So british !
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
La pièce de Mary Chase, « Harvey », connue de tous outre-Manche mais peu jouée en France, vient d’être créée au TNP de Villeurbanne. À la hauteur des attentes, le spectacle a été reçu avec une ovation de dingues, grâce à Laurent Pelly, maître ès enchantements, sa traductrice Agathe Mélinand et une distribution épatante, autour du merveilleux Jacques Gamblin.
Harvey… Mais qui est Harvey ? L’ami (depuis toujours) de Elwood P. Dowd, un petit monsieur au-dessus de tout soupçon, soigné de sa personne, d’une politesse exquise d’un autre temps et so british, malgré ses origines américaines. Harvey est aussi et surtout un lapin assez particulier qui combine deux qualités antinomiques : il mesure presque deux mètres mais est invisible à tout autre qu’Elwood. Conte pour enfants ? Pas tout-à-fait, quoique Harvey ait tout du doudou.
Il est l’invité permanent de Elwood, unique héritier d’une grande maison où logent aussi sa sœur et sa nièce qui le trouvent bien encombrant et souhaiteraient se débarrasser du lapin qui entache leur réputation, les faisant passer pour une famille de fous. Puisque son frère a un grain, elles décident de faire soigner sa bizarrerie.
On était donc chez les fous au TNP pour la première nationale d’Harvey, avec les doux dingues, dans un hôpital psychiatrique qui n’aime pas les originaux, les rêveurs, les hors normes, peuplé de médecins prompts à user de l’aiguille, du bain glacé, de la camisole et d’infirmiers sadiques. Mais rien ne se passe comme prévu et voici la soeur internée. On s’aperçoit bientôt que tous, plus ou moins, parlent de Harvey comme s’il existait pour de bon ! Force comique du lapsus. Telle est la force de conviction d’Elwood, dont l’extrême gentillesse tient peut-être à son désir récurrent d’aller boire un verre chez Charlie. Les quiproquos s’enchaînent. Et les fous ne sont pas toujours ceux qu’on croit.
Un spectacle délicieux
Voilà les spectateurs embarqués avec délices dans une aventure sans queue ni tête, poétique et tendre. On était au pays d’Alice et de son lapin blanc, bien sûr, ou de Ionesco, ou d’Alphonse Allais. Mais on était aussi dans un livre d’images à la mode d’autrefois avec son décor pop-up signé de la scénographe Chantal Thomas. On a ri comme des fous, justement, puis on s’est laissé aller à l’émerveillement et au mystère distillés par un monsieur Hulot joué magistralement par un Jacques Gamblin lunaire. Fantastique acteur au corps en caoutchouc qu’on croirait sorti d’une BD, dont on ne sait jamais de quel côté il est, si ce n’est de celui des gentils qui n’ont jamais quitté l’enfance. Car il y a des méchants dans Harvey, qui vient à point nous rappeler, qu’à l’époque, on traitait plutôt brutalement et de façon expéditive la maladie mentale. Et aussi que Harvey n’est pas un conte pour enfants.
Mais comme on est dans un conte (nous n’en sommes plus à une contradiction près), tout finit par s’arranger ! À mettre au crédit de cette très belle réalisation, soulignons évidemment un texte formidable de drôlerie et de profondeur, la traduction efficace d’Agathe Mélinand et une très belle distribution autour de Jacques Gamblin. Tout est réglé au cordeau par Laurent Pelly, comme d’habitude. Ça fait du bien, c’est si rare, des moments pareils. ¶
Trina Mounier
Harvey, de Mary Chase
Traduction : Agathe Mélinand
La pièce est publiée par L’Avant-Scène Théâtre
Mise en scène : Laurent Pelly
Avec : Jacques Gamblin, Pierre Aussedat, Christine Brücher, Thomas Condemine, Emmanuel Daumas, Grégory Faive, Katell Jan, Agathe Lhuillier, Lydie Pruvot, Kevin Sinesi en alternance avec Sven Nardone
Scénographie : Chantal Thomas
Lumière : Joël Adam
Son : Alice Loustalot
Costumes : Laurent Pelly et Jean-Jacques Delmotte
Durée : 1 h 50
TNP Villeurbanne • 8 place Lazare Goujon • 69100 Villeurbanne
Du 1er au 10 octobre 2021, du mardi au samedi à 20 heures, sauf jeudi 19 h 30, dimanche à 16 heures, relâche le lundi
Billetterie en ligne ici
De 7 € à 25 €
Tournée :
- Le 7 janvier 2022, L’Odyssée, à Périgueux
- Les 12 et 13 janvier, MAC, Créteil
- Du 18 au 22 janvier, Théâtre Montansier, à Versailles
- Le 28 janvier, Théâtre de St-Germain-en-Laye,
- Le 2 février, Théâtre de Gascogne, à Mont-de-Marsan
- Le 4 février, L’Olympia, à Arcachon
- Le 8 mars, L’Avant-Seine, Colombes
- Les 10 et 11 mars, Théâtre Jean Vilar, à Suresnes
- Du 17 mars au 1er avril, CADO, à Orléans
À découvrir sur Les Trois Coups
☛ Le Songe d’une nuit d’été, par Laurent Pelly par Lorène de Bonnay
☛ La Cantatrice chauve, de Ionesco par Bénédicte Soula
2 réponses
« une pièce jamais jouée en France » ?!
Représentation : Paris (France) : Théâtre Antoine – 19-10-1950
Contributeurs : Version française et mise en scène de Marcel Achard ; pièce en 3 actes et 5 tableaux de Mary Chase ; décors d’Emile et Jean Bertin ; costumes de madame Carven ; avec Fernand Gravey (Alfred Bart), Jacques Baumer (Professeur Guillaumin), Jane MarKen (Hortense Simon)…[et al.]
Note : Notice réd. d’après un programme de la Coll. Rondel Rsupp 2981
Distribution : Interprété aussi par Catherine Damet (Monique Simon), André Versini (Dr Charles Maubant), Pierre Mondy (Camille Bordenave)…
Autre forme du nom : Harvey
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Les Trois Coups