Entretien Laetitia Mazzoleni, Théâtre Transversal, Avignon

Laetitia-Mazzoleni-theatre-Transversal

Le Transversal, lieu de partage et de découvertes

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Ouvert par Laetitia Mazzoleni en 2017, l’équipe du Transversal s’apprête à vivre un nouveau festival Off. Rencontre avec sa directrice, qui nous présente ses activités à l’année et sa programmation estivale autant d’univers romanesques, épistolaires, autobiographiques à découvrir.

Pouvez-vous nous présenter votre lieu ?

J’ai imaginé le Théâtre Transversal comme un lieu de rencontres, d’expérimentation, de lectures, de créations et de découvertes. Sa programmation éclectique met en avant les écritures contemporaines. Durant le festival, du 7 au 26 juillet (relâche les mercredis 13 et 20 juillet), 14 spectacles, dont huit créations, seront répartis dans deux salles de 40 et 47 places, ainsi qu’un hors les murs, de 10 h 30 à 20 h 40.

Commençons par votre « tête d’affiche » : Élise Noiraud !

J’ai du mal avec cette conception de « tête d’affiche », tous les spectacles du Transversal sont des « têtes d’affiche ». Après la tournée d’Élise et un succès exceptionnels, j’ai été flattée qu’elle m’appelle pour me proposer la trilogie : « C’est ma maison », m’a-t-elle dit. Après Pour que tu m’aimes encore, en 2018, puis le Champ des possibles, qu’elle a joué à guichet fermé l’année suivante, il paraît effectivement logique de fermer ici la boucle. Un seul en scène de 4 h 30 (avec entractes) est un pari, aussi bien pour nous que pour elle, mais cette jeune femme déborde d’énergie.

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« Le champ des possibles », d’Élise Noiraud © Baptiste Ribrault

Vous prenez effectivement des risques sur des formats particuliers, mais aussi des créations originales.

Je n’envisage pas le Off comme un salon de spectacles. Il ne s’agit pas de speed dating du théâtre mais bien de diffuser des créations. Nous sommes donc ravis de pouvoir exploser les formats habituels – souvent trop formatés sur ce festival – comme avec l’épopée théâtrale d’Élise Noiraud, pour partager ensemble une vraie soirée de fête théâtrale. Nous présentons aussi des artistes dans des lieux insolites, comme le spectacle Ose c Lavie, une performance à vivre en déambulation, une expérience sensible dans un appartement. Ce sera notre premier hors les murs.

Une logique sous-tend-elle votre programmation ?

Je souhaite évidemment faire entendre les paroles d’aujourd’hui et réfléchir sur des enjeux actuels, comme dans la Friche et l’architecte parkour II, lequel aborde les enjeux climatiques, économiques, la surpopulation. Mais, de manière générale, il me semble aussi nécessaire de prendre du recul, de mettre en perspective des sujets aussi graves. Ce que l’on vit n’est-il pas cyclique ?

L’Histoire nous construit. Ainsi, l’Homme de boue, composé de véritables lettres de Poilus, nous entraîne dans le quotidien et l’intime d’un jeune homme parti pour la guerre, la fleur au fusil, et qui va en découvrir les méandres et les enjeux. Rendu vivant par la parole du comédien, le texte apparaît troublant de modernité et de poésie.

Seul(s) récit très personnel d’Olivier Duverger-Vaneck, traite, quant à lui, du thème de la folie avec la juste distance qui permet d’en faire un récit universel, poétique et poignant. Il me semble que la maladie ou la mort sont des sujets nécessitant de venir y raconter des choses fortes. Par exemple, le Fils (entre autres prix Goncourt du premier roman) relate l’histoire d’un jeune homme de 21 ans emporté par une méningite fulgurante. Sur scène, il revient pour mettre en scène son histoire de façon originale.

Qu’est-ce qui distingue le Transversal par rapport aux autres lieux ?

Une appétence pour les écritures narratives mise en valeur par un certain regard artistique, une recherche esthétique. J’aime Fosse, par exemple, mais ce que j’aime encore plus, c’est comment Frédéric Garbe fait entendre cet auteur. Que ce soit la vidéo, l’enregistrement d’une émission de radio, ou encore l’approche d’un grand cinéaste, un portrait en creux à travers un choix de lettres et un accompagnement au piano  (Truffaut – Correspondance), les dramaturgies choisies sont souvent spéciales.

La plupart des pièces traduisent un intérêt pour tout ce qui crée du lien, social, familial, amoureux. Autre écriture remarquable : Notre dernier voyage, adaptation à la scène des deux derniers romans de Bernard Giraudeau sous la forme d’une déclaration d’amour à une femme inconnue (grand succès du festival 2021 !). Pour les plus petits, je recommande la véritable histoire de la Reine des neiges, d’après Hans Christian Andersen, ou Byba Youv la sorcière qui rêvait d’être une chèvre de la compagnie Deraïdenz, dont je suis le travail depuis leurs  débuts. Ils ont un univers vraiment particulier qu’il faut absolument découvrir.

