Entretien, Éric Aubry, festival Renaissances 2024, Bar-Le-Duc

Éric Aubry-Festival Renaissances

La mue du festival Renaissances

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Au cœur de la Meuse, Bar-Le-Duc organise la 26édition de son festival annuel. Du 5 au 7 juillet, 28 compagnies et 6 groupes de musique proposent plus de 70 spectacles gratuits. Convivial et modernisé, le festival se réinvente avec l’arrivée d’Éric Aubry.

On vous a connu à La Paperie, Cnarep des Pays-de-La-Loire (lire notre reportage). Nommé directeur de la Culture de Bar-le-Duc et de l’Agglo, vous prenez en charge l’organisation et la programmation du festival. Pourquoi cette ville ?

Tout au long de ma carrière, j’ai toujours eu un inextinguible désir de faire se rencontrer œuvres et habitants, tout en créant des espaces de liberté pour les artistes. Dans ce but, j’ai porté nombre de projets artistiques et culturels de territoires en milieux urbains et ruraux. Mon parcours m’a amené à cette ville, étonnante pour ses spécificités : petite préfecture « restée dans son jus », elle recèle d’un patrimoine exceptionnel que je souhaite, avec mon équipe et à la demande des élus, révéler, voire sublimer.

Comment définiriez-vous ce territoire ?

Bar-le-Duc n’a pas subi les outrages du temps. Si quelques rénovations seront bientôt à prévoir, la ville compte une quarantaine de monuments historiques remarquables. Au cœur d’une vallée, entourée de deux collines, sa topographie, aussi, est unique.

Il nous revient de valoriser ses patrimoines et de faire en sorte que le passé Renaissance, qui a d’ailleurs donné le nom au festival, n’écrase pas le reste. En effet, la cité a vécu des phases intéressantes au temps des Romains et au Moyen-Âge. Ne pas oublier, non plus, son passé de ville industrielle (textile et brasserie). Aujourd’hui, mon rôle est de dépoussiérer tout ça, de donner à voir toutes ses richesses, d’aménager le territoire autrement, grâce à l’art et la culture, lesquels jouent un rôle crucial dans sa construction et son identité.

Pouvez-vous présenter Renaissances ?

On souhaite un moment rare où les concitoyens d’une ville se retrouvent dans un moment de partage, un moment de communion, de convivialité heureuse où le rôle des artistes sera de nous emmener ailleurs, un peu plus loin, afin de faire un pas de côté.

Nos propositions artistiques et rencontres de qualité prôneront donc le mieux vivre ensemble. Nous souhaitons en faire la vitrine de notre dynamisme, rendre la ville plus attractive, donner envie aux habitants de rester et à de nouveaux de s’y installer. Avec la maire Martine Joly et son équipe, nous souhaitons devenir une référence en matière d’urbanisme culturel. En tout cas, Bar-le-Duc se veut être un terrain d’expérimentation : comment la culture peut faire évoluer les aménagements, la mobilité, les comportements sociologiques, la qualité de vie, bref transformer le territoire.

En quoi renouvelez-vous le festival ?

Il ne s’agit pas de tout changer. On lui donne une autre dimension afin de mieux coller aux attentes de la population. C’est une révolution en douceur qui repense la convivialité, prend davantage en compte les besoins de la jeunesse tout en favorisant l’intergénérationnel.

Sur le plan artistique, on élargit aussi le terrain de jeu, dans la ville haute, comme dans les quartiers du bas, avec du théâtre de rue boulevard de la Rochelle, rues Maginot et Rousseau ; une scène destinée aux arts du cirque place Reggio ; à partir de 20 heures, la place des Minimes se transformera en salle de concert à ciel ouvert.

Justement, comment qualifier votre programmation ?

Plus moderne, voire tonique, on aborde des sujets qui concernent le plus grand nombre. Les disciplines sont variées, avec pour cette édition, une petite dominante de danse et de cirque qui correspond aux tendances actuelles. À l’image d’Obaké (Collectif Maison Courbe), spectacle inclassable qui emprunte à l’acrobatie, au théâtre gestuel et au clown (cirque et danse in situ), nous espérons que ces propositions surprendront et rassembleront.

