CIRCons à Auch !
Léna Martinelli
Les Trois Coups
Chaque année, Circa, le Festival du cirque actuel, témoigne de la vitalité de cet art. Du 18 au 26 octobre, le pôle national cirque Auch Gers Occitanie accueillera 21 spectacles professionnels, 12 d’écoles de cirque et 5 scènes ouvertes. Une 37e édition plus que jamais ouverte sur le monde.
Comme toujours, la programmation de Circa, d’une grande diversité de formes et de styles, nous raconte le cirque d’aujourd’hui, qu’il soit présenté sous chapiteau, en salle ou dans l’espace public. Tantôt intimistes ou spectaculaires, les propositions témoignent de l’universalité de cet art populaire qui brasse les disciplines.
En un avant-goût du Festival, les Préalables sont des rendez-vous organisés dans des communes gersoises. Parmi eux, Soi(e) (cie Inéluctable), découvert à Le Mans fait son cirque, était un coup de cœur. Suspension capillaire, mouvements dansés et acrobatiques y racontent leur relation. Bien que tiré par les cheveux, ce spectacle est très sensible (lire notre critique).
D’hier à aujourd’hui
Si l’on compte quelques créations, relevons la volonté d’inscrire certaines œuvres dans le répertoire circassien. Vingt ans après sa programmation au Festival, (re)voir à nouveau Intérieur Nuit permet de resituer ce spectacle dans une perspective historique. Déjà, à la frontière de plusieurs disciplines, Jean-Baptiste André brouillait les pistes, explorant les limites physiques du corps, avec uneutilisation de la vidéo perturbant la perception de l’espace. Intéressant.
Engagé sur le plan physique, le cirque contemporain peut aussi l’être, sur le plan des idées : « Il est une fois, en 2024, des artistes qui rendent hommage aux petites histoires et à la Grande Histoire, des artistes qui veulent qu’on se souvienne, parce que les luttes du présent ne se gagnent que si l’on célèbre les luttes du passé », lit-on dans l’édito. À ce titre, nous recommandons trois spectacles déjà vus.
« Radio Maniok », Cirquons flex © Romain Philippon, « Huellas », cie Hold Up & Co © Didier Delmas, « Révolte », Les filles du renard pâle © Kalimba
Couplant l’acrobatie à l’archéologie, Huellas (cie Hold Up & Co) nous connecte à nos lointains ancêtres et nous replace dans l’histoire humaine dans un voyage passionnant à travers le temps. Une invitation acrobatique, musicale et sensorielle à envisager le futur plus sereinement (lire notre critique).
Et si demain, nous étions coupés du monde, serions-nous prêts ? Radio Maniok illustre un épisode terrible vécu par les réunionais·es, coupé·e·s du monde durant la Seconde Guerre Mondiale. L’occasion, pour Cirquons Flex, de s’interroger sur la notion de société et de repli. Une grande forme qui valorise la puissance du collectif, avec énergie et foi en l’avenir (lire notre critique).
Quant à Révolte, il porte en lui l’urgence de vivre, d’agir et de se soulever face à l’absurdité du monde. Autour de la femme prise dans un cercle infernal, Johanne Humblet et ses compagnes s’obstinent, prennent tous les risques. Sur le fil ou projetées sur un filet, stimulées par une musique rock interprétée en direct, Les filles du renard pâle affrontent l’adversité dans un ballet sauvage et sensuel (lire notre critique).
Également sous haute tension, six artistes ukrainiens au sommet de leur art s’emparent, dans Rêves (Cirque Inshi), de leurs agrès afin de créer ce spectacle où chaque geste, finement ciselé, souligne leur détermination à vivre, à résister et à rêver envers et contre tout. Une allégorie de la liberté, le désir d’un cirque total (lire notre critique).
« Des nuits pour voir le jOur », cie Allégorie © Pierre Planchenault
Des nuits pour voir le jOur (cie Allégorie) témoigne de combats personnels, cette fois-ci. Dans cet «auto-corps-trait», Katell Le Brenn partage son vécu d’équilibriste et contorsionniste, confrontée à de nombreuses épreuves. Des situations et émotions multiples font résonner en chacun·e de nous l’universalité du corps. Une grande respiration qui sublime le quotidien, malgré les entraves (lire notre critique).