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« Notre dernier voyage », cie Darsana © DR

Pendant ce festival, les 14 spectacles à l’affiche illustrent un théâtre pluriel où la poésie rime avec l’audace, le rire avec les larmes, le passé avec le présent. Un théâtre de textes et d’objets, de musique et de danse, un théâtre puissamment vivant et présent.

Si certains choix sont « radicaux », par la forme proposée, vous programmez uniquement des spectacles dont vous avez suivi l’évolution ?

Cette année, nous accueillons six compagnies régionales que je connais bien : Deraïdenz, Babel danse, L’autre compagnie, Corps de Passage, divine quincaillerie et Artmacadam. La Grande Distribution, de Samir El Yamni, une allégorie, celle d’un danseur atypique face aux dérèglements de notre planète, a été à l’affiche cet hiver ; idem pour Nouons-nous, concert théâtralisé à partir du roman d’Emmanuelle Pagano, et du Bonnet, qui invite à prendre conscience de la poésie du monde (ce seront leurs premières le 7).

Sinon, votre théâtre propose des résidences de recherches créatives à certains artistes. Pourquoi cet accompagnement ?

Les termes « résidence » et « lieu permanent » sont trop souvent galvaudés. En ce qui nous concerne, nous mettons le plateau et un technicien à disposition de certaines compagnies pour leur assurer les meilleures conditions de création possibles. Cette résidence aboutit souvent à la rencontre et la restitution à différents publics. D’ailleurs, nous proposons aussi un volet d’éducation artistique avec plusieurs établissements locaux.

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« Seul(s) », cie Chahuts

Pour le volet diffusion, nous pouvons aider les compagnies dans la mise en relation avec des acteurs culturels (collectivités, professionnels, etc.). Bref, nous envisageons cet accompagnement comme un partenariat sur le long terme car je tiens à la fidélité envers les artistes.

D’ailleurs, es compagnies semblent apprécier vos conditions d’accueil.

Ma formation de comédienne et de metteure en scène, ainsi que mes expériences avignonnaises, y sont pour beaucoup. J’ai créé ma compagnie en 2007 (L’Agence de Fabrication Perpétuelle). Connaissant bien les besoins et les écueils possibles, je m’efforce de mettre à disposition un outil de travail fonctionnel et confortable. Le Transversal se veut un lieu de partage.

Vos activités ne se résument donc pas à une programmation estivale ?

Non, le Transversal est ouvert toute l’année, comme environ une dizaine de théâtre à Avignon. C’est un vrai lieu d’accompagnement et de diffusion.

Enfin, deux temps forts sont aussi proposés pendant le Off.

Comme le théâtre n’est pas que du spectacle, les Intemporels proposent des cartes blanches. Le 13, des Mots & Débats s’installe toute la journée sur le plateau et propose une série de conversations d’été avec des écrivains comme Aurélie Filipetti, Lydie Salvayre ou Philippe Val (sept rencontres de 11 heures à 21 heures). Le 19, des textes seront lus en cascade par les Désirables, un Collectif d’éditeurs et libraires indépendants. Le 20 juillet, à 11 heures, un débat est organisé autour de l’édition théâtrale avec esse que Éditions. Puis à 15 heures, nous accueillons la lecture de Les Meutes, prochaine création d’Éloïse Mercier qui a connu un énorme succès l’été dernier avec Une goutte d’eau dans un nuage.

Et pour la 2année, nous participons au Souffle d’Avignon, une initiative portée par les Scènes d’Avignon, depuis en 2020, alors que le Festival était annulé pour raison sanitaire. Le 20 juillet, j’ai donc le plaisir de mettre en voix le texte N.B.A. de Denis Lachaud.

Vous êtes déjà en train de préparer la prochaine saison ?!

Absolument ! Ma compagnie n’est pas à l’affiche de cet été, mais le sera en 2023 avec un Beckett : Dominique Frot sera distribuée dans Oh ! Les Beaux Jours. Et je vais jouer dans une pièce de Martin Crimp, Atteintes à sa vie, produite par le Transversal. D’ici là, vivons, tous ensemble, les prochains jours de juillet, que nous espérons riches en découvertes et émotions de toutes sortes ! 🔴


Théâtre Transversal

Site ici
10, rue d’Amphoux • 84000 Avignon
Tel. : 04 90 86 17 12 • Mail
Du 7 au 26 juillet (relâche les mercredis 13 et 20 juillet)
Tarifs : de 5 € à 39 €
Billetterie en ligne
Les Intemporels, 13, 19 et 20 juillet
Le Souffle d’Avignon, le 20 juillet à 18 h 30
Programmation complète ici

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