Devrait nous toucher
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
L’affiche de ce spectacle au titre prosaïque (et énigmatique en même temps) est distinguée : le poète Jean‑Pierre Siméon, habitué à écrire sur et pour la scène, un compositeur prestigieux, Yves Prin, à la conception musicale, une comédienne de grande renommée doublée d’une cantatrice, Dominique Michel, et son alter ego Thierry Revassard, pianiste international et chef de chant. Pour les mettre en harmonie, Olivier Balazuc à la mise en scène. Cela promettait donc une œuvre d’art proche de la perfection. Ils s’en approchèrent sans jamais l’atteindre ou peut-être trop…
Voici en effet un texte subtil et délicat, intelligent, brillant parfois, drôle souvent, qui nous parle d’amour. Plus exactement, une femme seule en scène, toute de noir vêtue, parle d’amour à ce qu’il reste de son amour maintenant que la voici revenue après les obsèques de son compagnon avec cette urne dérisoire et encombrante. Cette vulgaire boîte sera tout le long du spectacle à la fois l’objet d’un long monologue et l’unique interlocuteur désormais, en même temps que le témoin qu’une vie est passée. Elle est seule dorénavant.
L’une des forces de ce texte qui le fait échapper à la pure poésie pour entrer en matière théâtrale tient à ce qu’il est à la fois monologue et dialogue. En nous montrant cette femme se parlant à elle-même, ou parlant au disparu comme s’il était là, ou encore invectivant cette boîte dont la vraie place est si problématique à trouver, l’auteur insuffle du mouvement, du rythme, de la vie dans ce qui pourrait n’être qu’un banal one woman show. Et la comédienne Dominique Michel se prête avec beaucoup de fantaisie à ce jeu plein de nuances, faisant preuve de toutes les facettes d’art qu’elle maîtrise jusque dans leurs moindres détails. Qu’elle chuchote et on l’entend à l’autre bout de la salle (ce qui n’est, hélas, pas souvent le cas aujourd’hui…), qu’elle rie et son air malicieux emporte le spectateur, qu’elle se fâche contre ces embarrassantes cendres et cette insolence incongrue nous amuse, qu’elle chante et l’air nous enchante. Ces variations nous font entrer dans l’intimité d’un couple dont l’un a disparu et suivre cette femme pleine de vie dans le retour au monde comme si elle refaisait surface.
Mise en boîte… à musique
L’une des réussites de ce spectacle tient à la mise en scène d’Olivier Balazuc. Il a su faire entrer le théâtre dans un texte qui aurait pu n’être qu’une succession de souvenirs sous forme de monologue. Il donne aussi une part égale à la musique, ou plutôt au musicien qui, quoiqu’en partie dissimulé (mais dévoilé aussi) au public par un rideau transparent et par des éclairages que le metteur en scène signe également, tient un rôle qui est tout sauf muet. Qui est‑il, ce pianiste ? Les notes de piano accompagnent, soulignent, mais surtout répondent véritablement, comme une seconde voix. C’est encore Olivier Balazuc qui a pensé le jeu de miroirs qui dédoublent ou mettent en perspective ce qui se passe sur le plateau.
Alors d’où vient qu’on ne soit jamais ému durant un spectacle qui devrait toucher la sensibilité du spectateur ? Sans doute d’un jeu parfois trop théâtral de la comédienne et aussi du sentiment que tout est trop impeccable, trop figé pour que l’on soit atteint. Après tout, cette histoire d’une femme qui a manifestement aimé son compagnon, sans sombrer dans le mélo, devrait nous toucher : tout dans le texte dit la longue familiarité, la confiance, l’amour qui les a unis. Une petite fêlure, une fragilité, un quelconque désordre aurait été bienvenu. Il ne manque pas grand-chose… ¶
Trina Mounier
la Boîte, de Jean‑Pierre Siméon
Le texte est publié chez les Solitaires intempestifs
1, rue Gay‑Lussac • 25000 Besançon
Tél. 03 81 81 00 22
Mise en scène : Olivier Balazuc
Avec : Dominique Michel (comédienne), Thierry Ravassard (musicien)
Musique : Yves Prin
Scénographie : Olivier Balazuc et Fanny Laplane
Image vidéo : Antoine Legond
Lumières : Olivier Balazuc et Manon Geffroy
Ingénieur du son : Frédéric Prin
Régie générale : Manon Geffroy
Avec la participation artistique de l’Ensemble In&Out
Photo : © Michel Cavalca
Coproduction : Cie RL, Théâtre national populaire
Production déléguée : Cie RL
Ce spectacle bénéficie du soutien de Beaumarchais-S.A.C.D. et du Fonds pour la création musicale
La Cie RL est subventionnée par le ministère de la Culture (Drac Île‑de‑France) et par la région Île‑de‑France
Théâtre national populaire • 8, place Lazare‑Goujon • 69100 Villeurbanne
04 79 03 30 00
Du 2 au 10 novembre 2016 à 20 h 30
Durée : 1 h 10
De 9 € à 25 €
2 réponses
Siméon est omniprésent. Poète parfois inspiré il est surtout poète officiel à Villeurbanne au tnp on croit rêver. Evidemment on programme ses textes: on n’est jamais aussi bien servi que par soi même. Publié aux solitaires intempestifs c’est une blague? si y’en a bien un qui n’est ni solitaire ni intempestif c’est bien lui ^^
le texte est publié aux solitaires intempestifs !