Focus Le Train Bleu,  « Le Boxeur invisible », cie Quatre vingt neuf, « Euphrate » Cie Artépo, Festival Off Avignon 2023

LE-BOXEUR-INVISIBLE-SECONDAIRE-4-©-LUCIE-GAUTRAIN

Plein la vie au Train Bleu !

Par Laura Plas
Les Trois Coups

Dans des genres très différents, « Euphrate » de la cie Artépo et « Le Boxeur invisible » de Sama Cie nous entraînent dans le tourbillon de la vie grâce au pouvoir des mots et aux talents des interprètes. Chemin de vie et conte d’amour y sont aussi des odes au théâtre.

Plonger ses racines, s’élancer vers l’avenir

Euphrate est une autofiction. Derrière le masque juvénile du personnage, on devine en effet celui de la comédienne Nil Bosca qui l’incarne avec fougue et générosité. Euphrate est aussi le nom d’un fleuve dans un pays que n’a jamais vu la jeune fille, pourtant le pays de son père. C’est un spectacle charmant qui nous fait partager le long chemin à parcourir pour enfin trouver une place à soi.

Le spectacle joue de la plus pure économie, artisanal de bout en bout. On a un portant, des jeux de lumières et surtout une comédienne qui se glisse avec joie dans la peau de toutes les figures colorées de cette histoire : des cousins généreux mais pleins de projets inquiétants, des figures généreuses de guide : une conseillère d’orientation, une psychologue. Une galerie piquante pour un spectacle que l’on peut sans problème voir en famille.

D’autant que le spectacle est aussi une déclaration d’amour pour le père, cet homme plein de finesse dont les réparties exhalent poésie et espoir fou pour son enfant, ce petit berger qui, refusant son destin, prit le large pour vivre en France en dépit de tous les obstacles. En anamorphose, nous devinons donc aussi la vie de cet homme qui, parmi tant d’autres exilés, font la beauté de notre pays.

Un fantôme rôde enfin, celui d’une femme qui est une actrice : Afifé Jale, la première femme musulmane à être montée sur scène en Turquie. Grâce à ce personnage surgi d’une salle obscure de musée, comme dans un récit fantastique, la partition s’étoffe. L’histoire devient récit d’apprentissage et découverte d’une vocation bien cachée.

© Tomas David

Suivant les tribulations d’Euphrate, les affres dans lesquelles son orientation la plonge, le spectacle parvient à toucher, sans en avoir l’air, à beaucoup de sujets : la transmission, l’angoisse de l’avenir, le regard porté sur l’étranger ou sur les femmes et en fin de course le bonheur de jouer. Celui-ci irradie et est contagieux. Un spectacle généreux.

Le délice des contes d’amour

Le Boxeur invisible : qu’on ne se fie pas au titre, assez énigmatique ; pas de ring ici, même si Juan reçoit des coups pour de vrai, et même si Clara encaisse aussi parfois. Le Boxeur invisible est un conte, archétypal et pur, rédigé dans la langue ciselée et exquise, propre au genre. Une princesse n’y transformera pas une grenouille en prince, mais brutale, demandera que son amoureux transi en sacrifie une sur l’autel de son amour : Elle, pas princesse, lui ,pas tellement héros, donc. Ainsi, le cliché a laissé place à de vraies belles figures.

Et globalement, on est saisi par la qualité et la poésie de l’écriture, tant dans le détail que dans la structure. Le conte, malin, ménage des instants de suspense où l’on retient son souffle, bouleverse parfois sa chronologie, sait aller à l’essentiel tout en faisant surgir le sentiment de vérité dans le détail. Ce n’est pas si fréquent d’être convaincu par une langue.

© Lucie Gautrain

Mais les interprètes semblent aussi taillés pour leur rôle. Lui, gringalet à talonnettes, trouve sa place face à une actrice grande, à la voix magnétique. C’est cette voix qui nous embarque aussitôt, se mêlant aux belles mélodies qu’égrène la pièce. Il suffit alors d’un rien pour que la magie opère : des pointes de couleurs dans des éléments de costumes et des accessoires, un jeu délicat de lumière.

Le vide du plateau, le jeu sur les archétypes laissent toute la place au récit et au jeu de qualité. Le quotidien y prend des allures d’épopée et comme dans cet épisode de La Promesse de l’aube de Romain Gary, où Valentine demande au jeune Romain de manger une chaussure, on perçoit la splendide folie de l’amour. Une belle promesse de théâtre tenue… et un coup de cœur. 🔴

Laura Plas


Euphrate, de la cie Artépo

Site de la compagnie
Texte, conception, interprétation : Nil Bosca
Collaboration à la mise en scène : Olivier Constant et Stanislas Roquette
Collaboration à l’écriture : Hassam Ghancy Alexe Poukine
Assistante à la mise en scène : Jeanne David
Regard chorégraphique : Chrystel Calvet
Durée : 1 h 10
Dès 12 ans

Théâtre du Train Bleu • 40, rue Paul Sain • 84000 Avignon
Du 7 au 26 juillet 2023 (sauf les 13 et 20), à 12 h 40
De 14 € à 20 €
Réservations : 04 90 82 39 06 ou en ligne
Dans le cadre du Festival Off Avignon, du 7 au 29 juillet 2023
Plus d’infos ici

Tournée ici :
• Le 15 au 17 septembre, festival Et pop au château, à Neubourg
• Du 6 au 19 novembre, Théâtre de la Cité internationale, à Paris

À découvrir sur Les Trois Coups :
Aux corps prochains, par Denis Guénoun et Stanislas Roquette, par Anne Losq

Le Boxeur invisible, de la cie Quatre vingt neuf

Dossier en ligne de la compagnie
Texte : Anna Bouguereau
Avec : Anna bouguereau et Jean-Baptiste Tur
Lumière : Valentin Paul et Jean-Baptiste Tur
Scénographie : Lucie Gautrain
Régie : Pierre Langlois
Durée : 1 h 05
Dès 12 ans
Teaser

Théâtre du Train Bleu • 40, rue Paul Sain • 84000 Avignon
Du 7 au 26 juillet 2023 (sauf les 13 et 20), à 12 h 40
De 14 € à 20 €
Réservations : 04 90 82 39 06 ou en ligne
Dans le cadre du Festival Off Avignon, du 7 au 29 juillet 2023
Plus d’infos ici

À découvrir sur Les Trois Coups :
Jusqu’ici tout va bien, collectif du Grand Cerf bleu, par Cédric Enjalbert

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