Festival Vagamondes, 11e édition, Alsace

The-bacchae-elli-papakonstantinou © Alex-Kat

Décloisonner les genres

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Porté par La Filature, scène nationale de Mulhouse, Vagamondes commence aujourd’hui. Jusqu’au 31 mars, 12 spectacles, une exposition et une programmation cinéma explorent, cette année, la thématique du genre.

Les rencontres sont dans l’ADN de La Filature. L’existence de ce festival, dont c’est la 11e édition, en témoigne. Dans cette ville où cohabitent 135 nationalités différentes, réfléchir sur l’idée de frontières (géographiques, idéologiques, sociétales…) va presque de soi. Comme les territoires, les genres soulèvent des questions sur leur porosité, comme l’écrit dans son édito le directeur, Benoît André : « Les luttes menées depuis le XXe siècle pour affirmer la place des femmes, puis des personnes LGBTQIA+, ont donné naissance à des mouvements de pensée qui décalent l’approche essentiellement blanche, patriarcale et hétéro-normée du monde, ouvrant la voie à l’expression d’identités sexuelles et de genres pluriels. La nouvelle saison des Vagamondes propose d’observer ces mutations, en compagnonnage avec des artistes de tous genres pour nous guider », écrit.

Chaleur et dialogue

À la Filature, mais aussi dans les lieux partenaires (dont la Comédie de Colmar, le Théâtre La Coupole, à Saint-Louis, L’Espace 110, à Illzach), on prendra plaisir à vagabonder pour dépasser les visions simplistes, trop souvent sources de tensions. Construite avec la complicité du duo Superpartners (le photographe et metteur en scène SMITH, artiste-complice de La Filature, et la commissaire d’exposition et performeuse Nadège Piton), cette nouvelle édition invite en effet à sillonner des chemins de traverse inédits. Les inspirations sont multiples, depuis une plongée inédite aux sources antiques du théâtre (Euripide revisité par Elli Papakonstantinu), jusqu’à l’écriture dystopique d’Alain Damasio, en passant par les apports révolutionnaires des scènes trans. Des propositions éclectiques et colorées où s’hybrident intime et politique.

Pour autant, ce festival sans frontière invite des artistes, et pas des militants. Si certains mènent des combats, Vagamondes se veut fédérateur. Avec Roméo et Juliette Suite (L.A. Dance Project), Benjamin Millepied revisite l’histoire mythique de Shakespeare dans une version qui incarne toutes les formes d’amour possibles. Cette création mondiale devrait sensibiliser un large public. Le week-end d’ouverture, « pensé comme un organisme au cœur battant d’œuvres visuelles, de musiques, de performances et de danse », atteste aussi de la dimension festive souhaitée.

Dans la programmation générale, où se côtoient Jeanne Added, Olivier Letellier, Chloé Dabert, Jean-Claude Gallotta, pour les plus connus, signalons les reprises du succès de Johanny Bert : Hen (Théâtre de Romette) récit musical inspiré à la fois des cabarets berlinois des années 30 et des performances queer actuelles, où une diva, libre et exubérante, chante l’espoir et l’amour, accompagnée de deux musiciens (lire notre critique).

Territoires et libertés

Tandis que cette marionnette joue avec insolence et humour de sa virilité et de sa féminité, les personnages de Phia Ménard se métamorphosent de façon mystérieuse. Avec L’Après-midi d’un foehn et Vortex (cie Non Nova), la chorégraphe interroge nos relations aux éléments : jonglant avec l’air et jouant avec nos repères, entre danse, magie et arts plastiques, ces deux « Pièces du Vent » questionnent sur nos propres transformations (lire notre article).

Après-midi-dun-foehn © Jean-Luc Beaujault© Jean-Luc Beaujault
« L’Après-midi d’un foehn », Cie Non Nova © Jean-Luc Beaujault

Masculin / féminin, visible / invisible, humain / non-humain, terre / cosmos, rêve / réalité… Il s’agit bien de décloisonner pour explorer mutations et transitions à l’œuvre. Voilà de quoi remuer certains : « Ces artistes représentent des corps minoritaires, mais tout le monde est concerné », expliquait SMITH lors de la conférence de presse. « Ce travail de déconstruction contribue à débinariser le regard et permet d’appréhender le monde dans toute sa complexité ».

Déboussolés, ou pas, « vagamondons », alors ! Suivons ces nouvelles pistes, ces réjouissantes voies vers la liberté qui redessinent les cartographies ! 🔴

Léna Martinelli


Festival Vagamondes

11édition, du 17 au 31 mars 2023

Ouverture le 17 mars à 21 heures : concert de Jeanne Added et des performeurs Vikken et Franky Gogo du Vatican Soundsystem (tarif : de 16 € à 32 €), puis à partir de minuit, DJ set avec Claude-Emmanuelle Gajan-Maull (entrée libre)
Toute la programmation ici

De 6 € à 32 €
Pass Vagamondes : dès 3 spectacles, 15 € la place pour The Bacchae, Cabaret Le Secret (Cosmos), les Furtifs, le Firmament, Libre arbitre, Vortex, Hen, Natural Drama
Réservations : 03 89 36 28 28 ou en ligne

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