« le 20 Novembre », de Lars Norén, les Ateliers à Lyon

le 20 Novembre © David Anémian

Chronique d’une violence ordinaire

Par Élise Ternat
Les Trois Coups

Deux ans après la mise en scène de « Froid », Simon Delétang se confronte une nouvelle fois au style acerbe et sombre de l’écrivain scandinave Lars Norén. Avec la mise en scène du texte « le 20 Novembre », il nous livre ces jours-ci au Théâtre les Ateliers une pièce juste et incisive.

Le 20 Novembre s’inspire d’un fait-divers, ce fameux jour de 2006 où Sebastian Brosse, lycéen d’un établissement de la ville allemande d’Emsdetten, perd la vie, à défaut de l’ôter à d’autres comme il l’avait pourtant prémédité. Une des bombes qu’il prévoyait de jeter dans son lycée se déclenche accidentellement sur lui, et le jeune garçon meurt. C’est à partir du journal intime de ce dernier que Lars Norén restitue cette rageuse détermination qui précède et annonce l’exécution, l’incroyable désir de vengeance de celui que, à croire trop hâtivement bourreau, on découvre victime.

Le dispositif scénique, pour commencer, nécessite à lui seul qu’on s’y arrête, tant il témoigne de l’ingéniosité de Daniel Fayet. D’emblée, on se retrouve pris à partie dans ce douloureux face-à-face, otage de la dangereuse souffrance de Sebastian. En effet, la scénographie consiste en une inversion totale du rapport scène-salle : les spectateurs se retrouvent sur scène alors que le comédien est assis au milieu des fauteuils. Ainsi dominé, le public est comme pris au piège. Au-dessus, des tables et chaises de lycée, suspendus au plafond auréolé d’un rectangle de lumière blanche. Cette blancheur clinique, on la retrouve dans l’espace angulaire et froid dessiné autour du comédien. Diverses sonorités disséminées ici et là rappellent des bruits de craie au tableau, des ambiances mélancoliques de berceuse.

Un système de conformisme, de diktat et de norme

Tout au long de la pièce, le public assiste, comme médusé par sa propre impuissance, à ce qui s’apparente à un déversoir de souffrance, un étrange mélange de lucidité et d’humiliation. Responsables, les spectateurs sont ceux à qui s’adresse Sebastian, comme autant d’oreilles abasourdies devant les propos du garçon, qui dénonce un système de conformisme, de diktat et de norme. La parole de Sebastian est frontale, elle se fait dure, sensible et violente à la fois. Mathieu Besnier nous livre ici une vraie performance d’acteur, notamment dans la justesse du ton employé. Le physique « adulescent » du comédien contribue à donner de l’épaisseur à un Sebastian que l’on sent déterminé et fragile. Derrière le réalisme et la clairvoyance, la colère est là, faussement froide et distante. Elle transpire une détresse qui empêche tout manichéisme. Sebastian est un être totalement détruit, il dit être un perdant, anéanti par la faute des autres.

Cependant, on garde quelques réserves à propos de certains choix de mise en scène dans la montée en puissance de la pièce : costume grandiloquent, riffs de guitare tonitruants, musique agressive. Spectaculaires, les ailes figurant des armes à feu, à défaut de véritablement restituer la violence, ont tout de même pour mérite de mettre en exergue l’intensité du désir de vengeance du garçon. Ici, Sebastian, kamikaze de sa propre cause, revêt les attributs (mitraillettes, cagoule et masque) d’un ange de la mort, au sens propre comme figuré.

Cette dernière mise en scène de Simon Delétang s’apparente à une réussite. Le 20 Novembre restitue avec pertinence la charge dramatique de ce qui demeure un fait-divers : la mort d’un perdant, dont l’origine n’est autre que cette si redoutable violence ordinaire. 

Élise Ternat


le 20 Novembre, de Lars Norén

Mise en scène : Simon Delétang

Traduction : Katrin Ahlgren

L’Arche est agent théâtral et éditeur du texte représenté

Avec : Mathieu Besnier

Scénographie : Daniel Fayet

Lumières : Thomas Chazalon

Son : Nicolas Lespagnol‑Rizzi

Photo : © David Anémian

Production : Théâtre les Ateliers

Les Ateliers • 5, rue du Petit-David • 69002 Lyon

Réservations : 04 78 37 46 30

Du 9 au 25 novembre 2010 à 20 heures

Durée : 50 minutes

20 € | 18 € | 14 € | 10 €

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