Sacrée Leïla !
Léna Martinelli
Les Trois Coups
À la Manufacture, on a découvert le premier spectacle d’une artiste hors norme, Leïla Martial. Dans cette performance décalée, le burlesque côtoie le tragique. Décidément, cette chanteuse « laisse cent voix ».
À la fois cantatrice lyrique soprano, vocaliste de jazz, clown-enfant, Leïla Martial a de nombreuses facettes.Avant tout, c’est une exceptionnelle musicienne, improvisatrice hors pair. Elle a d’abord évolué dans le jazz, où elle a pu expérimenter à tout-va, dès son plus jeune âge puisqu’elle intègre le collège de Marciac comme interne.
Ensuite, nourrie de ses voyages chez les Tziganes ou les Pygmées, elle crée son propre langage, une exploration tous azimuts de sons bizarres et des capacités incroyables de sa voix. Virtuose, elle sait tout faire, y compris le chant de gorge inuit. Elle est d’ailleurs lauréate de nombreux prix.
Artiste très haut perchée
Polyglotte, Leïla Martial conjugue effectivement avec brio ses propres compositions et des arrangements de pièces classiques ou baroques, où se mêlent chant, musique assistée par ordinateur, piano-toy, sifflet à coulisse et autres incongruités : « Ma voix est un archipel. J’y ai tous les âges, j’y parle toutes les langues et y raconte des histoires sans paroles. Théâtre vibratoire, pont entre le silence et le cri, la solitude et le multiple, le mourant et le nouveau-né. La voix se fait en chantant. Alors je chante pour voir. Mais que voix-je ? ».
La voici donc sur scène à partager ses découvertes, à exposer l’étendue de son talent. Si son travail s’enracine dans la musique, il est libre et transversal. L’occasion de nous plonger dans la magie des mots, des styles, des imaginaires. Quelle fantaisie !
Dans sa robe de nymphe et sa couronne embroussaillée, l’artiste enchaîne bourdes et maladresse, de façon parfois un peu laborieuse (c’est assumé), inventant ses rituels, le tout ponctué par des anecdotes sur le « play bach », l’accordage des instruments et autres sujets pris à la volée. Leïla Martial est prête à tout afin de (r)éveiller les esprits. La figure de clown, auquel elle s’est formée, permet l’excès, au-delà de l’excès. La spontanéité l’emporte sur la narration. Le spectacle est foutraque, mais pétri d’humanité et d’énergie positive.
Jubilatoire ?
Résolument kitch, la mise en scène enchaîne bouffonnades, effets « waouh », pensées métaphysiques et révoltes sensibles. Diva décalée, DJ déjantée, créature espiègle, elle sait jouer de toutes les émotions. Aussi poignante qu’extravagante, elle nous fait passer du rire aux larmes. Quand elle interprète Bach au goulot d’une mignonnette, c’est pour célébrer l’enfant qu’elle n’aura pas. Entre pieds de nez à la perdition et remèdes à la mélancolie, elle interprète les chants de douleur de façon sublime, sonde de vastes territoires intérieurs. Mais c’est déjà fini ! Telle une nomade, elle part explorer de nouvelles contrées, se connecter avec d’autres âmes.
Leïla accomplit un joli tour de force : rendre le désespoir joyeux. Toutefois, ce sont ses fragilités qui nous touchent le plus. Leïla, come Bach !
Léna Martinelli
Jubilä, de Leïla Martial
Site de l’artiste
Diffusion : Mascaret Production
Scénographie : Ben Farey
Costumes : Pauline Kocher
Régie son : Alexandre Verbièse
Régie lumière : Adrian Incardona-Noguera
Dès 12 ans
Durée : 1 h 15
La Manufacture • 2, rue des Écoles • 84000 Avignon
Du 4 au 21 juillet (sauf les 10 et 17), à 15 h 20
De 10 € à 20 €
Réservations : en ligne ou au 04 90 85 12 71
Dans le cadre du Festival Avignon Off, du 3 au 21 juillet 2024
Tournée ici :
• Le 17 juillet, dans le cadre du Festival Contre courant, Île de la Barthelasse, à Avignon
• Le 17 août, dans le cadre du festival de Malguenac
• Le 19 septembre, dans le cadre du Chainon manquant, à Laval
• Le 13 décembre, Espace Germinal, à Fosses
• Du 15 au 20 décembre, L’Estive, scène nationale, à Foix
• Le 4 février 2025, L’Avant-Scène, à Cognac
• Le 27 février, Carré d’argent, à Pont-Château
• Le 1er mars, Les Bains-Douches, à Lignières-en-Berry
• Le 8 mars, Quai des Arts, à Pornichet
• Le 13 mars, Le Canal, à Redon
• Le 14 mars, La Ville Rovert, à Pordic
• Le 15 mars, Le Family, à Landerneau
• Le 16 mars, L’Estrel, à Guidel
• Le 23 mars, Théâtre de Saint-Malo
• Le 25 mars, La Barcarolle, à Saint-Omer
• Du 4 au 12 avril, Le Parvis, scène nationale Tarbes Pyrénées, en partenariat, avec les communes de Séméac, Bagnères-de-Bigorre, Saint-Lary-Soulan et la Maison du Parc National et de la Vallée à Luz-Saint-Sauveur, Jazz Pyr’, le Centre Culturel Maison du Savoir à Saint-Laurent-de-Neste, le Cinéma Le Lalanno à Lalanne-Trie, le Centre Culturel Albert Camus à Séméac, l’Université technologique Tarbes Occitanie Pyrénées
• Le 17 mai, Espace des Arts, scène nationale de Chalon-sur-Saône
• Le 27 mai, L’Agora, à Boulazac
• Du 3 au 14 juin, Théâtre Silvia Monfort, à Paris
Photos : © Jeff Humbert