Des jeunes gens très créatifs
Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups
Après l’énorme succès de « Pierre et le Loup et le Jazz », créé au festival de Vienne en 2012, l’Amazing Keystone Big Band a récidivé le 26 juin dernier, devant 6 000 enfants en créant « le Carnaval jazz des animaux ». C’est l’occasion pour « les Trois Coups » de revenir sur une belle aventure avec deux des codirecteurs de l’orchestre.
Fred Nardin, depuis la création de l’Amazing Keystone Big Band, en 2010, vous dirigez à quatre cette formation de 17 musiciens. Un tel quadrige ne vous complique pas la tâche ?
Pas du tout ! Je dirais même, au contraire, que c’est un atout. Bastien Ballaz (trombone), Jon Boutellier (saxophone), David Enhco (trompette) et moi-même qui suis pianiste, nous nous connaissons bien et depuis longtemps. Nous sommes complémentaires. Cela nous permet d’avoir du recul sur ce que nous écrivons, sur la musique que nous jouons, sur nos projets. Je crois même que notre diversité nous fait gagner du temps. Bien sûr, il nous arrive d’avoir des divergences d’appréciation, mais nous arrivons toujours à les résoudre sans conflit.
Vous aviez déjà un certain succès, mais on peut dire, Jon Boutellier, que la gloire est venue avec la création de Pierre et le Loup et le Jazz au festival Jazz à Vienne ?
Il m’est difficile de dire le contraire. Cette création au Théâtre Antique, le 28 juin 2012, devant plus de 6 000 enfants enthousiastes, a été très importante dans la vie de l’orchestre. Le succès a été immédiat et il dure encore. Nous en sommes à plus de 110 représentations, et il y en a d’autres à venir.
J’ai été surpris à Coutances, en mai dernier, de découvrir que le narrateur n’était pas Denis Podalydès comme sur l’album 1.
Effectivement, nous avons trois narrateurs en alternance pour le spectacle, ce sont les comédiens Leslie Menu, Yasmine Nadifi et Sébastien Denigues. Nous avons aussi deux formules de spectacle, une pour tout public et une pour les scolaires, un spectacle pédagogique et interactif.
Je reviens vers vous, Fred. Pourquoi vous être intéressé ensuite au Carnaval des animaux ? Parce qu’après Pierre et le Loup c’est la deuxième œuvre la plus écoutée par les enfants ? Le succès de l’œuvre est un gage sûr de succès pour vous ?
La popularité de l’œuvre a sans doute joué dans notre choix, mais nous ne serions pas allés vers elle sans un intérêt proprement musical. Chez Prokofiev, nous avions affaire à une partition déjà très orchestrée. Notre liberté a été beaucoup plus grande avec Saint-Saëns. Ce sont des mouvements courts, pour beaucoup. Certains ne dépassent cinquante secondes, et c’est souvent écrit pour petit orchestre de chambre. Nous avons donc pu ajouter beaucoup de compositions propres. Mais nous avons respecté la verve caustique de Saint-Saëns.
Vous voulez ajouter quelque chose, Jon ?
Seulement souligner notre volonté de rester fidèles au compositeur jusque dans nos inventions. Et je dirais même dans notre ajout d’un texte et d’un personnage qui n’existent pas chez lui. En effet, nous avons décidé d’introduire le Carnaval dans un conte original 2, écrit par Taï‑Marc Le Thanh, illustré par Rose Poupelain et raconté par Édouard Baer. L’histoire est narrée par un personnage qui n’existait pas chez Saint-Saëns, le loup !
Ça, c’est pour votre activité dans Amazing Keystone Big Band, mais vous avez aussi des activités propres. Jon ?
Oui, il y a d’abord ce quartette que je dirige conjointement avec Fred : vous voyez que la collégialité ne nous fait pas peur. Il est complété par Patrick Maradan (contrebasse) et Romain Sarron (batterie), qui viennent aussi du Big Band (rires). Un disque sortira début 2016, chez Gaya Music, sur lequel nous invitons David Enhco, Bastien Ballaz et Cécile McLorin Salvant.
Sans commentaires ! Et vous, Fred ?
En ce qui me concerne, je participe à de nombreuses formations, on se croise d’ailleurs souvent. J’ai fait des arrangements pour le dernier disque de Véronique Hermann Sambin 3 comme Jon en a fait pour Laurent Courthaliac. J’ai un disque qui est sorti, At Home (Ahead / Black & Blue, avril 2015) avec le Switch Trio : Maxime Fougères (g) Samuel Hubert (cb) et moi (p). Une formation de type Ahmad Jamal, Oscar Peterson, Nat King Cole, Art Tatum. Mais je ne voudrais pas oublier une autre création du Big Band : Djangovision, un hommage à Django Reinhardt, lors du dernier festival Samois-sur-Scène. Nous y avions invité Stochelo Rosenberg, Marian Badoï et… James Carter.
Propos recueillis par
Jean-François Picaut
- Pierre et le Loup et le Jazz (Le Chant du monde (17 octobre 2013)
- Le Carnaval jazz des animaux: l’album seul (Nome / L’Autre distribution) et le livre-C.D. (Gautier Languereau / Hachette Livre) sont disponibles depuis le 14 octobre 2015.
- Basalte (Jazz Family, Socadisc / Idol, avril 2015).
Photo : David Enhco, Bastien Ballaz, Jon Boutellier, Fred Nardin © Bruno Belleudy