Ouverture et diversité
Chaque édition, davantage de femmes sont programmées. La nomination de directrices dans les structures y contribue : « Il est une fois, en 2024, des circassiennes qui prennent toute la place qu’elles méritent, une ouverture à la diversité du monde et des disciplines, et la volonté de rassembler une communauté plurielle sous le même chapiteau », lit-on plus loin dans l’édito, non signé, mais dont on reconnaît la patte de Stéphanie Bulteau, à la tête de Circa.
Stéphanie Bulteau ; Chapiteaux © Ian Grandjean
Cette année, Circa met à l’honneur le cirque contemporain lituanien avec l’accueil de trois compagnies, s’inscrivant ainsi dans l’évènement La Saison de la Lituanie en France. Seront présentés en avant-première How a spiral Works (Art For Rainy Days), The Nappies Project (Marija Baranauskaite Liberman) et inTENSE (Taigi Cirkas), avec comme objectif principal la mise en réseau, l’augmentation des opportunités de tournée et l’exposition internationale des créations en France. Portée par l’idée que « l’autre est toujours différent mais jamais complètement autre », dixit le philosophe Viktoras Bachmetjevas, la Saison de la Lituanie en France a pour ambition de réunir nos deux pays afin de mieux se comprendre et offrir une programmation collaborative et inclusive qui encourage chacun d’entre nous à se voir en l’autre.
« Décrochez-moi-ça », Bêtes de Foire © Vincent Muteau
Portraits saisissants d’humanité, témoignages touchants, univers singuliers sont autant de reflets de cette diversité. Ne pas manquer Décrochez-moi-ça (Bêtes de Foire), autour d’un imaginaire forain, un cirque fait de bric et de broc, où se côtoient maladresses et prouesses, petits riens et extraordinaire, apparence et faux-semblant (lire notre critique).
Parmi les spectacles déjà chroniqués, nous recommandons aussi le désopilant Pling-Klang. Étienne Manceau et Mathieu Despoisse yévoquent le rapport aux normes sociales, les injonctions d’être en couple, les désillusions, l’exclusivité amoureuse… Un habile jeu de déconstruction, un humour acrobatique qu’on adore (lire notre critique).
Carrefour professionnel et pédagogique
À Auch, ce sera donc l’effervescence. Le public, les amateurs et les professionnels sont attendus en nombre. En plus des spectacles, les occasions de partage et de découvertes prolifèrent : concerts, expositions, rencontres avec les artistes, réunions professionnelles, stages et scènes ouvertes, ateliers, déambulations…
Scène ouverte, Plateaux FFEC, Labo FFEC © Ian Grandjean
Enfin, le festival laisse une large place aux jeunes. En effet, depuis son origine, il est le carrefour pédagogique des écoles de cirque françaises et internationales qui se retrouvent à Auch pour cette intense semaine de rencontres. Alors en piste ! Ou plutôt en route…
Léna Martinelli
Circa, festival du cirque actuel
37e édition, du 18 au 26 octobre 2024
Site du festival
Circa, pôle national Cirque Auch • Allée des Arts • 32000 Auch
Parcours (à partir de 3 spectacles)
Billetterie : en ligne • 05 62 61 65 00 • mail
Programmation complète jour / jour ici
• Suzanne : une histoire du cirque, Anna Tauber et Fragan Gehlker
• Traverser les murs opaques, collectif Porte27 – Marion Collé
• La Bête Noire & Petite Reine, cie L’Oublié(e) – Raphaëlle Boitel
• The Nappies Project, MarijaBaranauskaite Liberman
• Des nuits pour voir le jOur, cie Allégorie
• How a spiral Works, Art For Rainy Days
• Intérieur nuit, Jean-Baptiste André
• Décrochez-moi-ça, Bêtes de Foire
• Le Bruit, Cirque des Petites Natures
• Révolte, Les filles du renard pâle
• Ex-Ovo, cie Le Grand Raymond
• Radio Maniok, Cirquons Flex
• Vent d’ouest, Les P’tits Bras
• Le Pas Seul, Alain Reynaud
• V, Viivi Roiha
• Pling-Klang
• Rêves, Cirque Inshi
• inTENSE, Taigi Cirkas
• Tapage, Cridacompany
• Huellas, cie Hold-up& Co
• Soirée magique, cie 14:20
• Il était 11 fois, Esacto’Lido
• Écritures croisées, CNAC / Claudio Stellato
• Signatures, Académie Fratellini X cie MazelFreten
• CIRCLE Fédération Européenne des Écoles de Cirque professionnelles
• Spectacles des écoles Fédération Française des Écoles de Cirque
Photo de une : Dôme © Sébastien Pignol