« La Tournée », de Caroline Melon, projet itinérant de la Paperie, centre national des arts de la rue et de l’espace public, en Loire-Atlantique

© La Paperie, centre national des arts de la rue et de l'espace public – Angers

La Paperie : inventer une trace commune

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Le Centre national des arts de la rue et de l’espace public a le vent en poupe. À son actif : l’invention d’écritures et un maillage du territoire construit au fil du temps, à travers d’ingénieux dispositifs de mise en réseau.

Quand Éric Aubry, le directeur de la Paperie, et son équipe ne posent pas leurs valises dans la cité, au milieu des barres d’immeubles, ils sillonnent la campagne grâce à des tournées et à des T.E.R. ; non pas avec les trains régionaux de la S.N.C.F., mais avec des caravanes rouges rutilantes pour des « territoires en résidence », mêlant collectivités locales, associations et habitants.

Cet opérateur culturel en mange des kilomètres, de Montmirail (72) à La Tranche-sur-Mer (85), de Saint-Nazaire (44) à Fontevraud (49), en passant par Coëvrons (53). Mais la visite de ces territoires vise à un transport bien particulier, celui des émotions procurées par la culture et la réflexion collective, facteurs d’émancipation. Face aux machines divertissantes, la Paperie propose un travail de fourmi, souvent sur la durée, qui privilégie l’intime au spectaculaire.

« La Tournée » par De chair et d'os, à Derval © La Paperie, centre national des arts de la rue et de l'espace public – Angers
« La Tournée » par De chair et d’os, à Derval © La Paperie, centre national des arts de la rue et de l’espace public – Angers

Convivialité et créativité

Éric Aubry définit sa structure comme « un laboratoire du quotidien ». « Notre porte d’entrée est territoriale. Notre but, au travers de nombreux dispositifs de rencontres, est de révéler par l’acte artistique le quotidien de chacun, aux yeux de chacun » affirme-t-il. « Nous creusons la pensée des habitants pour trouver un fil, une idée. » Ainsi, des ateliers d’écriture, des films, des performances permettent aux habitants de redécouvrir leur quartier,comme à Monplaisir, au nord d’Angers, et parfois de révéler des talents. Récemment, une réflexion menée sur l’identité culturelle a aussi relié trois villages du bord de Loire, Charcé-Saint-Ellier-sur-Aubance, Saint-Saturnin et Saint-Sulpice.

La Paperie est à l’endroit de l’expérimentation et du défrichage. Arpenteur, Éric Aubry est aussi chercheur dans l’âme – il parle de « recherche-action » –, avec une démarche quasi scientifique, dont les champs sont pluridisciplinaires, de la sociologie à l’anthropologie, en passant par l’art, bien sûr. Sa démarche procède en plusieurs étapes : définition d’une problématique, investigation (phase sensible et documentaire), mise en place d’un protocole et propositions (création, activation). Son leitmotiv : comment faire ensemble ?

Il troque volontiers sa voiture contre son vélo, toujours dans le coffre. C’est plus facile pour emprunter les chemins de traverse. Outre une diffusion élargie, notamment vers le périurbain ou les territoires ruraux, la démocratisation culturelle prend ici tout son sens : « Faire avec et pour les gens, placer des habitants au cœur d’une démarche artistique accessible à tous » permet de toucher des personnes a priori non réceptives. D’ailleurs, à « diffusion », Éric préfère le terme d’« infusion » (du verbe infuser : mettre en relation pendant un temps deux éléments pour que l’un interagisse avec l’autre).

« La Tournée » par De chair et d'os © Caroline Melon
« La Tournée » par De chair et d’os © Caroline Melon

Arpenteur, chercheur, curateur, passeur

Parmi les derniers projets de la Paperie : la Tournée. En 2016, la communauté de communes Châteaubriant-Derval (44) a fait appel à son équipe pour organiser une résidence d’éducation artistique et culturelle. Une rencontre avec les habitants a été inventée, au fur et à mesure de son déroulement, en dialogue permanent avec l’espace public : « L’idée trouvée fut celle de l’itinérance. Je me rappelle mes vacances chez ma grand-mère. Je me rappelle le bruit du klaxon de l’ambulant qui arrive. Je me rappelle ces temps de partage avec le commerçant, les habitants. »

Il a ensuite été passé commande à Caroline Melon, qui a conçu la Tournée. Ensemble, une auteure, un scénographe, une designer culinaire et un graphiste ont inventé un mythe : « Il était une fois un pain d’ici, un pain du secteur de Derval, un pain inventé 
par les habitants d’ici. Un pain qui raconte qui on est ici. Pas ostentatoire, pas racoleur, un pain qui dit ce que nous sommes et comment la société des hommes peut être belle quand elle crée du lien, quand elle chérit son voisin et se raconte entre copains. »

La caravane est le lieu de l’échange autour des savoir-faire locaux et des histoires, celles collectées dans les écoles ou dans les médiathèques, par exemple, et celles qui s’écrivent au cours du projet. Dans le moment privilégié de la rencontre, tout semble possible : prendre le temps, créer ensemble. Ainsi, tout le processus fait œuvre, mêlant production, diffusion et action culturelle.

© Caroline Melon
© Caroline Melon

Après les ateliers et l’itinérance, une restitution est prévue : la Dernière Fournée. Mais l’histoire devrait continuer de s’écrire, toujours à plusieurs mains, car, au-delà de ces mois intenses, on espère bien que la trace laissée perdurera longtemps. Grâce à l’immersion de ces artistes, ces projets apportent un regard utile sur le territoire, un regard sensible. De quoi se laisser traverser et inventer une trace commune. 

Léna Martinelli


La Tournée, de Caroline Melon

Compagnie De chair et d’os

Conception et écriture : Caroline Melon


Mise en œuvre : Jonathan Macias et Caroline Melon


Scénographie : Jonathan Macias


Design culinaire : Julie Rothhahn


Graphisme : Franck Tallon, avec la participation de Magali Julien, Marion Noguès, Ramon Ortiz de Urbina, Myriam Pasco

Photos : © La Paperie © Caroline Melon

La Paperie, centre national des arts de la rue et de l’espace public – Angers • 61-63, rue de la Paperie • 49124 Saint-Barthélemy-d’Anjou

Du 22 novembre 2016 au 24 juin 2017, dans les communes de Derval, Jans, Lusanger, Marsac-sur-Don, Mouais, Saint-Vincent-des-Landes, Sion-les-Mines (44)

Renseignements : 07 81 70 29 93

Tout public • Gratuit

Pour suivre le carnet de bord de la caravane ☛

Tournée :

– Jeudi 22 juin : de 10 heures à 13 heures à Mouais (en face de la Mouai’tte rieuse) • de 15 heures à 18 heures, à Lusanger (place de l’église) • à 19 heures, apéro à Lusanger (à l’entrée du Vieux Bourg – D39 en direction de Mouais / Sion-les-Mines)

– Vendredi 23 juin : de 10 heures à 13 heures, à Saint-Vincent-des-Landes (à côté de la médiathèque) • de 16 heures à 18 h 30, à Marsac (devant le bar)

– Samedi 24 juin : de 9 h 30 à 12 h 30 à Derval (sur le marché)

– Dimanche 25 juin, La Dernière Fournée à l’étang de la Roche à Marsac-sur-Don : de 11 heures à 12 heures, apéro offert • de 12 heures à 14 heures, pique-nique partagé • de 14 heures à 16 heures : ateliers, jeux, sieste, promenade autour du lac • de 16 heures à 18 heures : goûter partagé

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