« C’est du mépris »
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Hier commençait de Contre-Sens, une programmation entre deux éditions du Festival biennal Sens Interdits. Et c’est une bonne nouvelle car on a bien cru que cette première édition n’aurait pas lieu !
Née à la suite immédiate de l’invasion russe en Ukraine, Contre-Sens est la réaction de Sens Interdits face à l’affolement du monde. Un moyen de prendre le temps de mieux comprendre l’indicible, et, à contretemps, entendre artistes, penseurs, journalistes, témoins. Or, vous avez appris la semaine dernière par un courrier type que la subvention régionale qui vous était accordée jusqu’à présent était supprimée. Dès cette année 2022, à une semaine du démarrage du festival…
C’est effectivement ce timing qui est le plus choquant car il affiche le mépris pour le travail accompli. Nous sommes subventionnés depuis 2011. Cette subvention est de 50.000 € les années paires et de 30.000 € les années impaires. Elle sert à rémunérer la petite équipe permanente, à accueillir des troupes qui viennent de loin, du Cambodge, du Chili, du fin fond de la Russie, à organiser les tournées, à assurer leur promotion. Nous retirer la subvention alors que tout le travail est engagé, c’est du mépris.
Vous n’êtes pas les seuls ni les premiers auxquels la Région supprime une subvention…
Bien sûr que non ! Il y a eu l’Espace 44, les Marronniers, la Villa Gillet… L’attaque est ciblée et délibérée. Mais, en ce qui nous concerne, ce qui est particulièrement incompréhensible, c’est que cela se soit passé pratiquement « sans sommation ». Il y avait bien eu une petite phrase au bas d’un document publié par la presse au printemps dernier et dont on ne sait comment elle était arrivée là, mais que rien n’officialisait. Un comité de suivi où siègent des représentants de l’État, de la Région, de la Métropole et de la Ville de Lyon s’est tenu le 23 février dernier. Tous connaissaient le programme du festival et les perspectives de développement de l’association pour la période 2022-2024. Personne n’a alors remis en cause ces projets.
Pourtant, vous n’avez pas souhaité réagir immédiatement ?
Soyons clair : une collectivité locale a le droit d’accorder ses subventions selon des critères qui lui sont propres. Nous ne remettons pas cela en cause. Nous ne réclamons pas le droit à la subvention à vie. Par contre nous réclamons le respect des règles de la dépense publique et nous refusons le fait du prince.
Ce qui a fait déborder le vase, c’est le scandale du dîner de Laurent Wauquiez (président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes) à 100.000 €. Soit le double de la subvention annuelle du festival en un repas ! Avec l’argent public, ce n’est pas tolérable.
Nous nous battrons pour la survie d’un festival que cette décision fragilise, nous chercherons des solidarités nouvelles avec le milieu artistique, avec les partenaires et un public qui a toujours répondu présent.
Signalons qu’hier soir, le public était là, enthousiaste, aux deux premiers spectacles proposés par Contre-Sens : Adieu la mélancolie de Roland Auzet, qui rappelle le désastre de la révolution culturelle et alerte sur le négationnisme en cours en Chine ; Sonny, une performance d’une artiste slovène pour honorer les dernières « vierges sous serment » dans les Balkans. Et l’intégralité du festival est malgré tout maintenu. 🔴
Propos recueillis par
Trina Mounier
Contresens, 1ère édition
Du 19 au 30 octobre 2022
Association Sens Interdits • 14, rue Basse Combalot • 69007 Lyon
Tél. 09 67 02 00 85 • Mail : festival@sensinterdits.org
Programmation ici
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Entretien avec Roland Auzet à propos d’Adieu la mélancolie, par Trina Mounier
☛ Entretien avec Patrick Penot (édition 2021), par Trina Mounier