« Cornucopia, d’autres mondes possibles » Joris Mathieu, Nicolas Boudier, Théâtre National Populaire, Villeurbanne 

Cornucopiade Joris Mathieu© Nicolas Boudier

Décroissance

Trina Mounier
Les Trois Coups

L’expansion des nouvelles technologies et leurs effets délétères sur notre avenir inspirent particulièrement Joris Mathieu. Dans un futur plus ou moins proche, Cornucopia est le nom de la civilisation qui règne sur Terre. Après « Germination », le deuxième épisode de son triptyque dystopique se situe dans la même lignée mais s’en démarque aussi passablement.

Alors que Germination explorait différentes utopies – le transhumanisme, l’antispécisme et le cosmopolitisme – (lire notre critique), les deux auteurs se placent cette fois-ci dans le champ de la fiction et même d’un conte assez traditionnel. Son public n’est plus armé de lunettes, ni invité à un jeu interactif avec les acteurs, mais emmené dans un récit d’aventures de facture relativement classique, un conte d’apprentissage, où la question du genre est à la fois posée et évacuée. Dans le monde de Cornucopia, chacun choisit d’être fille ou garçon, ainsi que son prénom : nous sommes donc de plain-pied dans le monde supposé parfait des iels et de la toute-puissance (ou prétendue telle) de l’individu.

Le conte s’articule autour de trois personnages. Au début, un enfant est surveillé par une sorte de duègne. L’enfant est engoncé dans un berceau de plastique rigide qui fait penser à la façon de langer les bébés au début du XXe siècle ; sauf que là, c’est du plastique rigide, cela évoque le matériau des jouets offerts chez Mac Donald. Et l’absence de parents semble reposer sur les fécondations in vitro, tout comme le regard de la duègne qui veille aux besoins vitaux de l’enfant. Puis va intervenir un troisième personnage qui semble être un dignitaire de cette société.

Une corne d’abondance en plastique

C’est cette société sans affect que nous présente comme enviable le metteur en scène. Les deux adultes ont beau expliquer à l’enfant qui a grandi à quel point cette société a tout prévu pour survivre à la raréfaction des matières premières et accepter la mort évidemment nécessaire en l’aseptisant, il finira par s’enfuir, au risque de la mort. Un vrai spectacle jeune public comme on avait presque oublié que Joris Mathieu savait faire.

Mais les personnages se déplacent comme des robots, tiennent des discours stéréotypés (en alexandrins), avancent sans fluidité dans le mouvement, en un mot sont si peu naturels qu’on peine à s’identifier à eux. Il est vrai que c’est là que reviennent les nouvelles technologies et les effets spéciaux : lumières phosphorescentes et fluo, flash aveuglants et bruyants, monde qui tourne sur une scène sphérique autour de laquelle le public est disposé comme sous un chapiteau, praticables qui montent et qui descendent pour changer les décors, vidéos sur les murs…

Beaucoup d’effets mais pour quel objectif ? Cela ne va guère plus loin qu’Alice au pays des merveilles, avec lequel on pourrait d’ailleurs trouver des airs de parenté, mais c’est si univoque, si prévisible, et pourtant si lent, que malgré les soixante-dix minutes du spectacle, cela paraît parfois bien long, bien lourd, bien bavard.

Trina Mounier


Cornucopia, d’autres mondes possibles (épisode 2), de Joris Mathieu et Nicolas Boudier

TNG Lyon et Compagnie Haut et court
Texte et mise en scène : Joris Mathieu
Avec : Philippe Chareyron, Vincent Hermano, Marion Talotti
Dispositif scénique et dramaturgie Joris Mathieu et Nicolas Boudier
Scénographie et lumière : Nicolas Boudier
Musique : Nicolas Thévenet
Vidéo : Siegfried Marque
Costumes et accessoires : Rachel Garcia
Durée : 1 h 10

Théâtre National Populaire • Salle Jean Bouise • 8 place Lazare-Goujon • 69100 Villeurbanne
Du 8 au 19 octobre 2024, du mardi au vendredi à 20 heures, samedi à 18 h 30, dimanche à 16 heures, relâche le lundi
De 7 € à 26 €
 Réservations : 04 78 03 30 00 ou en ligne

Tournée :
• Du 4 au 6 décembre, La Comédie de Valence, CDN Drôme Ardèche
• Du 8 au 10 janvier 2025, Les 2 Scènes, scène nationale (Besançon)
• Du 30 janvier au 1er février, Le Lieu Unique, scène nationale de Nantes
• Du 4 au 6 février, Le Théâtre de St-Nazaire, scène nationale

Photos : © Nicolas Bourdier

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