On kiffe, à quelques poils près
Par Sylvie Beurtheret
Les Trois Coups
Quand trois champions de slam débarquent au Rond-Point, qu’est-ce que ça donne ? Un ovni poético pas banal, vaguement théâtral, ni rasoir ni complètement au poil. On dit quand même « moustaches gracias » !
Tant pis si j’ rame, j’ vais tenter d’faire un slam
C’est bien plus glam
Pour vous causer m’ssieurs-dames
De ces trois mousquetaires à moustaches
Qui dégainent avec force panache
D’ la poésie taillée à la hache
Qui attache et arrache
Se mâche et se crache
De la prose pas morose
Qui ose
Des pots-pourris, des pots aux roses
Des embardées échevelées
De l’oral musical, des pirouettes buccales
Et de l’humour à deux balles
De la rime qui frime
De la stance en transe
Du verlan de jouvence
Et des vers qui balancent
Bon ! Il faut que ça se sache
Ces comédiens jongleurs et versificateurs
Ces slameurs rapeurs et improvisateurs
Loin d’être des taches
Sont des profanateurs du Parnasse
Qui à eux trois ont la grande classe
Bienvenue au Grandiloquent Moustache Poésie Club !
Pas de décors, pas d’accessoires
Ces p’ tits jouisseurs de joutes oratoires
Bougent leur corps, bougent leur corps
Comme un ressort
Et sous l’ironique bannière
De leurs fiers poils sous l’ blair
Traquent le mot qui claque
Théâtralisent, maîtrisent, parfois s’enlisent
Nous enivrant le plus souvent
Nous défrisant de temps en temps
Mais qui sont-ils voyons
Ces trois sexy couillons, façon Monty Python
Qui pratiquent à l’unisson
La dérision et la rupture de ton ?
Astien, Ed Wood et Mathurin
Un pour tous et tous pour un
Applaudissez « les poètes les plus à l’ouest de l’Est parisien »
Applaudissez le « dandy pugnace », l’« érudit salace »
Et « l’étourdi grande classe »
Qui sont un concentré verbal de l’homme idéal
Ils abusent, ça les amuse
Quand ils se nomment à la ronde
« Les plus grands poètes du monde »
N’empêche que ces violeurs de muse
Ne sont pas des triples buses
Ils ont pêle-mêle sous leurs ailes
Des pères spirituels à la pelle
Audiard et Gainsbarre, Baudelaire et Prévert
Lapointe, l’Oulipo, Renaud, Nougaro
Sans parler du maître absolu
Brassens, le suprême moustachu
Champions deux fois du National Grand Slam
Ces chevaliers du macadam, glorieux coureurs de tournois
Se sont rencontrés là
Et, par leurs talents grisés,
Se sont juré fidélité
Le Grandiloquent Moustache Poésie Club était né
Qui se piqua de raconter
L’histoire de ses déboires
Et de sa gloire fantasmée
Ave Cesar, slamrituri te salutant
Après avoir soumis, à la pointe des bacchantes
Quelques obscures salles
De banlieues fatales
Et un théâtre de Pigalle
Ces gladiateurs à la crème
Se sont lancés dans les arènes
Du fameux Rond-Point près de la Seine
De quoi leur affoler sérieux
Le follicule pileux
D’ailleurs, effet du trac ( ?)
Le décollage fut hasardeux qui a frôlé de peu
Le scratch sur le tarmac
Puis on s’est s’envolé
Vers de moins faciles contrées
Finalement emportés
Dans un slam très second degré
Trop vaguement théâtralisé
Manquait un fil rouge
À cette mise en scène qui bouge
Pistache
Ce spectacle a des moustaches
Qu’il faudrait encore tailler, dompter et fignoler
Car si beaucoup se sont poilés
D’autres se sont barrés. ¶
Sylvie Beurtheret
le Grandiloquent Moustache Poésie Club
Mise en scène : Julie Chaize
Texte et jeu : Astien Bosche, Julien Pauriol alias Ed Wood, Mathurin Meslay
Régisseur lumière et son : Hervé Coudert
Habilleuse : Gwenaële Noal
Photo : © D.R.
Production : Show Risso
Coréalisation : Théâtre du Rond-Point
Création en juillet 2009 au Off du Festival d’Avignon
Théâtre du Rond-Point, salle Roland-Topor • 2 bis, avenue Franklin‑D.‑Roosevelt • 75008 Paris
Réservations : 01 44 95 98 21
Du 3 au 24 décembre 2010 à 18 h 30, relâche les lundis
Durée : 1 heure
27 € | 25 € | 16 €