Derniers coups de cœur, festival Off, à Avignon

« L.U.C.A »de et avec Grégory Carnoli, Hervé Guerrisi © Leslie Artamonow

Derniers coups de cœur du Off

Par Laura Plas
Les Trois Coups

Le festival Off continue à Avignon jusqu’au 28 juillet. Voici quatre idées de spectacles à découvrir : seul en scène ou travail choral, ludique ou grave, il y en a pour tous les goûts.

D’après le proverbe

Un proverbe dit : « Le dernier qui arrive ferme la porte. » Oublieux de ses errances ou de celles de ses ancêtres, l’émigré d’hier devient ainsi étrangement xénophobe. C’est à ce paradoxe qu’ont été intimement confrontés les deux interprètes et concepteurs de L.U.C.A. Pour faire la peau aux préjugés de leurs proches, ces deux petits-fils de mineurs italiens émigrés en Belgique se lancent dans une enquête rocambolesque et vivifiante jusqu’à leur/ notre ancêtre commun : L.U.C.A.

Hervé Guerrisi et Grégory Carnoli présentent, pour ce faire, une forme hybride et ingénieuse à la croisée du théâtre documentaire, de l’aventure picaresque et de l’investigation scientifique. On rit, on s’interroge et on est souvent très ému. Le dispositif scénographique contribue aussi à la réussite du projet. Il conjugue en particulier un emploi malin des projections à un rapport public assumé. Comme le propos, pertinent et tendre, est terriblement actuel, on sort ravi.

« Le Rouge éternel des coquelicots » de François Cervantès © Christophe Raynaud de Lage
« Le Rouge éternel des coquelicots » de François Cervantès © Christophe Raynaud de Lage

D’après mes souvenirs

Le Rouge éternel des coquelicots et Les Imposteurs proposent deux éclairages intéressants sur le lien entre l’acteur et le personnage. D’un côté, Catherine Germain, seule en scène, est comme possédée par son personnage. Mais ce dernier a été créé à partir des conversations que l’auteur du « Rouge éternel des coquelicots » a eues avec Latifa, la propriétaire d’un snack des quartiers Nord de Marseille. Le jeu entre fiction théâtrale s’en trouve donc redoublé. Il est même assumé et thématisé par François Cervantes.

L’interprétation de Catherine Germain est dépouillée et d’une justesse confondante. Non seulement, la comédienne nous fait assister au combat épique de Latifa pour sauver son snack, legs de son père tant aimé, mais elle partage sans en avoir l’air cinquante ans d’histoire des quartiers nord. Les souvenirs teintent le présent, l’intime se mêle heureusement au collectif quand est évoquée, par exemple, la colère des quartiers face à l’attitude des pouvoirs public.

« Les Imposteurs » d’Alexandre Koutchevsky, avec Régis Laroche et Isabelle Ronayette © Eric Chenal
« Les Imposteurs » d’Alexandre Koutchevsky, avec Régis Laroche et Isabelle Ronayette © Eric Chenal

D’un autre côté, grâce à une photographie de classe, les deux comédiens des « Imposteurs » nous font assister à l’émergence de leur vocation, durant les années lycée. Là aussi, le dispositif est simple : deux interprètes, un rétroprojecteur suffisent à faire théâtre d’une salle de classe. Le spectacle est l’occasion d’une belle méditation sur le théâtre à laquelle est associé le public, en particulier les adolescents. Régis Laroche et Isabelle Ronayette sont assez habiles pour brouiller la frontière entre réalité et imagination. Et l’écriture joueuse d’Alexandre Koutchevsky confirme ce bel art de l’imposture.

Enfin, Moi, Daniel Blake permet de penser aussi bien la fin mortifère de l’État providence que la question de la transposition à la scène d’un matériau cinématographique. Cette adaptation est extrêmement fidèle, peut-être trop : on retrouve les intrigues et les personnages, et même les dialogues. Cependant, l’interprétation est juste. La mise en scène joue sur l’économie de moyens grâce à une scénographie efficace et dépouillée. Les projections sont d’ailleurs superfétatoires. Les amateurs du film ne seront donc pas désarçonnés, ceux qui n’ont pu le voir trouveront une séance de rattrapage pour cette histoire triste, belle et nécessaire.

Laura Plas


Derniers coups de cœur du Off

L.U.C.A, de Grégory Carnoli et Hervé Guerrisi

Le texte est édité aux Editions l’Œil du Prince

Compagnie Eranova

Conception, texte et interprétation : Grégory Carnoli et Hervé Guerrisi

Co-mise en scène : Quentin Meert

Durée : 1 h 45

À partir de 14 ans

Teaser vidéo

La Manufacture (site de la Patinoire en navette exclusivement) • 2, rue des Écoles • 84000 Avignon

Dans le cadre du Festival off d’Avignon

Du 5 au 25 juillet 2019, à 17 h 30, relâche les jeudis 11 et 18 juillet

De 12 € à 20, 50 €

Réservations : 07 83 60 86 40

Site du théâtre

Départ de la navette pour la patinoire au 2, rue des Écoles

Le Rouge éternel des coquelicots, de François Cervantès, à partir de conversations avec Latifa Tir

Compagnie L’Entreprise

Mise en scène : François Cervantès

Avec : Catherine Germain

Durée : 1 heure

À partir de 12 ans

Du 5 au 26 juillet 2019, du lundi au samedi à 22 h 15, relâche les 10 et 17 et 24 juillet 2019

Les Imposteurs, d’Alexandre Koutchevsky

Site de la compagnie

Mise en scène : Jean Boillot

Avec : Régis Laroche et Isabelle Ronayette

Durée : 1 h 15

À partir de 12 ans

Teaser vidéo

Du 5 au 26 juillet 2019, du lundi au samedi à 10 h 45, relâche les 10 et 17 et 24 juillet 2019

(Représentation hors les murs au Lycée Mistral, départ de la navette à 10 h 45 devant le Théâtre 11 ● Gilgamesh Belleville)

Théâtre 11 ● Gilgamesh Belleville • 11, boulevard Raspail • 84000 Avignon, Dans le cadre du Festival off d’Avignon

De 8 € à 20 €

Réservations : 04 90 89 82 63

Site du théâtre

Moi, Daniel Blake, d’après le film de Ken Loach sur un scénario de Paul Laverty

Adaptation et mise en scène : Joël Dragutin

Avec : Jean-Louis Cassarino, Jean-Yves Duparc, Sophie Garmilla, Aurélien Labruyère, Stéphanie Lanier, Fatima Soualhia Manet et Clyde Yeguete

Durée : 1 h 35

À partir de 14 ans

Teaser vidéo

Théâtre des Halles • 2, rue du Roi René • 84000 Avignon

Dans le cadre du Festival off d’Avignon

Du 5 au 28 juillet 2019, à 16 h 30, relâches les mardis 9 et 16 et 23 juillet

De 10, 60 € à 22, 60 €

Réservations : 04 32 76 24 51

Site du théâtre


À découvrir sur Les Trois Coups :

☛ Les Clowns, de François, par Léna Martinelli 

☛ Carnages, de François Cervantès, par Léna Martinelli

☛ A Game of You, d’Ontroerend Goed, par Elise Ternat

 

À propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Du coup, vous aimerez aussi...

Pour en découvrir plus
Catégories