Laurent Gutmann : « On saisit toutes les opportunités d’invention, mais l’incertitude est immense »
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Quelles sont les nouvelles du côté des écoles ? Faire du spectacle vivant sans vivant représente un sérieux paradoxe. Outre le Conservatoire national supérieur d’art dramatique (lire l’entretien avec Claire Lasne Darcueil), nous nous penchons sur une autre prestigieuse école nationale de théâtre : l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT) à Lyon. Rencontre avec Laurent Gutmann, qui en a pris la direction en septembre 2018.
Pouvez-vous préciser les caractéristiques de l’ENSATT ?
Cette école est unique en Europe car elle prépare à tous les métiers du spectacle vivant, sans hiérarchie. C’est un message fort : il n’y a pas de petites mains dans notre univers qui est avant tout une aventure collective. Jeu, costumes, écriture, scénographie, mise en scène, son, lumières, administration, direction technique… tout est essentiel et interdépendant dans la création théâtrale.
La plupart de ces métiers passent par « le faire », voire par le souffle et la chair. Comment vivez-vous ces temps de confinement ?
C’est une réelle difficulté d’autant que le 13 mars nous étions en plein concours de recrutement. Ce problème des calendriers reste pour l’instant entier. Pour les études proprement dites, voici quelques exemples des solutions mises en place : nous délivrons des licences et des masters, et les étudiants en dernière année de master doivent de toutes façons porter un projet personnel. Il a deux versants : une performance et un mémoire, dont le sujet était déjà bien circonscrit. Sur cet écrit, ils sont accompagnés à distance, c’est relativement simple.
Pour les comédiens c’est évidemment bien plus compliqué. Un laboratoire expérimental qui réunit tous les étudiants de première année, tous départements confondus, autour d’une thématique commune, devait se dérouler en avril. Il ne peut avoir lieu mais des étudiants travaillent chez eux autour de la thématique du confinement. Je suis curieux de voir ce que ça va donner.
Les étudiants en mise en scène sont particulièrement touchés puisqu’ils doivent présenter un spectacle. Quant aux étudiants en scénographie, engagés dans un travail avec Georges Lavaudant, ils continuent via Skype, en attendant des répétitions dont on ne sait pas si elles pourront démarrer un jour. L’incertitude est immense.
D’autres départements, comme celui du son qui travaille sur des exercices de mixage, n’ont absolument pas besoin de présence physique. En ce qui concerne les écrivains, ils font un travail sur la traduction, directement sur Skype avec des traducteurs.
En revanche, le cœur du dispositif d’enseignement de l’écriture dramatique (Le Studio) ne peut être maintenu, puisque ceux qui écrivent soumettent leur production à leurs camarades et à leurs enseignants, un panel très large qui délibère collectivement. Impensable.
Je pourrais continuer à donner des exemples pour chacun des départements dont la configuration spécifique entraîne des besoins, et donc des dispositifs de formation particuliers. Par contre les enseignements théoriques se poursuivent en vidéo. En résumé, on maintient ce qui peut l’être et on saisit toutes les opportunités d’invention. ¶
Propos recueillis par
Trina Mounier
École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre
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