Le théâtre de la vie
Par Éric Demey
Les Trois Coups
Après la littérature, la télé, les arts plastiques, le théâtre aussi devait bien y venir. À l’intime, au récit de vie, au substrat autobiographique pris comme matière première du spectacle. Dans « la Chose », Laurence Pollet‑Villard fait le récit de sa traversée de la maladie.
En 2003, Laurence Pollet‑Villard apprend qu’elle est atteinte du cancer. Le pire peut-être que redoutent les femmes, celui qui s’attaque à leur féminité, celui qui broie leur futur de mère : le cancer des ovaires. En 2003, Laurence Pollet‑Villard n’a que 33 ans. Une fille, un compagnon. Mais la première question qu’elle se pose quand elle apprend la nouvelle, c’est : « pourquoi moi ? ». Comment mieux dire son sentiment d’injustice ?
C’est l’auteur elle-même qui raconte sa traversée de la maladie. Avant, elle n’était « que » comédienne. Voir cette jeune femme jolie, fragile, gracile, petite souris souriante qui raconte sans voile comment le cancer lui a fait perdre ses cheveux et lui a laissé sur le ventre une cicatrice de 26 cm de long, suscite forcément l’empathie. C’est le principe du récit de vie : ce qui se passe est vrai. Et le théâtre renforce parfaitement cet effet puisqu’il pose devant le spectateur celle qui a souffert. Fût-elle guérie aujourd’hui.
La mise en scène est simple : un petit salon, une table basse, une chaise. Assise sur celle-ci, comme si elle nous recevait chez elle, Laurence égrène les pages du journal de sa maladie, feuilles volantes imprimées qu’elle laisse s’échapper une à une après les avoir évoquées. La comédienne a choisi de privilégier l’intime. Elle s’adresse donc aux spectateurs, à chacun. Ses regards et ses sourires se posent, s’attardent, cherchent à tisser un véritable lien, à briser la distance. Dans ce cadre, l’utilisation – discrète – de la vidéo n’est pas très convaincante.
Le récit est linéaire, donc. Il suit les étapes de la maladie : l’alerte, le diagnostic, l’opération, la chimio, les chimios. Et l’attente : l’attente d’aller mieux, l’attente de trouver des réponses. Et l’impatience surtout de pouvoir un jour tourner la page. De se dire que c’est fini.
Le récit est pudique et se méfie du pathos. Laurence Pollet‑Villard a choisi de rester à la surface. Elle effleure la détresse, glisse sur l’évolution de ses relations familiales, amicales, professionnelles. Elle relate des faits surtout, avec une légèreté qui laisse entrevoir sa souffrance. Avec nous, elle pousse la porte de l’hôpital et nous promène dans les couloirs avec ses interrogations et ses espoirs.
C’est peut-être là la limite de son travail. Le mot est juste, l’émotion plaisante, le rythme maîtrisé ; la compassion affleure sans cesse, mais le témoignage peine à ouvrir des horizons sur ce que c’est que de combattre à 33 ans un cancer des ovaires. Laurence Pollet‑Villard avait mille bonnes raisons de vouloir que son monologue garde une tonalité légère, qu’il ne s’adonne pas à l’exhibitionnisme et au registre trash ou larmoyant. L’auteur, la comédienne et le personnage restent en suspension, tout en suggestion. C’est pourquoi le spectacle m’a laissé un goût d’inachevé. Faute de vision réellement forte, je suis reparti sans en savoir davantage sur ce que c’est que le cancer, sans être véritablement ému, sans avoir interrogé la vision que je pouvais avoir de la maladie. Je n’ai pas réfléchi, je n’ai pas été remué, je n’ai pas appris grand-chose. Le témoignage était touchant et juste. J’en aurais cependant attendu davantage. ¶
Éric Demey
la Chose, de Laurence Pollet‑Villard
Théâtre des Chimères, les « Découvertes » • 75, avenue du Maréchal‑Juin • 64200 Biarritz
05 59 41 18 19
Mise en scène : Jean‑Marie Broucaret
Avec : Laurence Pollet‑Villard
Conception vidéo : Olivier Lécot, Pascal Provot, Manu Turlet
Réalisation sonore : Philippe Grivel (studio Orlando)
Photographie : Guy Labadens
T.N.T.-Manufacture de chaussures • 226, boulevard Albert‑Ier • 33800 Bordeaux
05 56 85 82 81
Le 8 janvier 2008 à 20 h 30
Durée : 1 heure
Tarif unique : 10 €