« Inuk », création collective de l’Unijambiste, Théâtre Nouvelle Génération à Lyon

Inuk © David Moreau

Glacial

Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups

La compagnie L’Unijambiste présente aux jeunes spectateurs « Inuk », voyage scénique au pays des derniers Inuits, programmé par Théâtre Nouvelle Génération à Lyon.

Le projet de cette création se veut ambitieux. David Gauchard, le metteur en scène et scénographe, vise à « chercher un équilibre entre l’onirisme du Grand Nord et la réalité contemporaine ». Il emploie comme matériau les notes d’un voyage de quinze jours à l’extrême pointe septentrionale du Québec effectué par lui-même et son équipe. C’est donc, comme autant d’instantanés, un livre d’images qu’il déploie sur le plateau. Sans véritable progression dramatique, une à une, les pages sont tournées. Pêche sur la banquise, rencontre entre oiseau et visiteur, chasse à l’orignal, apparitions de l’ours, marche forcée contre le blizzard, jeux traditionnels inuits sur la glace, projection de Nanouk l’Esquimau, de Robert Flaherty, construction d’un igloo… les « diapos » se succèdent. Gauchard utilise pour ce faire les moyens modernes des nouvelles technologies : vidéo, beatbox, laser, artifices et azote liquide. Inuk aligne dans une esthétique glacée – sans jeu de mots – une version actualisée de ce qu’on appelle encore parfois aujourd’hui une conférence Connaissance du monde.

Dramaturgie surgelée

Pour mener à bien son travail dramaturgique, l’équipe artistique s’impose des choix drastiques. Pas de fable, pas de personnages, à peine quelques situations esquissées. Réduits à l’état de types, les protagonistes se contentent d’afficher une série de plans-images, certes très soignés sur le plan formel, mais où les corps et les voix sont au propre comme au figuré presque constamment figés. Quelques brefs mouvements, des interventions vocales amplifiées, des parcours géométriques systématiques dans l’espace bâtissent de façon redondante un univers déshumanisé. Le déroulement du spectacle, c’est le cas de le dire, semble pris dans les glaces. On s’ennuie assez vite aussi à cause de la répétitivité des projections visuelles. Seuls les multiples effets technologiques brisent la lassitude. Ils fascinent momentanément les spectateurs, mais n’apportent pas plus sur le fond qu’un tour de magie réussi.

David Gauchard et ses camarades ont avec Inuk le généreux désir d’alerter les gens sur l’extinction possible du peuple inuit et de sa culture, mais également sur les dangers de l’évolution climatique menaçant la banquise arctique et sa faune terrestre et marine. Message indispensable. Encore faudrait-il avoir trouvé les moyens efficaces de le faire entendre. Diffusé en voix off, accompagné d’un système de surtitrage en langue française ou inuit, ou interprété vocalement avec l’aide d’une boîte à rythmes, ce même message énonce une suite de lieux communs plaqués sur un environnement scénique pauvre en émotions. Il en découle une lourdeur didactique, dont les artistes semblent se méfier. Avant le début de la représentation, une personne est venue expliquer au public que même si l’on ne parvient pas à lire les surtitres, même si l’on ne comprend pas la langue utilisée, cela n’a pas d’importance. Curieuse manière d’assumer le discours, au demeurant très politiquement correct, que véhicule le spectacle.

On quitte Inuk profondément déçu. L’hybridité artistique tant revendiquée par un certain nombre d’artistes fait ici l’impasse du théâtre. Le contenu abordé était-il trop humain pour qu’on le bride dans le carcan attrayant des nouvelles machines ? Malgré un travail esthétique très soigné, une rigueur absolue dans l’exécution des partis pris et une impeccable maîtrise des effets techniques, Inuk est pour le théâtre ce que la cuisine moléculaire est pour la gastronomie : un ersatz séduisant mais glacial. 

Michel Dieuaide


Inuk, création collective de L’Unijambiste

Mise en scène et scénographie : David Gauchard

Avec : Emmanuelle Hiron, Nicolas Petisoff et L.O.S.

