Quand un clown nous parle de psychanalyse…
Par Candy Chevalier
Les Trois Coups
La lumière se lève sur un clown (mi-auguste, mi-clown blanc) à l’apparence singulière et intrigante d’une cheftaine scoute. La scène est quasi vide. Seul un vieux canapé jaune et déformé trône au centre du plateau. Emma nous annonce rapidement la couleur : elle veut mourir, devenir « invivante » comme elle dit.
Commence alors une réflexion drôle et poétique sur le thème de la psychanalyse. Emma décide de mener une consultation où les spectateurs seront les patients. Elle nous propose de dévoiler nos névroses, nos peurs, nos angoisses pour enfin comprendre ce qui se passe dans la tête des hommes. Emma instaure ainsi un dialogue complice avec le public et s’amuse à faire ressurgir des sentiments occultés. Elle prend plusieurs personnes à partie, mais comprend rapidement qu’aucune ne sera assez téméraire pour monter sur scène avec elle et se prêter au jeu de la psychanalyse en public. Tant pis, Emma se dédoublera pour être à la fois le médecin (avec cigare et lunettes) et la patiente.
Emma se retrouve donc sur et « sous » le divan du médecin. Elle déforme et s’approprie le vocabulaire et les méthodes psychanalytiques. Cela donne lieu à des scènes cocasses et insolites. Elle met en scène les névroses humaines avec la maladresse et l’imagination qui la caractérisent. Meriem Menant (la comédienne) s’appuie sur l’humour et l’excentricité du clown pour nous amener à rire de nos propres travers.
Meriem Menant est une artiste aux talents multiples. Elle est comédienne, clown, marionnettiste, chanteuse, musicienne. Peu de domaines artistiques semblent lui résister. En effet, elle chante divinement bien, elle joue de la clarinette, elle manipule avec brio une marionnette à son effigie… Il faut aussi absolument souligner sa fabuleuse mise en paroles du Boléro de Ravel, rythmé avec deux aiguilles à tricoter. Une parenthèse musicale drôle et pertinente !
Tous les ingrédients sont là pour faire de cette représentation un moment extraordinaire. Il manque cependant un grain de folie, un soupçon d’excès. On regrette un peu de ne pas rire plus, de ne pas être plus ému. Simplement parce que l’artiste ne nous laisse pas le temps de nous imprégner de chacun des univers dans lesquels elle voudrait nous embarquer. Il me semble que le costume de clown pourrait permettre plus de ridicule, de grotesque, de débordements. Ici, les improvisations, par exemple, sont encore trop gentilles, trop lisses. On aimerait que l’actrice aille plus au bout des choses, qu’il y ait un véritable « lâcher-prise ».
Dans Emma la clown sous le divan sont abordés quelques-uns des sujets les plus importants et les plus sensibles de notre existence, avec beaucoup d’humour et de finesse. Meriem Menant conceptualise notre appareil psychique et étudie nos comportements avec son recul clownesque. Une fois arrivé à maturation, ce spectacle aura une vraie vocation cathartique. ¶
Candy Chevalier
Emma la clown sous le divan, de Meriem Menant
Compagnie La Vache libre
Écriture et jeu : Meriem Menant
Musique : Mauro Coceano
Lumière : Emmanuelle Faure
Décor et inventions : Éric Huyard
Marionnette : Philippe Saumont
Certains accessoires : Anne de Vains
Images : Dominique Tiéri
Aide artistique : Christophe Grundmann
Photo du spectacle : © Nicolas Gallon
Théâtre du Rond-Point • 2 bis, avenue F.‑D.‑Roosevelt • 75001 Paris
Réservations : 01 44 95 98 21
Du 20 novembre au 31 décembre 2007 à 18 h 30
Durée : 1 h 20
De 28 € à 10 €