Copi, toujours
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Même s’il écrivit nombre de romans et de pièces de théâtre, on se souvient surtout de Copi comme le dessinateur de « la Femme assise ». Pierre Maillet met en scène de manière éblouissante Marilú Marini qui fait revivre ce personnage décalé.
La Femme assise, c’était cette petite bonne femme au gros nez qui ne voulait pas bouger de sa chaise pour ne pas prendre de risques. Elle dialoguait, le plus souvent avec un poulet (le volatile) ou un petit monsieur, parfois toute seule. La rêveuse qu’incarne Marilú Marini, elle, choisit un beau matin de refuser la tyrannie des horloges, de les jeter par la fenêtre pour échapper à l’infernal recommencement de la vaisselle et du ménage. Dès lors, elle va vivre sa vie fantasmée, enchaînant les incohérences selon le rythme des associations qui peuplent les rêves. Il faut dire, par exemple, que des parachutistes tombent des arbres et que certains sont très entreprenants !
Cette pièce étonnante est couplée avec d’autres dont le Río de la Plata, ce qui nous permet de rappeler ici que Copi était argentin, ce qui rime avec fantaisie débridée, mépris de la vraisemblance et goût pour le mauvais goût. Le montage de Pierre Maillet est étourdissant, joyeux, surréaliste, amusant, déjanté, un vrai feu d’artifice. Du pur Copi. Il fallait une comédienne capable de composer toute une galerie de personnages imaginaires, de raconter des histoires invraisemblables, de sauter du coq à l’âne, de peupler le plateau de fantômes nés de son imagination que tour à tour elle invective ou tente de charmer, qui lui font peur, avec lesquels elle joue, entraînant avec elle dans ce voyage au pays de l’absurde un public ravi. Qui mieux que Marilú Marini pouvait interpréter ce rôle, elle qui créa celui de la Femme assise à Buenos Aires, sous la direction d’Alfredo Arias il y a trente ans ? Elle, amie de Copi, argentine comme lui et comme lui allergique au tiède, au mou, au bon ton, etc.
Les mille métamorphoses de Marilú Marini
Sur le plateau de la Célestine, elle commence par un numéro de grimaces, ronflements et autres borborygmes en complet décalage avec sa réputation de grande dame : ennui d’une vie où s’enchaînent inlassablement vaisselle et ménage… Tenir plusieurs minutes à faire des singeries et des bruits de corps de garde, faut déjà oser ! Elle changera sans cesse de registre, faisant preuve d’une palette de jeu à l’étendue remarquable, suscitant souvent, avec le rire, l’émotion tant elle devient vivante, tant elle donne corps à ces folies sorties de son imagination. C’est aussi qu’elle se transforme à certains moments en Copi lui-même, ou sa maman (celle de Copi), qu’elle se magnifie en robe du soir argentée avec paillettes et froufrous. Son alter ego, virtuose au piano, lui donne parfois la réplique, mais se laisse le plus souvent rabrouer. En un éclair, ce sont les souvenirs de Copi qui envahissent la scène, on oublie la Femme assise pour se rappeler le poète insolent et fougueux, le météore brillant et provocateur… Un pur moment de bonheur porté par une mise en scène intelligente et sensible de Pierre Maillet. ¶
Trina Mounier
la Journée d’une rêveuse [et autres moments], d’après la Journée d’une rêveuse et Río de la Plata de Copi
Mise en scène : Pierre Maillet
Avec : Marilú Marini, Lawrence Lehérissey (piano)
Adaptation : Pierre Maillet
Créateur son : Manu Léonard
Créateur lumière : Bruno Marsol
Créateur costumes : Raoul Fernandez
Photo : © Tristan Jeanne‑Valès
Production : Comédie de Caen-C.D.N. de Normandie
Avec le soutien du Théâtre des Lucioles à Rennes
Les Célestins • 4, rue Charles Dullin • 69002 Lyon
Tél. 04 72 77 40 00
Du 18 au 28 novembre 2015 à 20 h 30 sauf les dimanche 22 et lundi 23
Durée : 1 h 30