Damoclès (Cirque Inextremiste), sur le mode participatif (« spectacle dont vous êtes potentiellement le héros »), favorise l’écoute et la coopération. Parmi les autres spectacles qui « déménagent » : Wake up, cie Errância, acrobatie, danse et théâtre physique ; Pulse (Kiaï cie), cirque chorégraphique sur trampoline ; BOUM !, ussé inné, expérience de danse libre, intense et collective sur le bitume.

Moon / Cabinet de curiosités lunaires (cie Barks), exposition vivante et acrobatique, est plus méditative mais non moins un ovni. Parmi les autres propositions qui nous déplacent, dans tous les sens du terme : Place assise, Collectif bim, performance pour cinq danseurs et un banc public ; Chamôh et Oisôh, cie Paris Bénarès, marionnettes géantes en déambulation ; Monobass (cie Entrechocs) burlesque; Et pour les amateurs de texte et de récit théâtralisé ; Je hais les Gosses, CIA ; Nenna, cie Raoui.

Menée en partenariat avec La Cité Musicale de Metz, la programmation des concerts fera la part belle aux artistes émergents de la région en musiques actuelles : Phoenician Drive (kraut-rock, grooves orientaux) ; JeanneTo (dance pop, techno, transe) ; Pierre-Hugues José (rap) ; Chien Noir (musique pour tous), Colt, duo éléctro-pop ; 2PanHeads, rave’n roll.     

À l’antithèse d’un « fourre-tout », ces propositions ont été choisies parce qu’elles ont du sens, se distinguent par des esthétiques fortes. Plutôt que des « grandes formes », nous avons privilégié des productions plus modestes, plutôt que quelques grands noms. Toutes les compagnies jouent 4 fois. Nous souhaitons que tous puissent profiter de bonnes conditions et partager des moments agréables.

Il n’y a pas que des spectacles ! D’ailleurs, vous titrez ; « une ville, des arts, des espaces à raconter ». Pourquoi ?

Nourri des festivals du Nord de l’Europe, que j’ai beaucoup fréquentés, j’ai imaginé de nouveaux espaces de rencontres, organisé des pôles dédiés afin que chacun y trouve son compte, à son rythme, sans oublier personne. C’est pourquoi nous avons prévu un espace famille, parc de l’hôtel de ville, avec la construction participative d’une structure en bambou (Morphosis, cie Moso), une installation vivante et participative à grimper ; un lieu dédié à la convivialité avec une table gigantesque (avec La compagnie meusienne Rue de la Casse), place Exelmans.

À noter, également, à l’esplanade du château, des rencontres professionnelles sur une nouvelle manière de construire la ville, de requalifier les espaces et grâce aux artistes, géographes, urbanistes, architectes, agents des collectivités territoriales. C’est une année test. À l’image d’une université populaire, nous développerons dans les années à venir, des réflexions et des mises en pratique plus pointues en matière d’urbanisme culturel. Qu’est-ce que la culture peut faire à la ville ? Cette question de la fabrique territoriale me taraude depuis longtemps et Bar-Le-Duc offre des pistes intéressantes. 🔴

Propos recueillis par
Léna Martinelli


Festival Renaissances

26édition, du 5 au 7 juillet 2024
Hôtel de ville • 12, rue Lapique • 55000 Bar-le-Duc • Tel. : 03 29 79 32 65
Site
Avec la Ville de Bar le Duc, l’acb scène nationale et La Cité musicale de Metz

À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Viva Cité, Sotteville-Lès-Rouen, reportage de Laura Plas

Photos :
• Une : Éric Aubry © DR
• Mosaïque 1 : © DR
• Photo 1 : « BOUM », ussé inné © Pierre Planchenault
• Mosaïque 2 : « Pulse » © Kiaï cie ; « Damoclès » © Cirque Inextremiste ; « Wake up » © cie Errância
• Mosaïque 3 : « Place assise » © Collectif bim ; « Monobass », cie Entrechocs ; « Nena » © cie Raoui
• Photo 2 : « Morphosis » © cie Moso

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