Rauxa, qui allie marionnette et cirque avec une infinie poésie, dans un univers surréaliste non dénué de nostalgie (Histoire de laine). Au contraire, Palimsesta nous a projetés dans un temps présent anxiogène avec une performance qu’on pourrait voir aisément dans une biennale d’art contemporain (Masha).
Cosmopolite, Bruxelles est également le berceau de la création francophone (lire le focus francophone). Parmi les propositions, La Croustade, tout droit venue du Québec, nous a régalés avec son opus sucré salé : L’Après-midi tombe quand tes biscuits se ruinent. Les Français Mathieu Despoisse et Étienne Manceau, as de la bricole, nous ont séduits avec leur approche de la vie à deux (voire à plusieurs !) : Pling-Klang. Et la contorsionniste Alice Rende nous a profondément touchés dans Fora, époustouflante introspection. Trois spectacles où le théâtre a la part belle.
Le dernier focus laisse place à l’extraordinaire et au burlesque. Be Flat n’est pas adepte du cirque qui tourne en rond ! En proximité, cette compagnie flamande change la focale, avec Living, avec le désir d’un cirque hors norme et inclusif. Dans le confort d’une salle, les néerlandais Michael Zandl, David Eisele et Kolja Huneck ne nous ménagent pas non plus. Loin du ronron habituel, Sawdust Symphony « casse la baraque » ! Pas les tympans. Sans doute notre plus gros coup de cœur.
Porosité au monde, onirisme, humour, insolite, spectacles pétris d’humanité, rencontres intenses… Que demander de plus ? Le soleil, peut-être. Entre les gouttes, loin derrière les nuages, il a préféré laisser briller les artistes. Rendez-vous dans deux ans pour les prochaines découvertes. Et nous laissons le mot de la fin au duo, sans qui UP Festival n’existerait pas, mais qui témoigne de sa gratitude. 🔴
Léna Martinelli
Living, de la cie Be Flat
18e édition, du 21 mars au 1er avril 2024
28 spectacles programmés à UP Circus & Performing Arts et dans 8 institutions culturelles bruxelloises (BRONKS, Centre culturel d’Uccle, Halles de Schaerbeek, Jacques Franck, Maison des Cultures & de la Cohésion sociale, Théâtre Marni, Théâtre Varia, Wolubilis)
Chapiteau UP Circus & Performing Arts • Rue Osseghem 50 • 1080 Bruxelles
Infos : + 32 (0)2 538 12 02
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ UP Festival 2024, article de Léna Martinelli
Photos :
Une : © UP Circus & Performing Arts
Mosaïque 1 : UP Circus & Performing Arts sauf la 2 © Léna Martinelli
Mosaïque 2 : UP Circus & Performing Arts sauf les 2 et 3 © Léna Martinelli
Mosaïque 3 : UP Circus & Performing Arts