Un « Avare » généreux
Par Laura Plas
Les Trois Coups
La compagnie Alain-Bertrand propose un « Avare » nourri de commedia dell’arte. Un vrai travail de troupe, servi dans l’ensemble par de bons comédiens, même si on regrette quelques facilités.
Enfin un rayon de soleil sur Avignon ! Rien de tel alors qu’un spectacle en plein air sous les branches d’un arbre centenaire, rien de tel qu’un détour par la cour du Barouf, ce paradis de la commedia dell’arte. Bien évidemment, Plaute et Goldoni en sont d’illustres invités, mais Molière y a aussi ses entrées puisque Alain Bertrand nous y présente un Avare à sa manière.
Ce qui prévaut dans cette proposition, c’est le jeu. Pas de lumières en plein jour évidemment, mais pas de décor non plus (si ce n’est une table et une chaise) et si peu d’accessoires. Tout repose donc sur les comédiens. Par leurs allées et venues bondissantes, ils suggèrent les lieux. Ils changent de personnage grâce à des travestissements d’autant plus amusants qu’ils sont patents. Enfin, ils assument des rôles à contre-emploi. Ainsi, Raphaël Goyon et Angélique Andréaz, qui n’ont plus tout à fait l’âge des jeunes premiers qu’ils campent (Cléante et Marianne), parviennent-ils cependant à composer ces personnages grâce à leurs mimiques et à leurs postures.
L’œil du peintre, l’art du musicien
Ajoutons que cette troupe-là est pleine d’entrain, de générosité. Elle joue, mais elle chante aussi. C’est d’ailleurs l’une des plus jolies trouvailles de mise en scène que ces intermèdes : le travail de Cécile Boucris est gracieux. Les morceaux sont bien choisis, bien interprétés, et surtout ils mettent en évidence la cohésion de la troupe. Or, cette dernière est bien un des atouts de la pièce. C’est quand la toute petite scène du Barouf s’emplit que l’on admire les plus riches trouvailles de mises en scène. On sent qu’Alain Bertrand a l’œil alors d’un peintre. Il organise des oppositions, symétries signifiantes.
Certes, on a bien aussi de beaux duos et duels, tel celui qui oppose Harpagon à Frosine (la pétulante Christelle Gracia), mais on perçoit mieux aussi les quelques défauts d’interprétation (texte dit trop vite ou malmené, petits systématismes), les facilités (clins d’œil plus ou moins réussis à l’actualité, gestes déplacés). Heureusement que, encore et toujours, l’héritage de la commedia apporte verve et piquant. De même, on admire certaines idées de mise en scène comme une ponctuation sonore amusante et pertinente qu’on vous laisse découvrir. On rit donc (ou l’on sourit). Parents et enfants partagent un bon moment.
En définitive, cet Avare-là est bien un spectacle bon enfant, familial. On n’y trouvera pas de noirceur philosophique, de lecture sociale ou politique, même si le personnage de Valère campé avec finesse par Clément Joubert laisse planer une intéressante inquiétude. En revanche, on verra tout ce Molière doit aux Italiens, et ce n’est pas rien. ¶
Laura Plas
L’Avare, de Molière
Cie Alain-Bertrand • 2, place Vaucanson • 38000 Grenoble
04 76 44 32 13
Courriel : cie.ab@freesbee.fr
Adaptation : Carlo Boso et Alain Bertrand
Mise en scène : Alain Bertrand
Collaboration à la mise en scène : Carlo Boso
Assistante à la mise en scène : Cécile Boucris
Avec : Angélique Andréaz ou Cécile Boucris, Charlotte Avias, Alain Bertrand, Philippe Codorniu, Christelle Garcia, Raphaël Goyon, Clément Joubert
Direction des chants : Cécile Boucris
Direction des instruments : Raphaël Goyon
Costumes : Héloïse Calmet
Pantomime : Hélène Serrat
Musique : Clément Jannequin, Jean-Philippe Rameau, Dietrich Buxtehude
Lumières : Gaspard Mouillo
Cour du Barouf • 7 bis, rue Pasteur • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 82 15 98
Courriel de réservation : lacourdubarouf@aliceadsl.fr
Du 5 au 18 juillet 2014 à 18 heures
Durée : 1 h 30
17 € | 12 € (carte Off) | 8 € (enfants)
À partir de 6 ans