La mère gronde
Par Léna Martinelli
Les Trois Coups
Récit initiatique d’une jeune fille qui cherche à se détacher de l’emprise maternelle, « la Mère à boire » est la troisième pièce d’Élisa Ruschke, jeune auteure, metteure en scène et interprète. Une tragi-comédie remarquable qui peut aider à renouer le dialogue.
En pleine tempête, Symphonie croit bien couler. Sa mère vient de demander aux services sociaux de s’occuper d’elle. Ces deux-là sont au bord de la rupture et sur le point de larguer les amarres. Symphonie porte le nom d’une passion, celle de sa mère, un personnage haut en couleurs, diva de pacotille, bref une catastrophe ambulante qui n’a pu vivre ses rêves. Adolescente rebelle, Symphonie souhaite, elle, de la normalité, du calme, pour vivre et créer, pour chanter et rire avec sa copine Charlotte. Alors, comment s’affranchir des frustrations de ses parents ?
On trouve les héroïnes dans des situations quotidiennes, autant de scènes aux dialogues savoureux, entourées de personnages loufoques : un professeur de mathématique ringard, une infirmière délirante, un médecin névrosé et Pistache, le chat révolutionnaire de Symphonie, maltraité par sa mère et accusé de tous les maux. Leurs relations ne sont donc pas dénuées de piquant, car chacune subit l’autre, à chaque heure, chaque minute de sa vie.La collaboratrice artistique Léa Girardet précise : c’est une « traversée vers l’âge adulte où l’amour immense ne suffit pas à contenir le ressac, où le pardon ponctue, malgré tout, les marées ».
Humour et tendresse
Qui est l’adulte et qui est l’enfant ? C’est avec humour et tendresse qu’Élisa Ruschke évoque les relations familiales à problèmes et ce moment si particulier : l’affirmation de soi. Symphonie n’a pas choisi ses parents, mais elle veut avoir prise sur son destin. Toutefois, pour y arriver, elle ne tuera pas sa mère. Elle en fera une chanson. Celle-ci ouvre le spectacle, comme une magnifique déclaration d’amour (très beau slam).
D’ailleurs, la musique a une grande importance. L’univers oscille entre acoustique et électro. Le fond sonore est omniprésent. Puisant dans tous les registres, y compris poétique, le spectacle touche infiniment. Déjà, face à l’omniprésence d’une mère, il y a l’absence d’un père. Ensuite, chaque personnage est pétri de contradictions.
Les interprètes la jouent fine. La mère, sorte de sorcière et de clown réunis, est loin de la fée dont rêve la jeune fille. Elle est une ogresse parfaite qui joue sur le burlesque, comme les autres d’ailleurs. Et tous sont dans le tempo, sur une scène de plus en encombrée, au fur et à mesure qu’apparaissent les névroses maternelles. Enfin, le montage des scènes est particulièrement réussi ainsi que la mise en scène, jouant bien sur les contrastes : absence / présence, vide / plein, sucré / salé, tragédie / comédie.
Prometteuse, la maquette vue dans le cadre du festival Petits et Grands augure d’un spectacle de haute tenue, qui devrait trouver sa place dans les programmations de nombreux théâtres. Car il y a de quoi s’émouvoir et rêver, réfléchir et favoriser la circulation de la parole entre parents et adolescents, à une période cruciale de la vie. ¶
Léna Martinelli
la Mer à boire, de la Corde Rêve
Texte et mis en scène : Élisa Ruschke
Avec : Nelly Antignac, Michael Delis, Léa Girardet, Élisa Ruschke et Lucas Gonzalez (musicien)
Collaboratrice artistique : Léa Girardet
Créatrice lumière : Julie Lorant
Le Grand T • 84, rue du Général Buat • 44000 Nantes
Dans le cadre de Petits et Grands, festival jeune public de 6 mois à 12 ans
Du 29 mars au 30 mars 2017
Réservations : 02 18 46 04 60
Tarif unique (quel que soit l’âge ou le spectacle) : 4 €
Durée : 1 h 15
Tout public, à partir de 12 ans
Teaser ici