« Cocorico », de Patrice Thibaud, Théâtre de l’Odéon à Nîmes

Cocorico © Céline Aubertain

« Cocorico » : un drôle d’oiseau qui fait son show !

Par Fatima Miloudi
Les Trois Coups

Éclats de rires ininterrompus d’un coin à l’autre de la salle. Voici « Cocorico », avec Patrice Thibaud et Philippe Leygnac, le duo burlesque qui ouvre grand les vannes de l’imaginaire et déchaîne l’hilarité des petits et des grands. On retrouve son cœur de môme. Vous souvenez-vous de ces moments où tout dérive en farfelu et où tout s’enchaîne à partir de presque rien, faisant passer d’un monde à l’autre ? C’est une collection de paroles sans romances, accompagnées d’un bon vieux piano droit.

Le mime arrive – c’est Patrice Thibaud –, une valise type Samsonite à la main. Il l’ouvre, en sort un homme, pas très grand mais tout de même. Comment tient-il là dedans ? Contorsionniste en plus d’être pianiste et trompettiste talentueux, Philippe Leygnac est l’accompagnateur, pantin mou qu’on remonte comme une mécanique pour le lancer à l’assaut des touches du clavier. Jamais un sourire. Il a l’air docile. Un temps, seulement. Car, qu’on ne s’y méprenne pas, au jeu de cache-cache et du chat et de la souris, c’est lui qui mènera la danse. D’un ragtime à une reprise d’Ennio Morricone, son jeu reste imperturbable, et, quand le mime fait glisser le piano, rien ne le dérange. Ses doigts continuent inlassablement à marteler la même variation en d’autres tonalités, tout simplement.

C’est qu’il faut savoir tenir le coup avec ce drôle d’oiseau qui fait son show. À dire vrai, il nous annonce la couleur. Il se donnera tous les droits, même celui d’être dégoûtant ! Il insiste, si jamais on pouvait penser qu’il n’oserait pas réitérer. Pour rendre son pianiste présentable, il l’époussette, le coiffe avec le peigne d’Almain – revoyez votre Rabelais – et, pour fixer le tout, y passe consciencieusement la langue. Et tous, enfants et adultes, d’émettre un rire de dégoût ! Patrice Thibaud a fait mouche. Il a gagné notre âme d’enfant.

Le ricochet des images

C’est alors un enchaînement et un déchaînement d’idées loufoques. C’est d’abord un cycliste, sans foi ni loi – crachant sur le passant –, dont le désir est de se surpasser ou plutôt de dépasser. D’un périscope sorti de sa manche, il évoque le défi. Le voilà sur une pente, en danseuse, pointes à l’appui. Entre dopage et pétard, il lui fallait bien être arrêté par les poulets : Cocorico ! C’est comme cela que les idées se suivent, du propre au figuré et vice versa. Quel bonheur de se laisser porter par le ricochet des images.

C’est ensuite, entre autres fantaisies, le jeu désopilant du malheureux spectateur à un feu d’artifice. Il n’y voit goutte et manque tout effet, dès qu’il tourne le dos ou pose le pied à terre. Mais le comique ne se satisfait pas que de répétitions, il aime la surenchère. L’homme ne voit rien ? Qu’à cela ne tienne, il prendra le temps de se préparer un sandwich, le remplissant de ketchup jusqu’à épuisement du stock. Le voir glisser sur les doses répandues décuple le plaisir du spectateur et déclenche le rire comme un réflexe. Chaque scène, celle du défilé sur un air de marche militaire, celle du dompteur malchanceux, dévoré par un lion pantouflard, offre – parmi une série de saynètes de même tenue – une galerie de portraits. Rien qu’une touche, un geste ou une mimique suffit à l’évocation d’une atmosphère ou d’un caractère. Tout l’art tient dans la formule elliptique et dans la rupture logique.

C’est enfin, puisque la parole est omise, le drôle de jeu des corps qui parlent et se lâchent. Philippe Leygnac, dans une parodie du jeu pianistique contemporain, pince les cordes du piano à découvert. Il frappe la structure en bois avec ses jambes, s’amuse à caricaturer à l’envi l’idée de l’instrument comme matériau total. Tant et si bien qu’il saute sur le clavier à fesses rebondies comme un véritable hystérique. Tout dégénère jusqu’au jet incongru d’un chapelet de saucisses. Du coq à l’âne : Cocorico !

Patrice Thibaud, tout en rondeur, joue de son visage élastique et, des humains aux animaux, nous emporte dans son délire. Le corps est son instrument, et il tire de son physique tout ce qui est propice au rire. Charmé par la mélodie romantique entamée par le pianiste, il tente une pose contemplative. Cependant, toute position adoptée s’abandonne à une mollesse irrésistible. Chaque nouvelle tentative vouée à l’échec rend ce personnage attachant parce que ses mésaventures sont le tendre reflet des ridicules du quotidien. Sur le plateau, presque rien : un piano, trois cadres, un acteur, un musicien. Toutes ces images sont nées du geste et vont rester dans notre tête. 

Fatima Miloudi


Cocorico, de Patrice Thibaud

Mise en scène : Michèle Guigon, Susy Firth et Patrice Thibaud

Avec : Patrice Thibaud, Philippe Leygnac

Musique : Philippe Leygnac

Lumière : Marie Vincent

Costumes : Isabelle Beaudouin

Photo : © Céline Aubertain

Production : Théâtre national de Chaillot, Grégoire Furer et Productions illimitées, Théâtre de Vienne-scène conventionnée

Théâtre de l’Odéon • 7, rue Pierre‑Semard • 30000 Nîmes

Réservations : 04 66 36 65 10

Du 9 au 13 mars 2010 à 20 heures, mercredi 10 mars à 19 heures

Durée : 1 h 15

16 € | 14 € | 12 € | 8 €

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