Mythos, le festival qui a la banane
Par Olivier Pansieri
Les Trois Coups
On ne présente plus « Mythos » aux Rennais, ce festival de la parole qui investit la ville avec ses 480 bénévoles et ses 70 spectacles devant plus de 50 000 spectateurs. Camille, Eddy de Pretto, Arthur H, Anne Sylvestre, mais aussi des gens moins connus, tous réunis pour célébrer le printemps du verbe. Où courir, où ne pas courir ?
D’abord un aveu, ma « sélection » doit plus au hasard et à mon ignorance qu’à une méthode quelconque, que les oubliés me pardonnent. Parmi ceux-ci, Feu ! Chatterton et Daara J Family qui, paraît-il, ont brûlé les planches. Personnellement, j’ai commencé avec le Québécois Fred Pellerin qui, en quelque sorte, ouvrait le bal avec son Village en trois dés, une fable gentiment anticléricale sur le vivre-ensemble, ponctuée de ballades accompagnées à la guitare, avec de faux airs de Dick Annegarn et une bonne humeur communicative.
Deux jours plus tard, dimanche, Anne Sylvestre. On est venu en famille et c’est très émouvant de voir trois générations de spectateurs sourire, émerveillés, aux envolées parfois fragiles de leur hirondelle. On en reconnaît certaines, d’autres ont l’air neuves parce qu’oubliées. « Quel bel endroit ! » lâche-t-elle en contemplant l’extraordinaire chapiteau qu’une brise parcourt d’un doux frisson.
Comme c’est bon de réentendre, même un peu bancals, ses poèmes. Il manque parfois un pied ou deux à ses pieds de nez, qu’importe. La mémoire les remplace et, comme le vent, reprend avec elle Flou, Elle f’sait la gueule, L’Honneur, ou Les Gens qui doutent, l’un de ses plus beaux textes. Longues ovations pour cette sale gosse incorrigible de 83 ans.
Camille, chamane de l’indicible
Détour par le chapiteau d’en face où des dizaines de chefs se relaient pour proposer dans leur « Cannibale Resto » des menus ébouriffants. N’ayant pas beaucoup de temps, j’ai opté pour une assiette froide : curry de légumes, graines de sésame, avocat, avec un petit Chardonnay. Mais on peut commander bien plus délirant (et hélas cher). Mention spéciale aux bénévoles qui se démènent comme des beaux diables et servent avec gentillesse.
Retour en face, où la scène est dans le noir, la salle pleine à craquer, 1500 spectateurs, debout et qui écoutent. Devant un énorme gong, un projecteur révèle une sorte de méduse qui semble respirer au rythme d’un tambour. Sous cette torche soyeuse, Camille, chamane de l’indicible.
Bête de scène qui fait l’ange, cette Boby Lapointe de la soul chauffe une salle comme personne. Dès les premières notes, l’émotion est là, « sous le sable ensevelie là » ; elle ne nous lâchera plus. Si c’est ça le « rap intello », vive Science-Po d’où viendrait cette comtesse aux pieds nus. Une « fille à papa », qui « ne mâche pas ses mots » – pour reprendre deux titres de son dernier album Ouï.
Lève-toi ! Lève-toi !
Superbes arrangements de Clément Ducol, qui est aux percussions. « Prendre ta douleur, lève-toi ! » nous exhorte la chanteuse dans un gospel repris par ses choristes Maddly Mendy-Sylva, Gisela Razanajatovo et Christelle Lassort. C’est tellement fort qu’on le fait, alors qu’on est déjà debout. On le fait, Ouï, pour écrire comme elle, on s’élève dans le ciel de toile rouge, littéralement aux anges.
Le temps d’une composition, martelée au clavier par Johan Dalgaard survolté, le frêle ludion s’est déjà changé en femme fatale tout de rouge vêtue, pour se lancer dans sa fausse comptine : Paris, tu paries Paris, que je te quitte. Bref, jamais là où on l’attend. Après un hommage à Higelin et un bis trop court, ayant « Tout dit » (titre du morceau), le petit cyclone salue dans un tonnerre d’applaudissements.
Place aux DJ qui, en clin d’œil, transforment l’endroit, comme tous les soirs, en discothèque. Le temps pour moi de rentrer écrire. ¶
Olivier Pansieri
Festival Mythos – 22ème édition, sous la direction de Mael Le Goff
Organisé par le Centre de Production des Paroles Contemporaines de Saint-Jacques-de-la-Lande
Jardins du Thabor/ Cabaret Botanique, Antipode MJC, Carré Sévigné, La Paillette, Le Grand Logis, Péniche-Spectacle, Pôle Sud, Salle Guy Ropartz, Théâtre de la Parcheminerie, Théâtre du Poche, Théâtre du Cercle, Théâtre du Vieux Saint-Étienne, Théâtre L’Aire Libre
Du vendredi 13 au dimanche 22 avril 2018
De 10 h 30 à 23 heures
Billetterie dans les jardins du Thabor / Entrée Saint-Mélaine à Rennes
De 4 à 15 €
Pass : de 25 à 119 €
Réservations : 02 99 79 00 11
Festival Mythos © Frédéric Lovino