Un Gainsbourg fruité et léger
Par Céline Doukhan
Les Trois Coups
Les Gevrey-Chambertin reprennent Gainsbourg, potaches mais pas sans élégance.
Il y a à Avignon énormément de spectacles « basés sur », « clin d’œil à », « adaptés de » et autres resucées plus ou moins réussies. Celui-là se distingue par sa qualité propre et sa façon malicieuse et respectueuse à la fois de traiter son original. Une fois sorti de là, on a hâte d’écouter ou de réécouter Gainsbourg. Mais, pour une fois, cette envie n’est pas motivée, comme c’est hélas trop souvent le cas, par le sentiment que les adaptateurs ont failli d’une façon ou d’une autre. Non, là, la dégustation est simplement probante et donne envie d’en reprendre.
Une sobriété bienvenue est de mise dans ces reprises des chansons de Gainsbarre, plus particulièrement ses premières chansons : Elaeudanla Teitia, l’Eau à la bouche, Chez les yé‑yé… Zoon Besse en est un interprète au poil, avec sa voix veloutée et grave, sa gouaille intelligente et son humour au second degré. En l’écoutant, on entend d’abord le texte de Gainsbourg, ce qui est une vraie victoire, tant on voit de spectacles qui noient le texte au lieu de le mettre en valeur.
Cette réussite tient aussi à la qualité des arrangements, teintés de jazz, fruités et légers, ce qui ne veut pas dire sans consistance. Zoon Besse s’efface souvent pour laisser la musique musarder. Mais c’est un peu là où le bât blesse : car Pierre‑Marie Braye-Weppe, à la guitare et surtout au violon, se taille la part du lion tandis que les deux autres se partagent les miettes. Cela n’enlève rien à la qualité de ces parties instrumentales, mais l’impression d’un certain déséquilibre s’installe tout de même.
Parmi les meilleurs moments, on retiendra SS in Uruguay, dans lequel la litanie d’un Zoon Besse, coiffé pour l’occasion d’un panama, est ponctuée par le chœur suraigu des trois autres. L’effet comique est irrésistible. La reprise absurde, au premier degré de Sous le soleil exactement devrait aussi finir de vous dérider.
Alors, c’était le jour de la dernière. Peut-être pas le meilleur jour pour aller critiquer un spectacle ? Toujours est‑il que les quelques private jokes jetées çà et là ont dû laisser perplexe plus d’un spectateur et n’apportaient pas grand chose à l’affaire, comme de faire chanter, pas spécialement bien, un couplet de la Javanaise par les trois interprètes de l’Évasion de Kamo, autre spectacle présenté par la même compagnie. Il n’y a certes pas de quoi casser trois pattes à un canard, mais on a du mal à trouver sympathique que les gens d’une même compagnie se congratulent ainsi entre eux.
Enfin, il n’y a pas de quoi bouder son plaisir. Pas question de « mortel ennui » ici – même si l’introduction à cette chanson, avec les quatre musiciens avachis sur le plateau, est un peu téléphonée. Le tout est rythmé, vivant, sans chichis, et suggère l’univers de Gainsbourg sans tenter de l’imiter servilement. Cela fait plaisir à voir et surtout à entendre. ¶
Céline Doukhan
Gainsbourg moi non plus, par Gevrey‑Chambertin d’après Serge Gainsbourg
Cie Coup de poker • Mairie, 6, rue de l’Église • 77850 Héricy
06 33 30 00 81
Mise en scène : Guillaume Barbot
Avec : Zoon Besse, Dany Rizo, Pierre‑Marie Braye‑Weppe, Gaëtan Pantanella
Lumières : Timothée Horvais
Arrangements musicaux : Gevrey‑Chambertin
Théâtre des Béliers • 53, rue du Portail‑Magnanen • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 82 21 07
Du 8 au 31 juillet 2010 à 17 h 20
Durée : 1 h 10
17 € | 12 €
Tournée
- 23 septembre 2012 / Festival d’Arc‑les‑Gray – 70100
- 29 septembre 2012 / Chevrey‑Cossigny – 77173
- Du 16 novembre au 30 décembre 2012 tous les vendredi, samedi à 21 heures et dimanche à 17 heures / Théâtre de Belleville – Paris 75011
- 12 janvier 2013 à Rouillac – 16170
- 25 janvier 2013 / Salon‑de‑Provence – 13300
- 7 mars 2013 / Aoste – Italie