Planer avec une diva
Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups
Accueillir une star du jazz et de la soul comme Dianne Reeves est toujours un événement. C’est la proposition artistique faite par le Pont des Arts à Cesson-Sévigné (35) en avant-première de Jazz à l’Ouest – 28e édition. Les amateurs ne s’y sont pas trompés, les billets se sont arrachés et la salle était archi-comble.
Tout commence avec un préambule instrumental d’une dizaine de minutes où chacune des vedettes qui accompagnent la star (Peter Martin au piano, Romero Lubambo à la guitare, Reginald Veal à la contrebasse et Terreon Gully à la batterie) se fend d’un brillant solo. Puis, Dianne Reeves fait son entrée en robe d’un rouge intense, bas résille et petites bottines. Accueillie par un tonnerre d’applaudissements, elle attaque avec The Twelfth of Never (Music for Lovers, 2007), une ballade d’amour : « J’ai besoin de toi, ô mon aimé, comme les roses de la pluie ». Cette chanson délicate met en valeur les graves exceptionnels de la chanteuse. Comme à son habitude, elle enchaîne avec un scat (un chant sans paroles, improvisé) dont elle a le secret, sur toute l’étendue de son impressionnante tessiture, et y intègre les salutations au public.
La salle finit de chavirer sur un rythme brésilien, avec une autre ballade interprétée, pour la plus grande partie, en duo avec Romero Lumambo. Le dialogue entre les deux musiciens atteint des sommets de finesse et de sensibilité. Dianne Reeves scatte sur des rythmes latins et Lumambo lui répond sur sa guitare. S’ensuit alors un chant improvisé : la chanteuse incite tour à tour chacun de ses musiciens à revenir sur scène.
Un orchestre ? Non, une famille
Le plus vertigineux numéro de scat arrive avec Nine (Quiet After the Storm, 1995), une autre ballade. Dianne Reeves y évoque avec fraîcheur les jeux innocents et les rêves de ses neuf ans. Enfin, pour en terminer avec le scat, elle présente dans ce style son orchestre – pardon, sa famille – avec laquelle elle arpente, depuis des années, les scènes du monde entier. Peter Martin est sa main droite, Romero Lubambo, un « frère d’une autre mère », Reginald Veal, le frère cadet et Terreon Gully, le benjamin, est qualifié de « maître des rythmes ».
Décidément, la chanteuse aux cinq Grammy Awards n’est jamais aussi à l’aise que sur scène. Mais elle tient à prouver que l’improvisation où elle brille tout particulièrement n’est pas son seul domaine d’excellence. Elle termine par un cadeau appréciable au public qui la rappelle avec ardeur. C’est d’abord une ballade de McCoy Tyner qu’elle chante avec le seul accompagnement du piano. Puis, dépouillement extrême où l’on ne peut pas tricher, elle conclut seule, sans la moindre amplification, et finit par ces trois mots, en français : « Merci, au revoir ». Un vent de folie semble souffler sur le Carré Sévigné. La salle enthousiaste, debout, acclame la diva assoluta. ¶
Jean-François Picaut
Dianne Reeves en concert
Avec : Dianne Reeves (chant), Peter Martin (piano), Romero Lubambo (guitare), Reginald Veal (contrebasse) et Terreon Gully (batterie)
Durée : 1 h 30
Photo : Dianne Reeves © Jean-François Picaut
Le Pont des arts • Carré Sévigné • 4, Mail de Bourgchevreuil • 35510 Cesson-Sévigné
Dans le cadre de Jazz à l’Ouest
Le 18 octobre 2017 à 20 h 30
De 26 € à 32 €
Réservations : 02 99 83 11 00