« Irrépressible » de Kevin Keiss et « On dit que Josepha » de Gwendoline Soublin, Théâtre de l’Élysée à Lyon

« On dit que Josepha » © Michel Cavalca

Acte(s) II

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Au printemps a eu lieu le festival En Acte(s), porté par une jeune équipe enthousiaste et ambitieuse, regroupée autour du comédien Maxime Mansion. Une contrainte : donner la parole à de jeunes auteurs et travailler sur des textes inédits ! Le Théâtre de l’Élysée reprend deux des spectacles présentés durant le festival.

L’édition 2018 d’En Acte(s) s’est achevé en mars dernier. Mais le Théâtre de l’Élysée programme deux des spectacles qui la composaient : Irrépressible de Kevin Keiss, dans une mise en scène de Baptiste Guiton, et On dit que Josepha de Gwendoline Soublin, monté par Philippe Mangenot. Pourtant parfaitement interprétés, tous deux illustrent combien une petite forme – surtout une petite forme – exige un texte consistant.

Sidérante Savary

Kevin Keiss annonce vouloir parler des addictions, dans Irrépressible. Il précise avoir travaillé avec une chercheuse, spécialiste du sujet. On pouvait craindre un texte abstrait, tentant de faire le tour de la question. L’auteur ne tombe pas dans ce panneau, fort heureusement.

Il entreprend plutôt d’évoquer la question à travers l’histoire d’une rupture amoureuse, racontée dans la colère et les larmes par une jeune femme laissée-pour-compte. Elle ne comprend ni ce qui lui arrive ni en quoi elle a démérité. Juliette Savary, qui l’incarne, est sidérante d’énergie. Elle seule pourrait suffire au spectacle, tant elle prend de place… Marine aussi, son personnage, qui parle trop, pleure trop, braille trop, en fait trop !

Nicolas Mollard (l’ami) et Antoine Truchi (l’amant) interprètent avec justesse les deux hommes dépassés de cette histoire. Ce dernier assure fort joliment l’accompagnement musical à la guitare. Baptiste Guiton sait diriger des comédiens.

Mais pourquoi l’auteur ajoute-t-il des couplets décalés sur la pesanteur sociale et les pressions familiales (elle est pharmacienne, fille de pharmaciens dans une petite ville de province) ? Pourquoi n’en reste-t-il pas à cette unité d’action qui assure la cohérence de l’ensemble ? Ramené à quarante minutes au lieu de cinquante, le spectacle aurait gagné en puissance.

« Irrépressible » © Michel Cavalca
« Irrépressible » © Michel Cavalca

Souvenez-vous de Gwendoline Soublin

Sans doute une écriture de plateau est-elle plus pertinente, pour ce genre de petite forme. C’est du moins le choix de l’autrice, Gwendoline Soublin, et du metteur en scène, Philippe Mangenot. Ils ont pris apparemment beaucoup de plaisir à travailler ensemble : une osmose naît de ce spectacle fluide, jeune et dynamique.

L’histoire met en scène quatre adolescents désœuvrés. Ils s’ennuient ferme sur un parking de supermarché, le seul endroit où il se passe quelque chose, où ils peuvent critiquer, railler, taquiner le bourgeois et se sentir ainsi au-dessus du lot. Le texte, écrit d’une seule traite, sans véritable dialogue, est dit à la manière d’un oratorio. Chacun prend la parole à son tour et ce mouvement casse l’aspect lisse et maîtrisé du spectacle.

Ces quatre jeunes gens, interprétés avec brio par Simon Alopé, Laura Barida, Johan Boutin et Mathilde Saillant, investissent tout l’espace de l’Élysée. Ils jaillissent des recoins, se hèlent du balcon, rigolent tant et plus jusqu’à ce que l’un d’entre eux évoque une inquiétante vieillarde, Josepha, à laquelle la rumeur prête de troubles pensées et de sombres desseins. Les frissons alors gagnent la bande des quatre… Plongée dans un polar où le crime est imaginaire et l’assassin improbable.

Mais l’essentiel est ailleurs, dans la transformation de ces jeunes pas très futés qui se mettent à inventer une fiction, à la vivre même, faisant ensemble un théâtre qui les fait grandir. Philippe Mangenot assure la mise en scène impeccable de cette très jolie fable, de même qu’il dirige ses acteurs feux follets avec doigté. Rappelons-nous le nom de cette jeune autrice, Gwendoline Soublin. Elle ira loin ! 

Trina Mounier


Irrépressible, de Kevin Keiss
Mise en scène : Baptiste Guiton
Avec : Nicolas Mollard, Juliette Savary, Antoine Truchi

On dit que Josepha, de Gwendoline Soublin
Mise en scène : Philippe Mangenot
Avec : Simon Alopé, Laura Barida, Johanne Boutin, Mathilde Saillant

Théâtre de l’Elysée • 14, rue Basse-Combalot • 69007 Lyon

Réservations : 04 78 58 88 25

Du 20 au 22 septembre à 19h30, le 23 à 17 heures

À partir de 10€


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