« L’Heureux Stratagème », de Marivaux, Théâtre Édouard-VII à Paris

« l’Heureux Stratagème » au Théâtre Edouard-VII © Bernard Richebé

Un Marivaux vaudevillesque

Par Maxime Grandgeorge
Les Trois Coups 
 
Transposée par Ladislas Chollat dans les Années folles, la comédie de Marivaux se transforme en un vaudeville énergique et moderne, mené tambour battant par Éric Elmosnino et Sylvie Testud.

Cela faisait quelques temps que l’Heureux Stratagème n’avait plus la cote sur les scènes parisiennes. Et voilà que cette comédie acide de Marivaux se retrouve simultanément sur les planches de deux théâtres ! Au Vieux-Colombier, dans la mise en scène dépouillée d’Emmanuel Daumas avec les comédiens du Français, et au Théâtre Édouard-VII, dans la version moderne de Ladislas Chollat.

Délaissés par leurs amants respectifs, récemment tombés dans les bras l’un de l’autre, Dorante et la Marquise échafaudent un stratagème – dont le titre laisse espérer l’heureux dénouement – pour récupérer leurs volages compagnons. Feignant de s’aimer follement afin d’éveiller la jalousie de la Comtesse et du Chevalier gascon, ils mettent sens dessus dessous les affaires de cœur de leurs valets. Une intrigue typique des comédies légères du XVIIIème siècle derrière laquelle se cache une réflexion acide sur l’inconstance de l’amour et la vanité des amants.

La mise en scène plutôt moderne de Ladislas Chollat a des airs de vaudeville. Il transpose l’intrigue de Marivaux dans les Années folles. Les maîtres deviennent des gentlemen en smoking, les maîtresses des femmes élégantes en robes de soirée, les valets des majordomes à fines moustaches ou des grooms. Les personnages évoluent dans un décor élégant : une terrasse pleine de charme – mais aux murs gagnés par la rouille – bordée par un escalier en pierre. Leurs intrigues amoureuses sont accompagnées par une bande-son mêlant musique d’ambiance jazzy et musique typique des romances hollywoodiennes des années 1930.

« l’Heureux Stratagème » au Théâtre Edouard VII © Bernard Richebé
« l’Heureux Stratagème » au Théâtre Edouard-VII © Bernard Richebé

Marivaux vs. Scarface

La direction d’acteurs de Ladislas Chollat donne un certain coup de jeune à la pièce de Marivaux, n’hésitant pas à tourner en ridicule les personnages, quitte à flirter avec la caricature. Un peu poussif, Éric Elmosnino interprète un Dorante nigaud et pleurnichard qui offre un festival de soupirs et de plaintes. Sylvie Testud transforme la Comtesse en une petite peste méchamment moderne, énergique et hypocrite avec sa voix légèrement rauque.

Suzanne Clément incarne une Marquise élégante et séductrice à l’allure de femme fatale. Jérome Robart interprète un Chevalier particulièrement succulent. Son accent du sud, ses cheveux gominés et son costume blanc trois pièces semblent tout droit sortis d’un film de mafieux, inspirés par Tony Montana (Scarface) et Vito Corleone (Le Parrain) !

Simon Thomas incarne un Arlequin malicieux face à Roxane Duran, Lisette bécasse et gnangnan, au timbre de voix volontairement agaçant. Florent Hill est assez naturel dans le rôle moqueur de Frontin, quoique son jeu est un peu moins relevé que celui deux autres valets. Le casting est complété par Jean-Yves Roan, alias Blaise, paysan rustre et simplet à l’accent prononcé, ce qui ne facilite pas toujours la compréhension du texte.

On rit, mais un peu moins fort que Dorante et la Marquise, bien contents de la farce qu’ils jouent à leurs conjoints volages. Ce qui ne nous empêche pas de passer un moment sympathique aux côtés de comédiens dynamiques. Ils font redécouvrir la langue élégante, caustique et pleine d’esprit de Marivaux.

Maxime Grandgeorge


l’Heureux Stratagème de Marivaux

Mise en scène : Ladislas Chollat

Avec : Éric Elmosnino, Sylvie Testud, Suzanne Clément, Jérome Robart, Jean-Yves Roan, Simon Thomas, Roxane Duran et Florent Hill

Photo © Bernard Richebé

Théâtre Edouard-VII • 10, place Edouard-VII • 75 009 Paris

Jusqu’au 11 janvier 2020

Durée : 1h50 sans entracte

De 15 € à 65 €

Réservations : 01 53 20 84 42


À découvrir sur Les Trois Coups :

La Dame de chez Maxim, de Feydeau, par Léa Martinelli

Le Malade imaginaire, de Molière, par Maxime Grandgeorge

Le Jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux, par Bénédicte Fantin

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