« Et mon mal est délicieux », de Michel Quint, Radiant‑Bellevue à Caluire‑et‑Cuire

Et mon mal est délicieux © Pascal Victor / Artcomart

Magnifique mélo

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Le grand comédien Michel Le Royer fait revivre le temps d’une représentation un très beau texte de Michel Quint dans le décor très théâtral et chargé d’histoire de la Chartreuse de Villeneuve-lès‑Avignon. Une interprétation sans fautes, un grand moment d’émotion.

C’est un magnifique mélo que raconte Michel Quint : l’histoire d’un amour fou qui ne connaît d’autre délice que celui de l’attente et de la contemplation, et d’autre issue que la maladie et la mort. Sur fond des débuts du Festival d’Avignon avec pour figurants Gérard Philipe, Vilar, le T.N.P. et Jeanne Moreau…

Luz est une jeune Espagnole passionnée de théâtre et plus particulièrement du Cid dont elle sait chaque vers. Toujours à la recherche d’une voix pour lui donner la réplique dans les ruines de la Chartreuse, cette belle Chimène au tempérament de feu croise d’abord Max, qui se coule dans le moule de Rodrigue. Elle le séduit, l’hypnotise, le subjugue. Elle aime Rodrigue, il aime Luz et lui consacrera sa vie. Lorsqu’un jour passe un certain Gérard, bel inconnu qui sera, le temps d’une représentation privée, son Rodrigue d’un soir. Quand elle entend bien plus tard parler d’une étoile du théâtre à l’ascension irrésistible, Gérard Philipe, Luz, qui n’a jamais cessé de croire au retour de son Rodrigue, se persuade que l’acteur et l’inconnu ne font qu’un et va plus que jamais attendre son retour à Avignon.

S’en suivra une illusion tenace, de ces illusions qui font vivre. Et perdre sa vie. Et mourir aussi. Car la belle Espagnole va peu à peu se paralyser et ne rencontrera son rêve que poussée dans son fauteuil par un Max qui lui a voué son existence. Ironie du hasard, ce soir‑là, Gérard Philipe joue la première du Cid, lui aussi cloué par un accident qui l’empêche de marcher…

Les spectateurs ont pour Michel Le Royer les yeux de Chimène…

Quand le spectacle débute, avec en toile de fond des images en noir et blanc de la Chartreuse et sur le devant de scène un immense jasmin frémissant dans le vent, un jeune écrivain (interprété par Adrien James) flâne dans la touffeur de juillet. Alors qu’arrive, s’aidant d’une canne, Michel Le Royer. Très vite, une complicité naît, le jeune homme est avide de tendre l’oreille aux souvenirs de Max devenu vieux, lequel ne se fait pas prier pour raconter sa vie, son amour, ses blessures, Avignon et le théâtre…

L’histoire est belle, l’interprétation parfaite : la diction de Michel Le Royer est exemplaire, il sait faire entendre les délicatesses de cœur de son personnage tout autant que son plaisir à jouer devant ce spectateur conquis. Adrien James parvient à dépasser le simple rôle de faire-valoir, il est crédible, apporte par sa présence un rythme à ce qui ne serait sans lui qu’un monologue. Et son écoute attentive et ardente fait tache d’huile.

Accueilli par des applaudissements enthousiastes, Michel Le Royer ne résiste pas à se remettre en scène personnellement pour faire revivre devant nous son heure de gloire, en compagnie des plus grands, dont bien sûr, Gérard Philipe lui-même. Coquetterie bien excusable. 

Trina Mounier


Et mon mal est délicieux, de Michel Quint

Éditions Gallimard

Adaptation : Laurence Werlé

Mise en scène : Gérard Vantaggioli

Avec : Michel Le Royer, Adrien James

Musique originale : Éric Breton

Création lumière : Franck Michallet

Vidéo : Jérémy Meysen

Photo : © Pascal Victor / Artcomart

Production : Théâtre du Chien‑qui‑Fume

Radiant-Bellevue • 1, rue Jean‑Moulin • 69300 Caluire‑et‑Cuire

04 72 10 22 10

www.radiant-bellevue.fr

Le 6 octobre 2016 à 20 h 30

Durée : 1 h 5

De 13 € à 26 €

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