Trente ans d’option théâtre, et après ?
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Les Trois Coups
Suite à la rencontre publique du 26 janvier 2016 autour de l’avenir de l’option théâtre en lycée, nous vous invitons à soutenir l’appel ci-dessous en le signant sur www.lappeldesaintetienne.fr.
En 1986, les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale s’associaient pour mettre en œuvre un dispositif pédagogique innovant : les premières « options théâtre » dans les lycées. Après quelques expériences pionnières, ce projet s’est progressivement étendu sur l’ensemble du territoire : dans près de 120 villes, près de 140 lycées concernés, des milliers d’élèves impliqués.
Trente ans plus tard, où en sommes-nous ?
Élèves, parents, artistes intervenants, enseignants, responsables culturels, élus… tous ceux qui ont vécu ces aventures en reconnaissent largement les acquis : une expérience personnelle et collective incomparable, qui va bien au-delà de la seule acquisition des connaissances et des compétences ; une façon vivante de lier l’expérience artistique (comme acteur et comme spectateur), les éclairages théoriques et la réflexion partagée au sein d’un groupe ; un espace d’expression où l’imaginaire, le corps, l’intuition et l’intelligence sensible s’accordent pour permettre une découverte intime des œuvres, de la langue, de soi-même et des autres ; bref, une expérience irremplaçable où « Jouer la vie apprend à vivre » 1.
En matière pédagogique et culturelle, la particularité de l’enseignement du théâtre c’est d’abord le partenariat entre les professionnels de l’art et de la culture et ceux de l’éducation. Les expériences d’enseignement partagées entre tous (élèves, artistes, enseignants) ont provoqué partout le goût de la coopération et du dépassement, la curiosité et la créativité. La mise en œuvre d’une pédagogie de la création vise ainsi à la réalisation de projets toujours singuliers en lien avec l’environnement artistique des établissements. C’est enfin « l’école du spectateur », des démarches nouvelles permettant aux élèves de s’ouvrir aux formes les plus inattendues et les plus aventureuses de la création, portant aussi bien sur les œuvres du répertoire que sur les écritures contemporaines et les auteurs vivants.
Faut-il aujourd’hui abandonner ces acquis et ces ambitions ?
Au fil du temps, sous les contraintes administratives, la spécialité « théâtre » a perdu son encadrement pluridisciplinaire d’origine, avec le risque de ne devenir qu’une sorte d’annexe des lettres. Parce qu’elles ne sont pas suffisamment reconnues et considérées comme un facteur de renouveau pédagogique, parce que les évaluations comptables ou statistiques l’emportent trop souvent sur les évaluations qualitatives, parce que les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale ne travaillent plus suffisamment ensemble… les « options théâtre », dans leur diversité, se trouvent aujourd’hui fragilisées, voire menacées par les difficultés de recrutement que la nouvelle réforme des lycées engendre.
Cet affaiblissement apparaît incompréhensible dans le contexte des politiques culturelles et éducatives qui fait de la jeunesse en général, et de l’éducation artistique et culturelle en particulier, une priorité nationale sans cesse réaffirmée. Or, l’enseignement exigeant du théâtre a toujours permis aux élèves de vivre intensément. Les graves évènements qui troublent aujourd’hui la société appellent l’école à ce travail résolu sur le sens de la vie en commun : la citoyenneté, le civisme, l’engagement, par des dispositifs permettant la connaissance réelle de soi et des autres. Il ne s’agit donc pas seulement d’enseigner le théâtre, mais bien d’enseigner le monde à travers une expérience théâtrale, poétique et sensible qui relie, sans artifice, des champs de la connaissance trop souvent séparés : histoire, économie, langues et littérature, sciences, techniques, sports, philosophie…
Voilà pourquoi nous appelons non seulement à garantir l’avenir des enseignements artistiques existants mais encore à réfléchir sérieusement à une extension ambitieuse.
Tout élève, quelle que soit sa future orientation professionnelle ou universitaire, doit pouvoir faire le choix de suivre au lycée un enseignement artistique de spécialité, comptant pour sa réussite au baccalauréat et sa future orientation. Les nouvelles options doivent aider à repenser la temporalité des enseignements en favorisant les regroupements horaires et les décloisonnements. Elles doivent être un outil de cohésion et de partage au sein des établissements afin de sensibiliser tous les élèves à la création artistique, sous des formes sans cesse réinventées.
Il est donc urgent de favoriser en priorité un intense travail de formations conjointes des enseignants et des partenaires culturels au niveau national et régional pour développer les partenariats artistiques. Il est tout aussi important de renforcer la production d’outils pédagogiques au service du plus grand nombre, conçus conjointement et soutenus par les deux ministères.
Les Trois Coups
- Pour reprendre la belle expression du grand comédien Philippe Avron.
Cet Appel de Saint-Étienne, lancé dans l’un des premiers lieux où sont nées les premières options théâtre, est aujourd’hui un acte de confiance collective dans l’avenir des élèves et dans une possible rénovation scolaire.
Ses signataires demandent publiquement aux autorités que tout soit fait pour écrire ensemble une nouvelle page ambitieuse de l’éducation artistique dans notre pays.
Premiers signataires :
- Jack Lang – président de l’Institut du monde arabe, ancien ministre de la Culture et de l’Éducation nationale, aux origines de l’option
- Arnaud Meunier – metteur en scène, directeur de la Comédie de Saint-Étienne et de son École supérieure d’art dramatique
- Emmanuel Demarcy-Mota – metteur en scène, directeur du Théâtre de la Ville à Paris et président de l’ANRAT (Association nationale de recherche et d’action théâtrale)
- Jean-Claude Lallias – membre d’honneur de l’ANRAT, professeur agrégé, conseiller Théâtre, délégation aux Arts et à la Culture de Canopé
- Richard Brunel – metteur en scène, directeur de la Comédie de Valence, ancien élève d’option
- Philippe Minyana – auteur, un artiste aux origines de l’option
- Marie Stutz – directrice de l’ANRAT
- Michel Bastrenta – délégué académique aux arts et à la culture de l’académie de Lyon, ancien chef d’établissement d’option de spécialité théâtre (lycée Saint-Exupéry, 69)
- Catherine Ailloud-Nicolas – universitaire, dramaturge et maître de conférences (université Lyon‑I)
- Claire Lemetre – sociologue et maître de conférences (université Paris‑VIII Saint-Denis)
- Vincent Dedienne – comédien, ancien élève d’option
- Michèle Picard – professeur aux origines de l’option (lycée Simone‑Weil, 42)
- Dany Porché – professeur aux origines de l’option (lycée Douanier‑Rousseau, 53)
- Louise Blachère – comédienne et ancienne élève d’option
- Stéphane Derbekian – professeur de lettres et théâtre (lycée Albert‑Camus, 42)
- David Rignaud – professeur de lettres et théâtre (lycée Parc‑Chabrières, 69)
- Dominique Chanal – professeur de lettres et théâtre (lycée Albert‑Camus, 42)
- Martine Dal Zotto – professeur de lettres et théâtre (lycée Simone‑Weil, 42)
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