« Dérapage », Les Sea Girls, Pierre Guillois, La Scala Paris

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Strass et stress

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Vingt ans de carrière ! Dans « Dérapage », Les Sea Girls se dévoilent en chanson, sans pudeur et, pour notre plus grand plaisir, basculent dans un éblouissant feu d’artifice, mis en scène par Pierre Guillois, tout autant déjanté que ces pétillantes artistes de music-hall.

Être tirées à quatre épingles, serrer les fesses, gainer ses bras, même quand on est fatiguées ; faire rire malgré l’actualité déprimante ; se déhancher envers et contre tout : elles sont loin d’être « foutues » ces bourlingueuses de plateaux, mais « il est temps de négocier le virage ». Comment « sourire quand on a mal aux dents, assurer après une soirée chablis-cacahuètes, chanter alors qu’on vient de se faire larguer ou de se faire avorter… ». Stop ! Ou encore ?

Pas si glam !

Après beaucoup de joie et quelques galères, les genoux en compote et les rides à foison, c’est le moment du reset. Oh ! Les kilos ici et là… Aïe ! « Les pieds en steak haché », le dos, les genoux, tout, partout. Ah ! La fatigue des tournées internationales (« De Besançon à Paris, en passant par Dijon »). Sans parler de la cruauté du monde à supporter, à faire oublier aux publics accros à leurs portables… Grrr !

Dignes représentantes de revues burlesques, Les Sea Girls ont beau revendiquer un music-hall hybride, fantasque, grinçant et libre, elles sont sans cesse assaillies par les doutes. Qu’à cela ne tienne ! Avec Pierre Guillois aux commandes, elles abattent le quatrième mur. Le metteur en scène, à qui l’on doit les succès de Bigre (Molière du meilleur spectacle comique 2017) ou des Gros patinent bien (Molière du théâtre public 2022) ou de Dans ton cœur a vraiment le vent en poupe.

Les dessous du music-hall

Nous voilà donc dans les coulisses. Juchées sur leurs talons, les artistes se changent en un tour de main, ajustent leur corset, soignent le petit détail qui tue, avant et après chaque entrée en scène. C’est la fête et le feu car, derrière les rideaux, ce n’est pas la même ambiance. Depuis le temps, elles sont comme des sœurs et ne s’épargnent pas : « Être une Sea Girls, c’est de la sueur, du rire et des larmes, une vie en communauté, une traversée. On chante, on pleure, on rit, on pète, on danse, on se moque, on s’admire, on se ratatine, on s’encense et on s’engueule, c’est ça notre quotidien. C’est une joyeuse épreuve. »

D’abord, on assiste aux changements de costumes. Le truc en plume, le boa baroque, LA perruque très spéciale de la diva : les portants croulent sous les tenues et les caisses débordent d’accessoires. La talentueuse Elsa Bourdin a puisé dans un stock de décorations de Noël pour des confections toutes plus incroyables les unes que les autres. Et les clins d’œil abondent : un masque pour les fesses, une robe de méduse… Finies les sirènes !

The show must go one

Les numéros s’enchaînent, dos au public, dans un premier temps. Ce qui nous intéresse, c’est l’envers du décor. Entre deux « emballages », ces femmes au bout du rouleau déballent tout : le stress, le bancal, les ratages. « Être artiste de music-hall, c’est être à la hauteur, ça ne rigole pas. C’est prendre des risques ». Ainsi, prêtes à « se dézinguer la tronche et faire craqueler le vernis », elles nous embarquent avec elles.

De dérapages contrôlés en situations explosives, les corps se libèrent peu à peu des contraintes, sans jamais aucune vulgarité, dans un rythme soutenu. Elles n’hésitent pas à détourner les conventions et les codes du genre. Le langage est musical avant tout, mais les situations sont très théâtrales, avec comme fil rouge, l’histoire de cette joyeuse bande, tout en évoquant des sujets sérieux : la pression qui s’exerce sur les corps exposés, le rapport hommes-femmes, les tensions sociales. Non sans autodérision.

La musique live (trois musiciens multi-instrumentistes en tenue de zèbre) et les chansons écrites sur mesure par Prunella Rivière sont au diapason de la mise en scène. Il y a des morceaux de bravoure et des bides, de la légèreté et du grotesque, de la fraîcheur (encore), des paillettes (toujours).

On passe donc un excellent moment. Décidément, rien ne les arrête, Les Sea Girl ! Bonne route, car la tournée est belle.

Léna Martinelli


Site de la cie
Mise en scène : Pierre Guillois
Scénographie : Pierre Guillois et Elsa Bourdin
Costumes : Elsa Bourdin
Chansons et composition : Prunella Rivière
Composition et orchestration : Fred Pallem
Direction vocale : Lucrèce Sassella
Son : Joël Boischot
Avec : Judith Rémy, Prunella Rivière, Delphine Simon, Dani Bouillard (guitare), Vincent Martin (percussion), Benjamin Pras (piano)
Durée : 1 h 30
Dès 10 ans
La Scala Paris • 13, bd de Strasbourg • 75010 Paris
Du 17 janvier au 23 février, du mardi au vendredi à 19 h 30, samedi à 18 heures, dimanche à 16 heures
De 14 € à 48 €
Réservations : en ligne ou au 01 40 03 44 30
Tournée ici :
• Le 7 février, Le Théâtre de Saint-Nazaire, scène nationale
• Le 25 février, Théâtre municipal Charles Dullin, Grand-Quevilly
• Les 27 et 28 février, Théâtre de Beauvaisis scène nationale, à Beauvais
• Le 8 mars, Les Transversales scène conventionnée cirque, à Verdun
• Le 11 mars, L’Onde Théâtre et centre d’art, à Vélizy
• Le 22 mars, Les Quinconces Espal, scène nationale Le Mans
• Le 30 mars, CAC de Concarneau Scènes
• Du 9 au 11 avril, La Coursive scène nationale La Rochelle
• Du 15 au 17 avril, La Coupe d’Or, à Rochefort
• Le 25 avril, Diapason, à Vendenheim
• Le 26 avril, Théâtre municipal de Colmar
• Les 6 et 7 mai, Théâtre de Nîmes
• Les 20 et 21 mai, Bonlieu Annecy scène nationale
• Du 3 au 5 juin, Théâtre de Cornouaille, à Quimper

Photos :
Photo de une, 2 et 3 © Christophe Raynaud de Lage
4 © J.-L. Duzert
5 © Catherine Gabillon  

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