Avec la participation de : Julie Lalande

Texte et musique : Arm

Vidéo et graphisme : David Moreau

Lumière : Claire Debar-Capdevielle et Mika Cousin

Son : Klaus Löhmann

Photos : © David Moreau et Dan Ramaën

Direction technique : Christophe Rouffy

Décors : Ateliers du Théâtre de l’Union, C.D.N. du Limousin

Réalisation de l’inukshuk : Raphaël Thébault, Opus décor

Exposition photos : Dan Ramaën

Administration et production : Pierre Ménasché, Maud Renard, Agathe Jeanneau

Diffusion : La Magnanerie, Julie Comte et Victor Leclère

Production : L’Unijambiste

Coproduction : espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie, espace Jean-Legendre, scène nationale de l’Oise en préfiguration, Théâtre de Villefranche-sur-Saône, Théâtre de l’Union, C.D.N. du Limousin, Festival des Francophonies en Limousin, La Filature, scène nationale de Mulhouse, Maison des arts, scène nationale de Créteil et du Val-de-Marne, Le Grand Bleu à Lille, Théâtre Olympia, centre dramatique régional de Tours

Avec le soutien de l’Institut français et de la région Limousin

Théâtre Nouvelle Génération, 23, rue de Bourgogne • C.P. 518 • 69257 Lyon cedex 09

www.tng-lyon.fr

Courriel : billetterie@tng-lyon.fr

Réservations : 04 72 53 15 15, du lundi au vendredi de 10 h 30 à 12 heures et de 14 heures à 19 heures

Représentations : le 3 octobre 2015 à 20 heures, le 4 octobre 2015 à 16 heures, les 5 et 6 octobre 2015 à 10 heures et 14 h 30, le 7 octobre 2015 à 10 heures et 15 heures

Durée : 1 heure

Tarifs : de 18 € à 7 €

Tournée :

  • 13 octobre 2015, Aubusson scène nationale
  • 16 octobre 2015, Festival Marmaille, Rennes / Le Grand Logis à Bruz
  • 6 et 7 novembre 2015, Théâtre de l’Olivier à Istres
  • 3 et 4 décembre 2015, Le Canal à Redon
  • 6 et 7 décembre 2015, L’Arc à Rezé
  • 10-12 décembre 2015, La Filature à Mulhouse *
  • 16-19 décembre 2015, Le Grand Bleu à Lille *
  • 7 et 8 janvier 2016, espace Jean-Legendre à Compiègne *
  • 11-13 janvier 2016, Théâtres en Dracénie à Draguignan
  • 20-22 janvier 2016, Maison des arts de Créteil *
  • 31 janvier et 1er février 2016, Festival Momix à Kingersheim
  • 4-6 février 2016, MA scène nationale à Montbéliard
  • 11, 12, 15 février 2016, L’Hexagone à Meylan
  • 14-18 mars 2016, espace Malraux à Chambéry *
  • 24 mars 2016, L’ARC, Le Creusot
  • 31 mars et 1er avril 2016, L’Échappé à Sorbiers
  • 7-9 avril 2016, Théâtre de Villefranche *
  • 26-29 avril 2016, Théâtre Olympia, C.D.R. de Tours *
  • 17-22 mai 2016, Am Stram Gram à Genève

(* coproducteurs)

À propos de l'auteur

Une réponse

  1. Bonsoir Mr Dieuaide,
    Merci tout d’abord d’être venu voir notre travail et d’en avoir exprimé ici votre avis subjectif. Je tenais en quelques mots vous dire, quand vous écrivez ce passage : « Avant le début de la représentation, une personne est venue expliquer au public que même si l’on ne parvient pas à lire les surtitres, même si l’on ne comprend pas la langue utilisée, cela n’a pas d’importance… » que cette prise de parole n’est en aucun cas de mon initiative et que bien évidement la place de la langue dans ce spectacle est primordiale surtout lorsque l’on parle d’acculturation.

    Ce spectacle a été imaginé tout public à partir de 7 ans.
    Cela ne se reproduira plus lors des prochaines représentations.

    Cordialement.

    David Gauchard

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