Entretien avec Michel Le Royer, comédien dans « Et mon mal est délicieux », de Michel Quint, le Petit Chien à Avignon

« Et mon mal est délicieux » © D.R.

« Nous sommes des serviteurs de l’auteur, des “pions”. »

Par Cédric Enjalbert
Les Trois Coups

Adapté d’un roman de Michel Quint, « Et mon mal est délicieux », qui s’inspire des premiers temps du Festival d’Avignon, rend hommage à tous les passionnés de théâtre, qui ont vécu et vivent avec lui. Michel Le Royer en est. Lui qui a connu la plupart des acteurs convoqués dans cette fable, et notamment Gérard Philipe, leur fait honneur dans une remémoration passionnée mais dénuée de nostalgie.
Entre cours de diction au débotté, conseils prodigués à son partenaire de scène (et ancien élève) et compliments de groupie à la volée, Michel Le Royer nous accorde quelques instants.

Comment est né le projet de créer pour la scène ce texte de Michel Quint, hommage à l’âge d’or du Festival d’Avignon ?

J’ai découvert ce texte grâce à Laurence Werlé, l’adaptatrice. Elle n’a jamais été une élève, mais elle m’a suivi comme une groupie. Lorsque j’étais tête d’affiche du Théâtre Montpensier, à Paris, je jouais le Cid, Ruy Blas, et les grands noms du théâtre classique. Beaucoup de groupes scolaires venaient, bien entendu. Laurence était une des « meneuses ». Je l’ai rencontrée à nouveau alors qu’elle enseignait la littérature classique, le latin et le grec… toujours passionnée de théâtre ! Elle connaissait Michel Quint, m’a fait lire Et mon mal est délicieux et s’est rapidement mise à adapter le roman.

Son adaptation est belle mais difficile. Laurence n’a pas cherché les arrondis avec le texte très construit de Michel Quint. C’est une langue ravissante, mais rude, qui comporte par exemple très peu de négations : il faut appréhender cette cadence et ce rythme, ce langage, pour se sentir complètement heureux dans ce monde. Michel Quint a écrit ce texte, en résidence à la Chartreuse, pour remercier toutes ces figures du théâtre français, pour mettre en lumière les ombres qu’ils laissent.

Michel Quint a-t-il vu le spectacle ?

Michel Quint l’a vu lors des premières représentations, alors que je commettais encore pas mal d’erreurs, et des oublis. Les enchaînements de ces tableaux nombreux, de ces visions juxtaposées parfois avec des sauts chronologiques, sont difficiles. Le texte offre peu de repères sur lesquels s’appuyer.

Vous avez à vos côté Adrien James, un jeune comédien qui a été votre élève. Comment se passe la collaboration ?

Au début des répétitions, Adrien me vouvoyait quand il s’adressait au professeur et me tutoyait quand il s’adressait au complice de scène ! Mais la confusion n’a plus lieu d’être désormais ; Adrien est avec nous, il est entré dans le métier.

Notre vocation est de mettre à l’horizontale
ce qui est composé verticalement.

Avez-vous rencontré des difficultés lors des répétitions ?

Pas spécifiquement, en dehors des difficultés inhérentes au travail de scène : être ponctuel, assidu de la recherche et surtout servir l’auteur. Nous sommes des serviteurs de l’auteur, des « pions ». Notre vocation est de mettre à l’horizontale ce qui est composé verticalement. Le reste incombe au metteur en scène, Gérard Vantaggioli en l’occurrence, qui doit faire vivre des partenaires dans la contrainte.

Vous évoquez à la fin du spectacle un autre ordre de difficulté, lié à la nature du texte lui-même…

Oui, en effet. Le texte de Michel Quint présente cette particularité de convoquer des noms mythiques du théâtre, pour beaucoup disparus. Je les ai tous connus : toute la bande du T.N.P., Vilar, Georges Wilson, Daniel Sorano et Gérard Philipe, bien sûr. Nous sommes d’ailleurs, avec Jeanne Moreau, deux rescapés de l’unique mise en scène du maître : la Nouvelle Mandragore, en 1953. Les évoquer suscite de l’émotion bien entendu, ravive leur mémoire.

Je me souviens notamment de Gérard Philipe dans le Prince de Hombourg. Jeanne Moreau attendait son arrivée. On entendait claquer sa porte puis le bruit de ses talons dans les escaliers descendus quatre à quatre. Il finissait de fermer le col de son costume. La musique de Maurice Jarre sonnait déjà. Il lançait alors : « Ô Nathalie, mon amour ». Et la salle exultait. Quiconque, moi le premier, aurait eu la même audace et cette précipitation, c’était le bide assuré ! Lui incarnait pour une génération la jeunesse et la vie retrouvée de l’après-guerre.

Quels sont vos projets ?

Il sera intéressant de reprendre le spectacle dans quelques mois, cet hiver au Théâtre du Chien-qui-Fume, à Avignon. Il aura gagné en maturité. Nous découvrirons alors sans doute des aspects inconnus de la mise en scène. Le théâtre se nourrit de cette redécouverte permanente. C’est un lieu exceptionnel où les idées offertes sur scène sont reprises collectivement. Seul le théâtre permet cet incroyable échange. 

Propos recueillis par
Cédric Enjalbert


Et mon mal est délicieux, de Michel Quint

Avec : Michel Le Royer, Adrien James

Adaptation : Laurence Werlé

Mise en scène : Gérard Vantaggioli

Musique : Éric Breton

Création lumière : Franck Michallet

Régie : Yann Struillou

Vidéo : Jérémy Meysen

Le Petit Chien • 76, rue Guillaume-Puy • 84000 Avignon

Réservations : 04 90 85 89 49

Du 6 juillet au 28 juillet 2013 à 11 heures

Durée : 1 heure

www.chienquifume.com

17 € | 12 €

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